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Archives pour février 2009

Vers la joie (Till Glädje) – Ingmar Bergman – 1949

Vers la joie (Till Glädje) - Ingmar Bergman - 1949 dans Ingmar Bergman 479b2a27107a0-1ajpg

   7.5   C’est toujours un plaisir de découvrir un film du grand cinéaste suédois. Même si certains sont moins forts, moins bons que d’autres, ils n’en demeurent pas moins intéressants, à chaque fois.

     Sur le papier, Vers la joie est un de ses films mineurs. Evidemment si on le place aux côtés de Monika, les fraises sauvages, scènes de la vie conjugale, trois films auquels il se rapproche un peu, on serait tenté d’y voir un petit film. Sauf que c’est un film bien unique. D’une part il est réalisé avant les films suscités, puis il a son atmosphère. C’est déjà un énorme flashback qui dure tout le film, sa musique puisque le thème ici c’est la musique étant donné qu’il s’agit d’un couple de violonistes, leur rencontre au conservatoire, et la mort accidentelle de la dernière pendant que le mari est en représentation de la 9e de Beethoven.

     Le film commence comme cela. On apprend la mort de cette femme. L’homme est effondré, il s’interrompt, on imagine qu’il ne rejouera pas. Et c’est sans doute dans sa tête, dans ses pensées que l’on va découvrir la vie de ces deux personnes. Bergman aurait pu tirer vers le gros mélo en présentant un couple très soudé séparé par un destin injuste, c’eut été très hollywoodien en fin de compte dans ce cas là. Mais bien entendu, cette vie conjugale, bientôt parentale n’est pas dénué de péripéties douloureuses. C’est une peinture du couple magnifique, avec deux grands acteurs, qui nous offre l’un des plus beaux finals bergmanien, musical et émouvant. J’en avais des frissons…

Blow Up – Michelangelo Antonioni – 1967

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Ready-made.     

   10.0   Blow Up est un film cinématographique, voire photographique par excellence, sans doute la plus belle déclaration d’amour que l’on puisse faire au métier, puisqu’il évoque les (mes)aventures d’un photographe, son regard à travers les clichés qu’il a shooté sur un homicide dans un parc. Qu’est-ce que l’on voit ? Qu’est-ce que l’on ne voit pas ? Et comment doit-on interpréter ces choses, réalités que l’on a vu ou pas ?

     Blow Up semble nous aventurer sur le terrain glissant de l’illusion, de l’interprétation du regard, sur la problématique de vivre sans voir… A ce titre le film s’ouvre sur ce qui ressemble à une fête, ou une manifestation interprétée par des pantomimes. Et ces derniers font la boucle à savoir qu’ils improvisent une partie de tennis imaginaire où tout leur semble vrai, à tel point que les autres, devenus spectateurs, de même que notre personnage principal, vivent le moment comme s’il existait réellement, matériellement.

     Que vient de faire le cinéaste italien pendant plus d’une heure et demie ? Tout simplement de jouer avec son personnage, avec son spectateur, devenu lui aussi personnage. Puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de nous faire vivre, découvrir en même temps que le personnage cette histoire presque rocambolesque, l’histoire d’une simple prise de photos d’un couple dans un parc anglais qui dérive vite en meurtre… Et tout cela à travers ces photos prises justement. Le personnage n’a rien vu de la scène, c’est seulement en rentrant chez lui qu’il découvrira la face cachée de cette journée d’apparence anodine.

     Et Antonioni fait ça à sa manière, plein de finesse, pleine de finesse, avec un sens du cadre hors du commun, non sans en oublier ce qu’il approfondira dans Zabriskie Point à savoir la mise en abyme d’une jeunesse paumée, d’une société malade qui trouve refuge dans des activités libertines, décadentes (sexe, drogue, marginalisme en tout sens (la pantomimie)). En ce sens, Blow Up comme tout ce que fait Antonioni est une œuvre excessivement moderne. Antonioni est selon moi le plus grand des modernes.

     Brian De Palma en reprendra la trame dans son film Blow Out en délivrant cela dit quelque chose d’entièrement différent, plus noir, dramatiquement plus chargé, axé sur le son et non l’image, mais tout aussi bien réussi dans son genre.

Zabriskie Point – Michelangelo Antonioni – 1970

Zabriskie Point - Michelangelo Antonioni - 1970 dans * 100 zab460

L’an 01.    

