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Archives pour 20 novembre, 2008

Le Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette) – Vittorio De Sica – 1949

f_31Le pain et la rue.

   9.0   Vittorio De Sica est ici très proche de Buñuel ou serait-ce l’inverse ? La mise en scène, le propos, le climat, le milieu social rappellent inévitablement Los Olvidados, au détail près que le cinéaste italien n’utilise pas les codes oniriques comme son confrère espagnol. Son film n’en est pas moins somptueux pour autant.

     Les Ricci sont issus d’un milieu social très modeste. Et le jour où le mari dégote un travail, poseur d’affiches, il doit se procurer une bicyclette au plus vite pour ne pas se faire substituer son poste. Sa femme lui dira qu’ils n’ont pas besoin de draps pour dormir et hop ils vendent leurs draps afin de s’acheter cette bicyclette. C’est chose faite, le père Ricci peut travailler. Ce deux-roues prend donc une place très importante dans la vie de cet homme et dans le film tout court. Elle est son gagne-pain, ce qui lui permet aussi de nourrir les siens. Et le spectateur a les yeux rivés dessus autant que son propriétaire.

     Evidemment arrive l’instant tant redouté, sans cela le titre n’existerait pas. Et voilà notre ami accroché à cet objet comme à la prunelle de ses yeux, le voilà lancé aux trousses du voleur, comme si c’était son enfant qui avait été kidnappé… Plus qu’un film social sur la difficulté de s’en sortir, Vittorio De Sica parle de désespoir, d’anéantissement moral en n’omettant pas de rappeler que dans les pires situations, le vol n’est plus vraiment un crime mais la démonstration qu’une âme en perdition peut y recourir en guise de profond désespoir. En somme, on ne vole pas pour voler, comme on ne tue pas pour tuer, mais pour manger.

L’Echange (The Changeling) – Clint Eastwood – 2008

L'Echange (The Changeling) - Clint Eastwood - 2008 dans Clint Eastwood h_4_ill_1047538_echange

I want my son back.     

   5.5   Ah ce sacré Clint ! Il y a beau y avoir de nombreuses choses que l’on déteste dans ses films que pourtant il est absolument impossible de détester le film en son entier. Clint Eastwood c’est la grâce, l’élégance, le peu de classicisme beau qu’il reste à Hollywood.

     Il restait donc sur un diptyque moyen que constituaient Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo Jima, qui sur ses allures de plaidoyer anti-guerre faussement moral révélait quelque chose de très fluide, classique c’est vrai, mais où l’on ne voyait pas le temps passer. Clint fait des films qui durent deux heures, ils pourraient en durer trois que l’on ne voudraient en aucun cas partir. Million Dollar Baby et Mystic River sont des films non exempts d’une certaine abondance lacrymale et pourtant on y trouve du sublime. Un truc que l’on ne voit nulle part ailleurs dans les films ricains. Auparavant, dans les années 90, il avait pondu deux chef-d’œuvres que sont Un Monde Parfait et Sur la route de Madison, le premier brillant pour cette ambiguïté morale et ce personnage mi-figue mi raisin, car méchant mais attachant ; le second par la pureté de cette histoire d’amour impossible, épurée et magnifique.

     Le nouveau film du vieux c’est Changeling, L’Echange. En locurence l’échange d’un enfant. Christine Collins (excellente Angelina Jolie) rentre chez elle du boulot et découvre que son fiston de neuf ans a disparu. Probablement kidnappé. Et cinq mois plus tard comme par le plus grand des hasards les autorités ont retrouvés l’enfant et s’empressent de réunir la presse afin de filmer les retrouvailles. Mais Christine est formelle, ce garçon n’est pas le sien. Ce garçon n’est pas Walter Collins. It’s not my son dira t-elle à maintes reprises, en vain. Mais la police ne va pas salir sa réputation, déjà fortement mise en doute, pour cette citoyenne qui fait chier. Voilà où en est le personnage quand le film a à peine commencé.

     Clint Eastwood fait le film emphatique et complaisant par excellence. La mère Collins est victime d’une conspiration qui la dépasse, visant à faire croire n’importe quel mensonge à la populace car, comme le dit un flic en début de film : Les gens aiment les histoires qui finissent bien. Les rôles sont distribués : Les internes des HP, les membres de la police ne sont pas des gentils. Le révérend et la victime du kidnapping dans la ligne du bien. Mais Clint l’escroc s’est dit que ça allait être un peu too much quand même donc on a droit à flic gentil – plus tard dans le récit bien entendu, un fois que Miss Collins aura pleuré toutes les larmes de son corps – qui lui se démène pour trouver la vérité et n’hésite pas à bousculer les institutions.

     Et donc la grande qualité de ce film c’est son réalisateur. Si on avait eu un Barry Levinson (j’ai pensé à Sleepers parfois) ou un Frank Darabont (j’ai aussi pensé à La Ligne Verte, si si) le film aurait été une purge sans nom. Mais c’est Clint aux commandes. Et on a beau boudé on a envie d’être indulgent car il y a quelque chose de très beau là-dedans, quelque chose qui nous tiens et qui ne nous lâche plus.

