8.5 Ce film apparaît comme l’évolution adéquate dans la petite mais déjà imposante filmographie de Rabah Ameur-Zaïmeche. Car même s’il retrouve « l’espace clos » de son premier film, à savoir qu’ici les immeubles aux étages infinis ont été remplacés par un lieu de travail recouvert de palettes rouges, le grain de l’image est lui plus proche de son précédent film, dans cette démarche plus lente, plus lyrique d’aborder l’espace. Mais quelque chose a cependant bien changé. Son cinéma gagne un grade de plus, prend davantage aux tripes et se veut plus profond, peut-être plus écrit. Comme le dit RAZ lui-même, c’est un film sur la religion et le prolétariat, un film sur l’islam et le travail, voir l’islam au travail.
Très loin des clichés habituels, le cinéaste s’improvise ici personnage patron d’un chantier (« s’improvise » car d’origine ce rôle n’était pas pour lui mais pour un acteur connu qui s’est désisté deux jours avant le début du tournage) qui décide d’ouvrir une mosquée, de façon à réunir ses employés, mais ce sera lui qui en désignera l’imam et poussera les non musulmans à se convertir.
Parabole du chef d’entreprise, RAZ pousse la réflexion encore plus loin, ou du moins nourri une certaine ambiguïté qui n’aurait de cesse d’occuper le film en son entier, en présentant un personnage parfois antipathiques, parfois attachant, de même que des mécanos compréhensibles mais pas non plus irréprochables dans leur démarche auprès des ouvriers, et des ouvriers alors précarisés loin d’être exempts de lâcheté. D’autant que certaines séquences à l’appui (celle du ragondin par exemple) sont très déstabilisantes puisque le cinéaste parvient à changer notre perception, notre jugement sur ces personnages en une fraction de seconde. Et évidemment cet épisode est chargé de symboles politiques.
Et quand RAZ décide d’employer le hors champ concernant son personnage (sur la barque, à la mosquée) il réussit quelque chose d’inouï, presque d’inespéré. Le patron est là et en même temps ne l’est pas. C’est très fort. De la même manière il y a une absence totale de femmes (une question qui occupa de la place à tort pendant le débat) car je cite le cinéaste « Faire apparaître une femme dans le récit aurait été nuisible car on aurait embrayé sur un autre film, et la seule femme qui aurait pu être ici ç’aurait été le personnage de Mao, mais je tenais trop à ce rôle après coup ! »
Vous l’aurez compris, Dernier Maquis est selon moi bien meilleur que les deux autres. Quoique 1h30 durant j’aurais parlé de très bon film et non de grand film, avant qu’apparaisse ce dernier plan symboliquement chargé, et ce générique final sous cette musique originale hallucinante, rythmée par le bruit des palettes, grandiose d’un type dont j’ai oublié le nom, mais qui est un génie!
merci pour le compliment.
vous pouvez écouter la musique du film sur mon myspace :
http://www.myspace.com/riffsongs
merci
Sylvain Rifflet