La vallée des fous – Xavier Beauvois – 2024

10. La vallée des fous - Xavier Beauvois - 2024L’ivresse en son jardin.

   6.0   Ce n’est pas le film le plus réussi de Xavier Beauvois en revanche c’est clairement l’un de ses plus touchants car très personnel tant il revêt une dimension éminemment autobiographique à travers le portrait de cet homme alcoolique.

     Endetté par son restaurant familial qui ne fonctionne plus, Jean-Paul, père veuf, passionné de voile, décide de participer à la course virtuelle du Vendée Globe sur Virtual Regatta, en espérant remporter l’une des dotations accordées aux meilleurs. Mais il adopte les conditions des skippers et s’isole pendant trois mois sur son bateau installé dans le jardin de son restaurant du Finistère, au grand dam de son père et de sa fille.

     Oui, l’idée fait peur. D’autant que l’on comprend rapidement le gros chemin de rédemption : le personnage doit renouer avec les siens et surtout avec lui-même. On ne voit clairement rien de la course, en grande partie car Beauvois revient sans cesse dans le restaurant, en pleine transformation grâce au fiston qui a repris les rênes pendant l’absence de son père. Je pense que le film est un peu parasité par cette intrigue, qui prend beaucoup trop de place.

     Mais voilà, il me semble que c’est un film sur l’alcoolisme avant tout, sur l’alcool refuge et prison. Et ce film-là, qui semble si intime, Beauvois le réussit pleinement, parvenant à faire exister cette famille et les relations entretenues avec ce fils/père malade, toxique et égocentrique. Le rôle de la fille tenue par Madeleine Beauvois, la fille du cinéaste, rend l’expérience encore plus touchante et déroutante. Et puis celui du (grand)père est tenu par Pierre Richard. C’est toujours un bonheur de revoir Pierre Richard.

En fanfare – Emmanuel Courcol – 2024

06. En fanfare - Emmanuel Courcol - 2024Jusqu’à la moelle.

   6.0   C’est un beau récit de frangins qui n’ont pas grandi ensemble et qui se trouvent, en grande partie grâce à la maladie et une greffe de moelle osseuse. Et se trouvent aussi grâce à la musique, quand bien même l’un soit chef d’orchestre de renommée internationale et l’autre tromboniste dans une fanfare locale.

     J’aime que le film distribue vite ses cartes, à renfort d’ellipses, comme pour dire que ce qui l’intéresse c’est ce qui va suivre, c’est la construction de cette fraternité tardive. J’aime qu’il se termine sur le Bolero de Ravel, un peu comme chez Lelouch, en guise d’adieu, dans une sorte d’opéra émouvant et macabre.

     C’est un film très attendu et balisé, dans sa construction et son programme familial et social, et dans le même temps il a la sincérité de ne pas prétendre révolutionner quoique ce soit. C’est très écrit, très programmatique. On est sur des rails, mais d’élégants rails.

     Benjamin Lavernhe est top. Et Pierre Lotin est génial, sa diction, son corps. Il porte le film. C’est une vraie belle comédie (dramatique) populaire. Contrairement au précédent film de Courcol (Un triomphe, avec Kad Merad) qui était très mauvais. À force d’en entendre du bien j’avais peur à la douche froide, mais non c’est vraiment chouette.

La nuit avance (La noche avanza) – Roberto Gavaldón – 1952

11. La nuit avance - La noche avanza - Roberto Gavaldón - 1952Regarde cet homme tomber.

   6.0   Avec cette chronique et chute d’un sportif macho, intolérant, cynique et imbu de lui-même, Roberto Gavaldón adopte cette fois un point de vue plus satirique, plus politique, aussi. En résulte un film très noir porté par un acteur absolument charismatique incarnant le personnage le plus antipathique qui soit, idiot détestable (un peu comme tous les autres personnages du film) qui malmène trois générations de femmes (qui lui flattent l’ego) et star admirée par la nation entière. Le voir propulsé dans une guerre mafieuse le rend pas plus sympathique mais on aime encore davantage le détester et le voir tomber. Mais c’est surtout après sa mort, quand un chien pisse sur une affiche de lui en pleine rue, qu’on jubile. Plus sec que les autres Gavaldón, je pense, mais beau film, encore, visuellement inspiré, dont je retiens en priorité l’ouverture et cette longue scène de pelote Basque.

