Archives pour mars 2009

Traqué (The Hunted) – William Friedkin – 2003

Traqué (The Hunted) - William Friedkin - 2003 dans William Friedkin p3

En forêt.

   6.7   Rarement un film d’action ne m’avait paru aussi radical. Pourtant, excepté la première séquence, où l’on est plongé en plein Kosovo dévasté, les gun-shot sont utilisés avec parcimonie. Là où Traqué devient l’étalon du genre c’est dans son approche naturelle de l’angoisse, de l’attente, de l’observation. La musique est parfois utilisée pour faire monter la pression mais souvent ce sera le bruit de l’action qui la guidera, qui nous guidera, dans cet univers violent où les sens sont convoqués, trop pour le simple humain. La séquence finale devant la cascade est un monument d’action « face to face » sublime. Donc déjà en terme de film d’action, Traqué est largement réussi puisqu’il est sans temps morts, il s’affranchit entièrement de ce qui fait foirer un film de ce genre 99 fois sur 100, comme les sentiments, la vie personnelle, l’humour décalé (ce n’est pas toujours un mal, Die Hard en est la preuve, mais ici ce n’aurait pas été judicieux), l’abondance d’effets et de coups improbables. Et il y a quelque chose à laquelle je ne m’attendais pas. Le film de Friedkin, outre le fait d’être dotée d’une mise en scène habile, comme c’est souvent le cas chez le bonhomme, parle aussi de la guerre, des méfaits du conditionnement, et replace l’homme à un état animal où l’homme civilisé (représenté ici par les agents, qui tombent comme des mouches) n’est plus rien, où alors simplement réduits à l’état de spectateur. L’histoire se jouera donc entre ces deux hommes, une sorte de combat père/fils (l’un ayant entraîné l’autre à traquer, à tuer), en milieu ouvert, un combat aux poings et au couteau bien entendu. On ne peut même pas qualifier ce retour à l’état animal de réducteur puisqu’il montre l’humain faible, doté d’aucun pouvoir quand il est en jungle. Il y a un retournement des valeurs, ou plutôt de la puissance. L’animal/Le loup/Bénicio del Toro semble intouchable, guidé par ses instincts, commandés par la nature, et dans son milieu, seule une personne pourra l’affronter, l’homme/l’animal qui l’a crée. Tommy Lee Jones, cheveux grisonnants, barbe à la Abraham, a rajeunit de dix ans, il est épatant. Bénicio del Toro, méconnaissable, « louifié » est hallucinant en Rambo meet Colonel Kurtz.

Playtime – Jacques Tati – 1967

Playtime - Jacques Tati - 1967 dans Jacques Tati playtime003

     8.0   Heureusement j’ai attendu avant d’en dire quelques mots. Hier au soir, c’était presque un sentiment mitigé que j’éprouvais, l’impression d’être passé à côté tout en ayant été bluffé par la prouesse technique et l’envergure du projet. Lors de mon dépucelage Tati, avec Les vacances de monsieur Hulot, il y a de cela peut-être trois ans, je m’étais profondément ennuyé. Quelques gags surnageaient mais contrairement à Charlot je n’y voyais pas grand intérêt. Avec Playtime dans la tête je pense qu’il serait bon de redécouvrir ce film.
     Donc Playtime. Whaou quel film ! Quelle inventivité, quelle richesse ! C’est simple, je crois n’avoir jamais eu l’occasion de voir un film avec tant d’horizons, de choses à regarder dans un plan. Pas loin d’être déconcerté, par moment je me disais « mince c’est dommage on n’a presque pas le temps d’apprécier toute la saveur de ce petit bonheur ». Je pensais « Le film paraît anodin comme ça, avec ses comiques de situations, de répétition, ses lourds silences, ses dialogues parfois inaudibles, que j’en oubliais presque que l’on était face à un bijou satirique et visionnaire, une sorte de musée de l’imagination de notre Tati national ».
Et Playtime progresse sans cesse, s’attaque à toutes les conventions, le quotidien du monde moderne. Ou comment être incisif, mordant, évoquer une déshumanisation progressive de notre société occidentale (américains, français même combat) et une uniformisation de son architecture, de son cadre général, tout en restant sur le terrain de la comédie, de l’absurde, en proposant un paquet cadeau, plein de rythme et de poésie, de couleurs et d’illuminations.

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     Au premier abord, Playtime m’a paru donc inaccessible, parce que trop riche, doué d’une profondeur dans chaque plan, où il nous faut regarder ici et là, à droite à gauche, il faut même y déceler les modifications, les innovations qui apparaissent partout, tout le temps, et en oublier le dialogue. Je pense que Tati a fait un film sur l’image et non sur le Verbe, un peu comme Chantal Akerman à sa manière dans News from home où l’on entend les lettres que ses parents lui écrivent mais dont nous n’en comprenons pas la moitié.

