Blanc comme neige.
9.5 Uzak est un film qui me tient énormément à cœur. A sa découverte, une brèche s’est entrouverte dans mon esprit, une brèche qui concentre désormais tout l’amour que je porte à de nombreux films dans la veine de celui de Ceylan.
Il faut dire que les images chez le cinéaste turc parlent à son avantage. Il suffit de voir son court métrage Koza (qui date de 95) pour s’en persuader. Pendant vingt minutes il racontait une tragédie familiale à sa manière, jouant abusivement avec tous les sons possibles et les éléments fondamentaux terrestres, comme le faisait si bien un certain cinéaste russe.
Car il n’est pas interdit je crois de l’en comparer. D’ailleurs si ce n’est pas en toute logique que le personnage de son film Uzak est photographe et délaisse un peu ses objectifs artistiques primordiaux pour se consacrer à autre chose qui marche mieux, de plus commercial en fait. Contre l’avis de certains de ses amis qui iront jusqu’à lui dire de persévérer, de ne jamais se fourvoyer, de faire de la photo comme ça lui chante, lui qui auparavant rêvait de faire des films comme Andrei Tarkovski !
Et non content de faire un film ultra référencé, un film presque pamphlet de l’industrie commerciale, un film à la photographie superbe, Nuri Bilge Ceylan nous gratifie d’une critique sociale assez amer sur la difficulté d’intégration.
Publié 23 novembre 2008
dans * 2008 : Top 10, * 730 et Tariq Teguia
De l’autre côté.
9.0 Deux jeunes algériens (en couple, ou pas) en quête d’autre chose, sillonnent les routes à la recherche d’un certain Bosco qui pourrait être celui qui les délivrerait de ce carcan tenace qu’est l’identité individuel.
Les partis pris de mise en scène sont parfois inexplicable mais ne nous empêchent pas de saisir l’essentiel et d’admirer le travail accompli. Certaines séquences sont magnifiques. Comme ce long travelling à hauteur d’homme (de la jeune femme tout particulièrement) dans une rue d’Alger en début de film. Ces longues scènes subjectives (donc le regard des personnages) évoquant le songe permanent. Cette scène terrassante, étouffante d’angoisse de l’arrivée des « flics » dans le bar (un calvaire pour nous autant que pour les protagonistes !). Ces plans sur la plage d’une beauté défiant toute concurrence. Cette scène de festivité, où se dégage une réelle sensation de liberté, un instant trop bref comme le peut être une fête dans notre quotidien : scène finalement joyeuse qui nous ôte toute dépression. Les plans s’étirent, et finalement c’est aussi ce qui arrive aux personnages : ils tournent en rond, sont dans une phase de transition, presque sans identités, comme des êtres hors du temps, qui n’ont d’importance qu’aux yeux du spectateur.
Ajoutez à tout cela des images, des sons en adéquation idéale avec le récit, car c’est probablement avec Le Bannissement de Zviaguinstev, ce que j’aurais vu de plus beau en images et sonorités cette année. Et on obtient un film d’une richesse évidente, où chaque plan n’est pas anodin, un film il est vrai très exigeant, mais dont le sujet est à la fois grave et d’actualité. Un journal évoquait Costa, Zhang-Ke quant aux influences. On pourrait tout aussi bien ajouter Cassavetes et Antonioni, et surtout reconnaître un talent évident, en la personne de Tariq Teguia, qui devient légitimement un cinéaste à suivre de près.