Dernier Maquis – Rabah Ameur-Zaïmeche – 2008

Dernier Maquis - Rabah Ameur-Zaïmeche - 2008 dans * 2008 : Top 10 tn_img-6-300x171Utopie orange vert pourpre.   

   8.5   Ce film apparaît comme l’évolution adéquate dans la petite mais déjà imposante filmographie de Rabah Ameur-Zaïmeche. Car même s’il retrouve « l’espace clos » de son premier film, à savoir qu’ici les immeubles aux étages infinis ont été remplacés par un lieu de travail recouvert de palettes rouges, le grain de l’image est lui plus proche de son précédent film, dans cette démarche plus lente, plus lyrique d’aborder l’espace. Mais quelque chose a cependant bien changé. Son cinéma gagne un grade de plus, prend davantage aux tripes et se veut plus profond, peut-être plus écrit. Comme le dit RAZ lui-même, c’est un film sur la religion et le prolétariat, un film sur l’islam et le travail, voir l’islam au travail.

     Très loin des clichés habituels, le cinéaste s’improvise ici personnage patron d’un chantier (« s’improvise » car d’origine ce rôle n’était pas pour lui mais pour un acteur connu qui s’est désisté deux jours avant le début du tournage) qui décide d’ouvrir une mosquée, de façon à réunir ses employés, mais ce sera lui qui en désignera l’imam et poussera les non musulmans à se convertir.

     Parabole du chef d’entreprise, RAZ pousse la réflexion encore plus loin, ou du moins nourri une certaine ambiguïté qui n’aurait de cesse d’occuper le film en son entier, en présentant un personnage parfois antipathiques, parfois attachant, de même que des mécanos compréhensibles mais pas non plus irréprochables dans leur démarche auprès des ouvriers, et des ouvriers alors précarisés loin d’être exempts de lâcheté. D’autant que certaines séquences à l’appui (celle du ragondin par exemple) sont très déstabilisantes puisque le cinéaste parvient à changer notre perception, notre jugement sur ces personnages en une fraction de seconde. Et évidemment cet épisode est chargé de symboles politiques.

     Et quand RAZ décide d’employer le hors champ concernant son personnage (sur la barque, à la mosquée) il réussit quelque chose d’inouï, presque d’inespéré. Le patron est là et en même temps ne l’est pas. C’est très fort. De la même manière il y a une absence totale de femmes (une question qui occupa de la place à tort pendant le débat) car je cite le cinéaste « Faire apparaître une femme dans le récit aurait été nuisible car on aurait embrayé sur un autre film, et la seule femme qui aurait pu être ici ç’aurait été le personnage de Mao, mais je tenais trop à ce rôle après coup ! »

     Vous l’aurez compris, Dernier Maquis est selon moi bien meilleur que les deux autres. Quoique 1h30 durant j’aurais parlé de très bon film et non de grand film, avant qu’apparaisse ce dernier plan symboliquement chargé, et ce générique final sous cette musique originale hallucinante, rythmée par le bruit des palettes, grandiose d’un type dont j’ai oublié le nom, mais qui est un génie!

Milestones – Robert Kramer & John Douglas – 1975

Milestones 7Sur la route.

   8.5   Film fleuve, fresque monumentale, Milestones dresse le portrait de multiples personnes dispersés dans une Amérique post guerre du Vietnam, des militants qui s’interrogent sur leur identité, sur le pourquoi historique.

     Milestones est sorti sur les écrans cannois en 1975 où il fut projeté à la quinzaine des réalisateurs. C’est en toute logique que le film est ressorti cette année à cette même quinzaine, et passe de façon inédite sur les écrans de l’hexagone durant l’automne. Enfin, sur les écrans de l’hexagone. Disons plutôt trois salles. Trois malheureuses salles en France.

     Milestones est un film difficile. Un film qui dure 3h15. Un film morcelé. Un film loin d’être fluide, qui oscille entre différentes vies, communautés, à tel point que l’on s’y perd, ce qui atténue certains moments qui auraient pu être très forts. Milestones c’est la lente agonie des communautés hippies, des révolutionnaires, des marginaux d’Amérique, qui considèrent leur triste passé commun et envisagent comme ils peuvent ce qui pourrait ressembler à un futur.

     Les réalisateurs Kramer et Douglas jouent énormément avec le procédé documentaire/fiction puisqu’il est vraiment délicat de ne pas les confondre. En ajoutant à tout cela certaines images d’archives sur le génocide des indiens et l’esclavage. Et en ce sens c’est un film unique. Un film qui ne ressemble à aucun autre. Un film muni d’une fin assez sensationnelle, presque déstabilisante par son trop plein de réalisme. Mais Milestones laisse cependant sur le carreau. Il est interminable. Mais il est légitimement interminable.

A Swedish Love Story (En Kärlekshistoria) – Roy Andersson – 1970

A Swedish Love Story (En Kärlekshistoria) - Roy Andersson - 1970 dans Roy Andersson

Un amour de jeunesse.     