     Au départ on a l’impression d’être dans un aéroport, enfin ce qui pourrait ressembler à un aéroport, tout semble robotisé, même certains personnages, comme cet homme de ménage qui se balade presque en automate, ramasse les déchets en automate. Un groupe de touristes américaines débarque sur Paris, enfin le Paris de Tati, futuriste ou non, meublé de gratte-ciel, sans vies, avec des glaces partout, des voitures identiques, une sorte de Sims géant. Au milieu de tout ce brouhaha, Hulot semble errer, cherchant quelqu’un, puis finalement quelqu’un d’autre, puis finalement personne. Il voyage, il se retrouve embringué dans des situations cocasses et cauchemardesques sans gravité tout de même. La gravité elle est à l’extérieure. Puis viendra à mi-film La soirée festive au ‘Royal Garden’ ou Hulot semble là-aussi arrivé par hasard. Une séquence avec un mouvement incroyable, des gags impossibles, de l’évolution constamment. J’ai beaucoup pensé à La règle du jeu durant cette séquence, celle du bal évidemment. Et aussi, même si le film est postérieur à Playtime, beaucoup à La Party, où la dérive finale de la fête peut s’y apparenter aussi. Le même genre de rythme, de drôlerie, et une négation du dialogue quoi qu’il arrive.

     Bref, il est évident que Playtime recèle de nombreuses pistes de réflexions, et d’horizons sans fin, convoquant la multiplicité des regards, la question de la modernité, de ses automatismes et de sa froideur, mais il faudrait une multitude de visionnages pour l’apprécier à sa juste valeur. Car même si je suis impressionné, n’ayant pas peur des mots, si je pense qu’objectivement c’est l’un des plus grands films du monde, il manque tout de même cette porte qui me conduira à l’émotion, et produira un effet d’addiction, une sorte de drogue, car je pense que c’est que Playtime peut très vite produire en moi. Donc je sais ce qu’il me reste à faire… Et, la preuve, j’ai déjà grandement envie de la revoir…

Tulpan – Sergeï Dvortsevoy – 2009

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   7.5   Ce n’est pas tant l’histoire centrale – est-ce qu’Asa réussira à conquérir Tulpan même avec ses oreilles décollées ? – qui me touche en priorité, mais bien le cadre d’une manière générale. Cette petite famille kazakh qui vit en pleine steppe dans une yourte, au gré des vents, loin de la civilisation. Qui dit nature, steppe, dit animaux. C’est un vrai défilé, et le cinéaste les filme à merveille, à l’image de ce troupeau tout proche d’une tornade de sable, qui se voit disparaître peu à peu dans le brouillard, ou à l’image de cet âne dont les hennissements résonnent dans la salle de cinéma comme s’il était réellement parmi nous. Dvortsevoy filme deux mise bas, l’une ratée, l’autre réussie, probablement les deux séquences les plus fortes du film. La seconde voyant Asa seul avec la brebis, appelant desespéremment son père à l’aide, et décidant en fin de compte de s’occuper de l’animal, alors que l’on imagine que c’est son baptême en la matière, est un moment des plus émouvants. J’en étais angoissé, terrifié, à l’idée de me trouver moi aussi dans cette situation, voyant cette pauvre bête souffrir, et bouleversé, très ému lorsque l’opération a réussi. Quand Asa s’allonge sur le sable, épuisé, on entend derrière, les cris du nouveau-né. C’est somptueux. Une mise bas en temps réel, mon dieu quel plaisir ! Et toutes ses images de la steppe, le cinéaste prend son temps, nous permet d’observer, d’écouter. Outre ce coup de foudre pour Tulpan, que l’on ne verra jamais, Asa a un rêve en tête, ou plutôt derrière son col, car dit-il, au service on inscrit chacun son rêve sur le col. Asa voudrait vivre en toute indépendance aux côtés de sa femme, dans sa steppe toujours, dans une yourte encore, avec sa télé et son bétail. Mais Asa voudrait aussi voir des fleurs. Le rêve de la ville s’impose aussi. Et il y a ce personnage fou fou qui au volant de son tracteur artisanal, qui passe en boucle Boney M, voudrait lui aussi rejoindre l’amérique. Une grande famille qui se disperse, qui s’aime aussi. Une famille soudée malgré tout. Car même si l’on cri sur ceux qui chantent, même si l’on traite de mauviette ceux qui refusent l’autorité, durant d’autres moments on peut ressentir la force collective de cette famille, principalement dans ces différentes séquences avec les animaux, celles des repas, ou celle du déménagement. Simple, drôle et poétique, Tulpan est une œuvre forte et envoûtante, un bijou proche de la nature, presque documentaire, dont la beauté et la force émotionnelle ont amplement dépassés ce que l’on retrouve chez Kusturica, vers lequel il tend à ressembler. Le film aurait pu durer trois heures, ou plus, j’étais dedans, bercé par le vent.