   10.0   Zabriskie Point est un carrefour, sorte d’aiguillage où deux êtres apparemment dépassés par toute réalité, vont se rencontrer, vivre dans l’intensité quelque chose qui dépasse toute banale relation : la jouissance physique, imaginative, hors du temps, effrénée, décuplée, rêvée. Deux êtres humains, deux vies, que rien si ce n’est le plus pur des hasards, tel un écho au mystère de la création, ne pouvait faire se chevaucher.

     Comme souvent chez le cinéaste italien, et ici encore davantage, les personnages ne sont pas véritablement identifiables, comme s’ils étaient les cobayes d’une expérience intime, salvatrice, universelle. Le seul nom qui nous est offert c’est Karl Marx lorsque la police interroge le personnage principal et lui de répondre de son identité sous humour. Elle c’est Dania comme ça aurait pu être Anna le personnage féminin disparue dans l’Avventura, ou la jeune femme errante dans Profession : reporter.

     D’abord centré politiquement en pleine révolution étudiante, Zabriskie Point se veut ensuite plus expérimental, road-movie abstrait, fuite sans but suivant cet homme que les théories gonflent ; lui c’est l’action qu’il cherche. En répondant à une AG en début de film il dira « moi aussi je suis prêt à mourir. Mais pas d’ennui ! »

     Cette escale désertique en pleine vallée de la mort est le point d’orgue du film. Il apparaît alors comme le cadre de la libération sexuelle poussée à son paroxysme, lieu d’orgie planante où vibrent les corps dans le sable et le vent. Auparavant, nos deux tourtereaux se rencontrent dans une scène façon La Mort aux trousses, pas banale, présentant l’avion sous trois angles différents lorsqu’il survole cette voiture ! Puis il y a cette fameuse scène finale, dopée par Pink Floyd, une scène de destruction de ce qui chaque jour nous détruit encore un peu plus.

Sans toit ni loi – Agnès Varda – 1985

35.13Au gré des vents.

     6.5   Un beau portrait de femme. Celui d’une jeune érante, qui comme le dit Agnès Varda en guise d’intro, a sans doute marqué davantage les gens qui l’ont croisé récemment que ceux qu’elle a connu toute petite. La rencontre avec cette femme « experte en platane » est le moment le plus fort du film. Ou comment une fille sans le sou s’en sort provisoirement grâce à une bonté venue d’ailleurs, et comment cette rencontre va t-elle faire grandir cette femme, dont l’acte de bonté soudain lui permit de se surprendre elle-même. D’autres rencontres sont très belles aussi. Celle avec Hassoun par exemple. Globalement ce qui marque c’est ce choix de faux documentaire, on nage en pleine fiction c’est évident, mais Varda filme tellement de choses, et pas forcément des choses utiles au récit, et ça c’est formidable.

Of time and a city – Terence Davies – 2009

Of time and a city - Terence Davies - 2009 dans Terence Davies 6752

   2.5   A vouloir capturer le temps, l’image dans le temps, à vouloir en quelque sorte faire du Chris Marker, à vouloir se croire émouvant, beau et riche, à vouloir se sentir ovni dans le cinéma d’aujourd’hui, on peut dire que Of time and a city est raté, Terence Davies passant complètement à côté de quelque chose qui aurait pu justement être quelque chose.

     La forme est repoussante. Sorte de grande mosaïque ayant pour but de conter l’histoire de Liverpool. Aucune scène ne se savoure. C’est du bric à brac et c’est lassant. D’autant que c’est en permanence accompagné par une voix off horrible.

     Un moment le silence opère, on souffle un peu, la musique est même absente (parce qu’autrement elle est omniprésente aussi). Davies filme le vide. Des rues désertes. Des gens qui se croisent. Des usines qui fument. L’espace d’un moment j’ai même pensé aux derniers plans de L’Eclipse d’Antonioni. Jusqu’à ce que cette hideuse voix reprenne le pouvoir.

     On n’a pas le temps de vivre, de ressentir. On est assailli par du Verbe. On nous guide tout le temps. Là il faut réfléchir (des citations à outrance). Là il faut admirer. Là il faut avoir des frissons (avec un peu de Brahms derrière ça le fait bien forcément). Là il faut être nostalgique.

     Car oui, Terence Davies croit faire un film sur la mémoire – déjà c’est très limité puisque celle-ci se limite à sa ville natale – mais il fait un film d’une terrible nostalgie, comme un chant d’amour à une ville qui meurt. Car pour lui elle meurt. Il regrette le bon vieux temps le bonhomme… Et ça c’est assez agaçant. Bref, pas bon. Mais pas bon du tout.