   8.5   Il était grand temps que ce film suédois, jusqu’alors inconnu dans l’hexagone, sorte sur nos écrans. Non que l’on ne soit pas gâté par le cinéma suédois, Ingmar Bergman érigeant sur ses seules épaules déjà le cinéma de son pays au rang de sublime, mais parce qu’il est unique en son genre et qu’il traite comme d’aucuns n’avaient su le faire aussi bien, avec un travail très intéressant au niveau de la mise en scène, de l’amour adolescent, débarrassé des débâcles adultes, au point de nous faire regretter nos quinze ans. On y croit tout le temps. C’est sans cesse magnifique et très joliment filmé. Roy Andersson fait passer les sentiments par les regards (qui plus est d’une intensité rare de la part de ces deux jeunes acteurs), par les silences, leur relation étant pour ainsi dire dénuée de mots. Comme c’est le cas à quinze ans ! On n’ose s’approcher. On se parle très peu. Qu’en est-il de la sexualité ? Quelle démarche adopter pour séduire l’autre ? Les visages sont cinglants de beauté pure, candeur et spontanéité. Les yeux scrutent l’horizon en espérant y trouver un regard réciproque. Et pas question pour Andersson de s’affranchir du reste en ne montrant qu’un flirt. Il enrobe son histoire d’amour socialement en montrant un quotidien parental déprimant, soucieux de tout, dans un environnement coincé financièrement. Il évoque aussi certaines mœurs suédoises de la classe profonde. Sans pour autant laisser l’humour de côté, qui se révèle très froid, très spécial !Peut-être Andersson est-il nostalgique de ses quinze ans ? L’âge de l’insouciance. Le plus bel amour que l’on puisse vivre, le plus percutant, marquant car le plus naïf qui puisse exister.

Le Septième Continent (Der Siebente Kontinent) – Michael Haneke – 1993

Le Septième Continent (Der Siebente Kontinent) - Michael Haneke - 1993 dans * 100 der-siebente-kontinent09979318-35-19

De l’évaporation.

   10.0   C’est l’histoire d’une aliénation familiale, d’une autodestruction sociale dans sa forme la plus individualiste, la plus égoïste qui soit. Le Septième Continent, premier long métrage de Michaël Haneke, suit le destin tragique d’une famille bourgeoise à travers trois étapes – trois ans – de leur vie : Le combat pour appartenir à la société, pour en accepter ses règles, son fonctionnement ; La réussite professionnelle, qui n’exclut pas la solitude ; La destruction de soi et de ce qui gravite autour de soi.

     Pour le spectateur, l’évolution du récit se présente de deux manières : c’est d’une part l’observation d’un quotidien, les gestes et regards des personnages, leurs mouvements et interactions sur les objets, leurs habitudes, leur recherche permanente d’une vie sans passion qui suit malgré tout le chemin tout tracé des conventions morales. Ou d’autre part ce sont les lettres de la famille envoyées, elles aussi en trois étapes, aux parents de Georg, le mari, afin de les rassurer, de leur raconter brièvement leur fade quotidien.

     La mise en scène clinique accentue cet état d’emprisonnement, cet isolement familial. La tension s’accroît au fil du récit pour accoucher sur un climat d’horreur, sans pathos, déluge d’hémoglobine ou jubilation, simplement en montrant des corps, voués à l’abandon. Le Septième Continent (le couple dira l’Australie à leur entourage) se fait de plus en plus proche. Le matérialisme de la vie poussé à son paroxysme est en train de s’éteindre. Pas de trace d’un éventuel et éphémère passage sur Terre. Et ce brin de lucidité suicidaire dans ce carcan monstrueux des conventions quotidiennes est d’autant plus cruel que lorsque l’on regarde les rouages de la société moderne on se dit que dans un élan de triste lucidité il pourrait très bien s’emparer de nous.

Présentation

Bonjour à tous.

Je tiens à signaler que ce blog est, sauf à de rares exceptions, entièrement destiné à l’art cinématographique. Je me consacre principalement à un cinéma qui me tient à coeur, si possible de tout horizon. Un cinéma de réflexion qui me touche dans l’intime. Bien entendu j’essaierai de ne pas négliger les grands classiques, le divertissement, le cinéma de genre, principalement les films d’horreur, mon péché mignon. Et parfois seulement, pause détente, je pousse quelques coups de gueule.

On ne peut pas dire que ma plume soit des plus aiguisées  donc mes commentaires peuvent être succincts et/ou bordéliques, mais mon but est de retranscrire à l’écrit ce qu’il y a dans mon esprit, dans ma tête, mon sentiment personnel, donc une vision totalement subjective apparaîtra dans chacune de mes tentatives d’analyses.

Si certaines choses vous échappent, si d’autres vous mettent en colère, si vous vous retrouvez dans certaines de ces lignes je vous invite avec plaisir à annoter un commentaire, afin de pouvoir rebondir, voir d’engager un débat.

Je signale aussi, à toute fin utile, que chaque film est accompagné d’une notation, complètement inutile, sur 10 – dans un but uniquement ludique - qui peut d’ailleurs évoluer suivant mes humeurs ou lorsqu’il m’arrive de revoir les films concernés.

Bonne lecture.

Grégory.

Présentation dans # Moi salle-cinema-metz


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