Pourquoi pas ! – Coline Serreau – 1977

07. Pourquoi pas ! - Coline Serreau - 1977L’amour c’est mieux à trois.

   5.5   L’impression de voir une cinéaste donner son avis sur Les Valseuses et Céline & Julie vont en bateau, et offrir son point de vue et mélange des deux. Elle y garde par ailleurs moins de Rivette que de Blier, moins de cinéma que de sulfureux, disons. Une vision toutefois plus féminine, évidemment.

     C’est l’histoire d’une femme et deux hommes vivant librement une idylle bisexuelle et polyamoureuse. Utopie revendiquée par ailleurs assombrie en permanence par une violence générale touchant chacun des personnages. Les ruptures de tons permanentes participent de cette libération sexuelle côtoyant une réalité sociétale difficile.

     Le premier film de Coline Serreau est au diapason de son récit, bancal et abscons, burlesque et noir, formellement passe-partout, mais il en reste néanmoins une liberté de ton qui en fait un film de son époque et le rend assez joli, par instants. Et bien sûr, il y a Sami Frey. J’adore cet acteur.

Le partant – Guy Gilles – 1969

04. Le partant - Guy Gilles - 1969Ni Constantinople, ni Istanbul.

   6.0   C’est un voyage à travers le monde uniquement par le prisme de stations de métro, enseignes de magasins ou restaurants, panneaux publicitaires, cartes postales. Le film s’ouvre Gare Saint-Lazare, un jeune homme (Patrick Jouanné, qu’on retrouve la même année dans Au pan coupé) déambule et laisse vagabonder son regard puis se projette dans des destinations lointaines pour s’évader du chaos urbain parisiens. Le montage y est très vivant, d’une grâce infinie, laissant planer l’ambiguïté du rêve ou du souvenir que déclenchent ces occurrences du quotidien auxquelles on ne prête jamais attention dans d’autres films. En ce sens, et si leur cinéma diffère énormément, je retrouve ce que j’aime tant chez Luc Moullet, l’un étant le versant burlesque, l’autre mélancolique d’une médaille faisant la part belle à la magie quotidienne, d’un visage, d’un lieu, d’un écriteau, d’un mot.

Suspiria – Luca Guadagnino – 2018

09. Suspiria - Luca Guadagnino - 2018Prenez garde à la mère sorcière.

   3.5   Alors il faut savoir que je suis un fan du Suspiria d’Argento. C’est son meilleur film, de loin, à mes yeux. Et l’un de mes films préférés. Bref j’y allais le couteau entre les dents. Au point qu’il m’a fallu sept ans pour me décider à voir ce « remake » qui délocalise l’action (qui se déroulait à Fribourg dans le film original de Dario Argento) dans le Berlin de 1977. On pourra lui reprocher ce que l’on veut mais Guadagnino se réapproprie le film, entièrement, qui ne ressemble absolument plus à l’original. Tant mieux. On a davantage l’impression que le modèle c’est Fassbinder. Tant mieux, encore. Et dans le même temps, rien ne fonctionne pour moi. J’ai l’impression d’assister au petit manuel de l’elevated horror, monocorde, grisâtre, amorphe. C’est un film qui bande de sa performance, qui se regarde, d’un plan à l’autre et c’est une prétention qui ne débouche sur rien, narrativement ou émotionnellement, je trouve, c’est pas du Kubrick, quoi. Plutôt un film d’horreur de quelqu’un qui n’aime pas l’horreur pour ceux qui n’aiment pas l’horreur. L’original était coloré, abstrait, onirique, sensoriel. Là on te balance de la culpabilité nazie, automne allemand, Bande à Baader mais pour pas grand-chose il me semble. Alors oui deux trois séquences surnagent (la première audition, le spectacle, le carnage final…) mais bon, c’est peu surtout au regard d’un film si interminable.