La Fille des marais (Däs Madchen vom moorhof) – Douglas Sirk – 1935

La Fille des marais (Däs Madchen vom moorhof) - Douglas Sirk - 1935 dans Douglas Sirk madchenvommoorhof    6.0   C’est l’histoire d’une femme qui cherche un travail comme gouvernante dans un village, qui suite à une plainte déposé à l’encontre du supposé père de son enfant (il refuse d’accepter cette paternité) qu’elle retirera finalement pour lui éviter la parjure, se mettra dans une position délicate pour obtenir une embauche dans l’une des fermes des alentours… Mais il y a un personnage qui s’éprend d’une fascination (coup de foudre ?) pour elle et l’invite donc à travailler dans sa demeure qu’il partage avec sa femme, laquelle essaiera par la suite de la faire partir. Arrive alors le véritable rebondissement Sirkien… Une histoire de meurtre, dans lequel cet homme se retrouve lié… Peut-être est-ce le prix à payer pour avouer son amour à cette femme ?… Personnellement j’ai trouvé ça déjà très bon, très touchant, et surtout très beau. Sirk, dans sa période allemande, apparaissant au générique sous le nom de Detlef Sierck, s’en tire avec les honneurs. Les séquences près de la rive, avec la profondeur des prés et la clarté du soleil, nous offrent des images sublimes.

Funny Games – Michael Haneke – 1998

Funny Games - Michael Haneke - 1998 dans Michael Haneke sfs7ormc1gybbz6bvu1bJeu de massacre.

   8.0   Funny games est une oeuvre à la fois crade et esthétique. Crade parce qu’elle véhicule idées et images immondes au possible, esthétique parce qu’à l’instar d’Orange Mécanique ou Salo, pour ne citer qu’eux, la mise en scène présente une « belle » violence. Belle ou plutôt intelligente, car le tape à l’oil n’est pas, car le spectaculaire disparaît au profit d’un hors champs permanent, renforçant notre inquiétude et notre imagination, allant à l’encontre de tout cinéma de genre hollywoodien condamné au formatage éternel. Qu’y a-t-il de pire que de montrer des images insoutenables ? Tout simplement de ne pas les montrer ! En ce sens, le cinéaste frappe très fort.

     Aussi, et c’est le plus important, travaille t-il sur le ressenti du spectateur, sur sa capacité à appréhender la fiction. « Funny games » est donc le film de manipulation ultime où rien ne nous est épargné : les agresseurs sont les meneurs, de ce qu’ils font et du film lui-même, n’offrant aucune issue possible aux personnages et au spectateur. Quand le mari dit qu’il vaut mieux en finir au plus vite, l’un des agresseurs répond : « Et le divertissement alors ? Trop juste pour un long-métrage ! » Ou quand un instant n’est pas à leur avantage, ils ont moyen de remonter le temps à l’aide d’une télécommande ! On devient même les complices du carnage quand Paul tutoie l’objectif.

     Aussi, Haneke joue avec les codes du genre sur l’imprévisible. Le début annonce la couleur lorsque la musique magnifique d’Haendel est interrompue par du métal bien bourrin, presque inaudible. Il met en scène de sublimes acteurs, Suzanne Lothar en tête, en offrant des séquences très longues, au malaise insistant, séquences d’un metteur en scène de grand talent.

Slumdog Millionnaire – Danny Boyle – 2009

Slum5_LDreams on fire.    

   3.5   J’ai vu mon premier Bollywood movie! Plus sérieusement, sans connaître le cinéma indien, mais vraiment que dalle de chez que dalle, Danny Boyle m’aura permis d’en saisir un peu la trame, la logique étant donné qu’il nourrit son film de lourds sentiments, de paillettes, de scènes mélodramatiques à foison et qu’il nous réserve pour le générique final une sympathique chorégraphie sur un quai de gare. L’histoire assez nunuche et réberbative est celle d’un jeune gars des Bidonvilles de Mumbai qui se retrouve – et on sera plus tard pourquoi car d’emblée c’est le comment il s’y démerde qui nous intéresse – dans l’émission « Qui veut gagner des millions? ». Aussi, l’on sait tout de suite qu’il a raflé le pactole. Le but étant de montrer à chacune des questions ce pourquoi il connait ou non la réponse. Donc, quand on lui demande le nom d’une vedette de cinéma hop un retour en arrière afin que l’on comprenne comment Jamal a connaissance du sujet. Quand c’est une question de religion c’est un évenement tragique de sa vie qui lui permet de répondre correctement. Et ainsi de suite. C’est comme ça tout le temps. Parfois pénible et prévisible.     Durant toute une partie du film c’est bien l’industrie Hollywoodienne qui prime. ça pue la thune, la mise en scène est ultra speedée, très fatiguante mais qui a au moins le mérite, comme souvent chez Boyle (The Beach, Sunshine, Trainspotting…) d’être énergique et sans temps morts. La fin c’est Bollywood à fond, enfin j’imagine. Je ne raconterai rien mais soyez-en sur, ça vaut le détour! En fin de compte, sans doute m’étais-je préparé à voir exactement ce que j’ai vu, mais ce n’est pas du tout la daube que j’en attendais. Les personnages sont tout mimis, il y aussi plein de gens pas gentils, ça flashbackise un max, mais c’est finalement très attachant. Et puis hein cette petite actrice, avec ses yeux miel, à elle seule ça vaut le coup d’oeil!