Une famille brésilienne (Linha de passe) – Walter Salles – 2009

Une famille brésilienne (Linha de passe) - Walter Salles - 2009 dans Walter Salles linha-de-passe

   4.5   La petite famille que Walter Salles nous présente a en commun que chacun caresse un rêve intime. Quatre garçons, quatre frères. L’un voudrait être le nouveau Ronaldinho et se présente à chaque test de recrutement de footballeurs espoirs mais voit malheureusement ses 18ans – âge limite pour y participer – approchés à grand pas. Un autre vit une relation intime avec dieu, participe aux groupes d’évangélistes mais caresse le plaisir de se taper la nana de son frère. Cet autre frère justement, vit pour faire vivre sa copine et son fils, de larcins en tout genre au volant de sa moto. Et le plus jeune, n’a d’autres ambitions que de conduire un bus, dans lequel il se retrouve chaque matin pour aller à l’école. Au centre : la maman, enceinte jusqu’aux dents, fervente supportrice des Corrintians, qui peine à joindre les bouts…

     Le sujet est maintes fois rebattu. La forme quant à elle est très stylisée, presque clippesque parfois, surfant avant tout sur l’effet du surlignage, passant d’un personnage à l’autre de manière très rapide, ne prenant jamais le temps de se poser, ne prenant jamais le temps d’étudier chacun en profondeur. En ce sens le film est très proche, techniquement parlant, du dernier film de Boyle, Slumdog Millionnaire. Et d’un autre côté, à l’instar de ce dernier cité, Linha de passe est doté d’une dynamique très forte. Si l’émotion donc peine à transparaître il y a tout de même quelque chose qui attrape, qui saisit le spectateur, un peu à la manière d’un film d’action social. Il est donc plutôt attachant, très prévisible certes, mais doté de personnages qui sont loin d’être mauvais acteurs en plus.

Les Parapluies de Cherbourg – Jacques Demy – 1964

les-parapluies-de-cherbourgCritique de la séparation.

   10.0   En fin de compte très peu de cinéastes français, durant les années 60, évoquaient la guerre d’Algérie dans leurs films (si, Godard, Rozier bien entendu). Frontalement ou non d’ailleurs. C’est bien entendu la toile de fond de celui de Demy, même si le véritable thème abordé est l’absence, la dégénérescence du couple par le temps.

     Geneviève et Guy sont jeunes mais ils s’aiment et rien ne semble pourvoir se mettre en travers de leur amour. Elle travaille au magasin de sa mère ‘les parapluies de Cherbourg’. Il travaille comme garagiste pas si loin. Le soir ils se retrouvent, feignent les sorties théâtres et se baladent le long des quais cherbourgeois pour vivre leur passion, imaginer la vie à deux, s’en aller. Finalement, vient le temps où tout déraille. De son côté il est appelé pour deux ans de régiment. Tandis que la mère de la jeune femme lui fait savoir que les comptes sont au plus mal, et le jour où elle va pour vendre une bague qui lui est cher, elle fait la rencontre d’un type très riche, tombé sous le charme de Geneviève qui serait sans doute une parfaite porte de sortie à toute cette galère financière.

     Le départ, l’absence, le retour. Trois titres de parties funestes, qui apparaissent tels des coups de massue. Et cette dernière séquence où le décor est planté : Décembre 1963, on sait dès lors que cinq ans sont passés. Il neige, annonciateur d’une fin brumeuse, délicate, sensible. Une station service, celle que Geneviève et Guy avaient pour dessein dans leurs discussions amoureuses sans fin. Chacun est marié, chacun a son enfant. Elle lui demandera s’il veut voir Françoise, sa fille tout de même. Il refusera. Rien ne sera plus échangé. Elle repartira. Il restera là, sous la neige et accueillera sa petite famille. Dans le premier plan du film on apercevait six parapluies, quatre grands, deux petits. Un début de film qui annonce l’une des fins les plus fortes, tristes du cinéma, sans pour autant qu’elle soit funeste. Juste que le couple qui faisait un ne fera plus jamais que deux.