Un ours dans le Jura – Franck Dubosc – 2025

05. Un ours dans le Jura - Franck Dubosc - 2025Un plan pas simple.

   4.5   Si les références d’Un ours dans le Jura vont de Fargo à Un plan simple, en passant par Poupoupidou et Polar Park, il faut bien reconnaître que la promesse ne va pas plus loin que sa correcte mise en place et qu’on vogue rapidement vers le n’importe quoi. C’est pas si simple, la comédie noire. Sans parler de mise en scène – au mieux fonctionnelle ici – c’est aussi une affaire de personnages, de scénario, de rythme, de dosage, de suspension d’incrédulité. Le film fait donc illusion une demi-heure mais on se lasse vite de ses rebondissements improbables. Et puis on n’y voit quand même pas beaucoup le Jura. Tu tournes ça dans la forêt de Fontainebleau c’est pareil. Reste une douce sympathie pour Dubosc, Calamy et Poelvoorde.

Un dimanche à Aurillac – Guy Gilles – 1967

21. Un dimanche à Aurillac - Guy Gilles - 1967Vie un dimanche de pluie.

   6.0   Une journée à Aurillac, par un dimanche de pluie. Pêche à la ligne, stand de tir, petit bal, promenades main dans la main sur les routes alentour. Du café à la gare, les lieux, les visages et le temps qui s’écoule deviennent poésie du quotidien, restituée sans dialogue ni commentaire. C’est un beau document sur une France d’antan, dans la continuité (ou plutôt l’antériorité) de L’argent de poche, de Truffaut.

La rivière du hibou – Robert Enrico – 1962

20. La rivière du hibou - Robert Enrico - 1962La corde au cou.

   7.0   Pendant la guerre de Sécession, un civil sudiste est sur le point d’être pendu pour avoir tenté de saboter un pont ferroviaire. Lorsque l’exécution a lieu depuis le pont, la corde se rompt et le prisonnier prend la fuite. C’est un superbe court métrage (28min), multi primé (dont l’oscar et la palme d’or du meilleur court métrage et il est même diffusé à la télévision américaine en tant qu’épisode de La quatrième dimension) adapté d’une nouvelle d’Ambrose Bierce, An occurrence at Owl Creek bridge, La rivière du hibou est une splendeur visuelle, un film à ciel ouvert, entre rivière et forêt, basé sur une idée géniale et cruelle reprise notamment par Adrian Lyne pour L’échelle de Jacob. On y trouve déjà la cruauté qui habitera le cinéma de Robert Enrico.

Une vie de chien (A dog’s life) – Charles Chaplin – 1918

16. Une vie de chien - A dog's life - Charles Chaplin - 1918Destins liés.

   6.0   Affamé et sans le sou, Charlot dort derrière la palissade d’un chantier. Il tente de voler une saucisse et se retrouve pris en chasse par un policier puis deux, avant d’entrer dans une agence de travail. Évidemment il n’est pas le seul chômeur à la recherche d’un boulot. Parallèlement, un chien joue de sa survie aussi, entre un panier de fortune et une quête de nourriture. Le voilà bientôt aux prises avec une armée de molosses pour un os oublié. Le vagabond fait la rencontre du chien errant. Ils ne se quittent plus. Ce dernier lui déterrera un portefeuille plein de billets. Charlot réussira à le dissimuler dans son pantalon afin d’entrer dans un dancing qui interdit les animaux. Il y fera la rencontre d’une chanteuse qu’il épousera bientôt avant de s’installer dans une ferme à la campagne. C’est Le Kid, avec un chien à la place du gosse, trois ans plus tôt et en format trente minutes. Le vagabond et le chien deviennent des êtres miroirs, leur destin est lié, au sein d’une satire pleinement corrosive : aucun autre personnage à sauver, zéro solidarité, zéro bienveillance, zéro espoir. Il n’y a que l’amour pour triompher du malheur. Dans un final si utopique qu’il contrebalance la violence du récit initial.

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