Ready-made.
10.0 Blow Up est un film cinématographique, voire photographique par excellence, sans doute la plus belle déclaration d’amour que l’on puisse faire au métier, puisqu’il évoque les (mes)aventures d’un photographe, son regard à travers les clichés qu’il a shooté sur un homicide dans un parc. Qu’est-ce que l’on voit ? Qu’est-ce que l’on ne voit pas ? Et comment doit-on interpréter ces choses, réalités que l’on a vu ou pas ?
Blow Up semble nous aventurer sur le terrain glissant de l’illusion, de l’interprétation du regard, sur la problématique de vivre sans voir… A ce titre le film s’ouvre sur ce qui ressemble à une fête, ou une manifestation interprétée par des pantomimes. Et ces derniers font la boucle à savoir qu’ils improvisent une partie de tennis imaginaire où tout leur semble vrai, à tel point que les autres, devenus spectateurs, de même que notre personnage principal, vivent le moment comme s’il existait réellement, matériellement.
Que vient de faire le cinéaste italien pendant plus d’une heure et demie ? Tout simplement de jouer avec son personnage, avec son spectateur, devenu lui aussi personnage. Puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de nous faire vivre, découvrir en même temps que le personnage cette histoire presque rocambolesque, l’histoire d’une simple prise de photos d’un couple dans un parc anglais qui dérive vite en meurtre… Et tout cela à travers ces photos prises justement. Le personnage n’a rien vu de la scène, c’est seulement en rentrant chez lui qu’il découvrira la face cachée de cette journée d’apparence anodine.
Et Antonioni fait ça à sa manière, plein de finesse, pleine de finesse, avec un sens du cadre hors du commun, non sans en oublier ce qu’il approfondira dans Zabriskie Point à savoir la mise en abyme d’une jeunesse paumée, d’une société malade qui trouve refuge dans des activités libertines, décadentes (sexe, drogue, marginalisme en tout sens (la pantomimie)). En ce sens, Blow Up comme tout ce que fait Antonioni est une œuvre excessivement moderne. Antonioni est selon moi le plus grand des modernes.
Brian De Palma en reprendra la trame dans son film Blow Out en délivrant cela dit quelque chose d’entièrement différent, plus noir, dramatiquement plus chargé, axé sur le son et non l’image, mais tout aussi bien réussi dans son genre.