Les Climats (Iklimler) – Nuri Bilge Ceylan – 2007

arton1079-980x0     7.0   Nuri Bilge Ceylan est l’un des cinéastes photographes du moment. Les Climats en est l’illustration parfaite, jouant sur le cadre et la profondeur avec merveille.
Ici il est donc question de climats. Les personnages semblent être guidés par ceux-ci. Il fait très beau. Il neige. Ceylan prouve qu’il sair filmer par tous les temps. Il a surtout à mon sens le don de filmer la neige. Uzak avait une véritable ambiance propre par son paysage ce qui en fait dans un premier temps un film plus réussi que celui-ci. Après il y a aussi l’histoire. Probablement plus intense dans son film précédent. Et comme dans l’autre c’est une mise en abyme. Le cinéaste joue lui même le rôle d’un type passionné de photo, qui passe son temps à en prendre, et des belles hein, un peu comme le personnage d’Uzak. Il vit une histoire d’amour tourmentée avec Bahar, actrice de tournage. C’est très beau, très fort, envoûtant. C’est simple j’adore tout ce qu’a fait ce type. Koza, son court métrage de 95 est un chef-d’oeuvre de vingt minutes même.

     Ici deux séquences m’ont totalement convaincu tout particulièrement :
- La dernière : le regard (toujours les regards chez Ceylan) de la jeune femme, les flocons, l’avion, l’alchimie est parfaite. C’est sublime.
- La scène de la plage : Il observe son amie se baigner au loin. A haute voix, mais elle ne l’entend pas, il fait un discours de séparation. Plan buste ou plan dos vers la mer. Puis plan visage serré, il continue de parler. Quelques secondes, il se penche en arrière. Bahar apparaît, plus dans l’eau, mais sur la serviette, à ses côtés. C’est magnifique.
Pour finir, c’est aussi un excellent travail sur le son. ce mec est dingue de l’image et du son. Le son d’Uzak était énorme, celui-ci l’est tout autant. Bref, j’adore.

Les Trois Singes (Üç maymun) – Nuri Bilge Ceylan – 2009

Les Trois Singes (Üç maymun) - Nuri Bilge Ceylan - 2009 dans Nuri Bilge Ceylan les-3-singes_260     6.5   On transpire beaucoup dans le dernier Ceylan. On respire fort aussi. L’eau est un élément très important. Elle semble à la fois servir d’horizon, de lueur positive par la présence de la mer, et aussi de pluie, comme si le ciel tombait sur la tête de chacun. Nos personnages semblent même se liquéfier peu à peu. La majorité du temps on est cloîtré avec eux dans cet espace clos, qui paraît perdu entre la mer et cette ligne de chemin de fer. Le bruit du train est omniprésent. On pense immédiatement à Stalker. Et dans de nombreux autres plans, Tarkovski semble roder encore. Côté intrigue, cette idée de triangle familial en destruction, et l’arrivée de cette tierce personne me fait beaucoup penser au Théorème Pasolinien, en apparence bien entendu.

     On a parlé ici et là de décalage entre le récit et la mise en scène, je comprends tout à fait. Ce serait l’unique limite au film à mon humble avis. Parfois le rythme n’y est pas, le rendu est moins fort, à la différence de ce qu’a pu faire Béla Tarr dans son dernier film, auquel j’ai un peu pensé aussi. en revanche pour ce qui est des intentions du cinéaste je trouve au contraire que tout cela sent un peu le neuf, cette intrigue très fabriquée avec un scénario en béton qui ne cesse de prendre de l’ampleur, c’est très différent de ce qu’il a fait auparavant.

     Pour ma part je trouve le dernier Nuri Bilge Ceylan très beau, dans une continuité qui lui est propre et ça me plait. Et puis l’image et le son sont au diapason. Certains plans sont extraordinaires.


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