     Il y a quelque chose au départ qui pourra en gêner certains, quelque chose comme un détachement. Entre la légèreté du traitement, et la gravité de la situation. Tout est chanté. La vie semble même être chantée après. Comme si le parlé était dépourvu de tout rythme, de toute poésie, de toute vérité. Chaque musique est un thème. On semble y percevoir celui de la tristesse ou de la fatalité, celui de l’amour, celui de la colère. Selon moi c’est une grande force. Car c’est lui aussi qui guide nos émotions, mais je suis intimement persuadé que l’on peut ne pas être touché par les parapluies de Cherbourg. Et c’est très certainement d’une grande prétention, mais je pense aussi sincèrement qu’il est impossible de recevoir une émotion aussi pleine si l’on n’a pas vécu l’absence, d’une manière générale. Si l’on n’a pas vécu l’absence sous n’importe quelle forme. Si l’on n’a pas ressenti cette impression de crever d’amour. Jacques Demy disait : Les Parapluies de Cherbourg est un film contre la guerre, contre l’absence, contre tout ce que l’on déteste et qui brise un bonheur… Oui, les Parapluies de Cherbourg est un film sur l’absence, mais aussi sur le cruel pouvoir du temps, qui efface, qui invite à l’oubli.

     C’est simple, je suis sorti complètement terrassé, anéanti et aussi bouleversé. Jamais je n’avais eu autant le cafard après un film, longtemps après le film. Mais c’est une trace indélébile qui restera, une trace optimiste même. D’une part parce qu’il me fait prendre davantage conscience de la valeur du présent, d’autre part parce qu’il m’invite à aimer, à aimer davantage, à profiter de cet amour. Le cafard oui. Mais l’espoir aussi… Je le voyais pour la seconde fois. Ce fut comme une redécouverte. Et c’est devenu ‘notre film’ avec ma très chère, tant il a éveillé en nous des sentiments intenses.

Les damnés (The Damned) – Joseph Losey – 1963

Les damnés (The Damned) - Joseph Losey - 1963 dans Joseph Losey losey_thesearethedamned

Deux en un.

   6.0   Ce qui s’apparente dans un premier temps à un film d’anticipation, sur la jeunesse, la violence, proche dans ce qu’il montre, d’un Mad Max, d’un Class 84, d’un Orange Mécanique même, vire de bord d’un seul coup pour nous plonger dans un pur film de SF, tendance Village des damnés, avec des enfants toujours, des enfants étranges, que certains considèrent même comme des zombies, des enfants qui sont la conséquence de radiations. Je ne préfère pas en dire davantage, j’en ai déjà trop dit. Je ne pense pas que ce soit un très bon film dans le fond. Niveau mise en scène il n’y a rien de très emballant et le film ne pousse peut-être pas assez loin la question. Mais quoi qu’il en soit un film qui se divise en deux parties si distinctes c’est la première fois que je vois ça. Du coup ça lui offre un cachet particulier, quelque chose d’unique en son genre qui n’est pas négligeable.

24 City – Jia Zhang-Ke – 2009

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   5.5   Sentiment mitigé puisque d’un côté je m’y ennuie un peu, pas au sens où ce n’est pas intéressant, mais au sens où sa richesse me bloque parfois, ses citations, ses monologues de souvenirs, je ne capte pas tout. Je vois de nombreuses histoires – toutes ayant comme point commun cette usine – dont certaines me touchent et m’emportent, d’autres moins. Je reste même, quelquefois, complètement sur la touche.

     Mais lorsque l’attachement au personnage a pris fin momentanément, Jia Zhang-Ke fait du cinéma – au sens « plan » – absolument fabuleux. Les vues générales de la ville, des ruines, de l’intérieur de l’usine sont magnifiques. Parfois même, le temps de deux séquences, dont celle final, la musique choisie rappelle Millennium Mambo. Comme quoi on peut aussi faire un film sensitif et bavard en même temps. Quoiqu’il en soit, ce fut très intéressant, mais ça ne m’a pas vraiment secoué.

Faces – John Cassavetes – 1968

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     9.0   Shadows avait bousculé l’avenir du cinéma américain. En 1958 Cassavetes avait pondu ce qui peut se rapprocher de la nouvelle vague française, un truc super réaliste, très musical, en décors naturels, en grande partie improvisée. Avec Faces, dix ans plus tard, il persévère. Cette fois tout semble joué, mais l’on imagine qu’il doit y avoir une grande liberté dans l’interprétation. Quelque part j’ai beaucoup pensé à La Dolce Vita de Fellini, et cette fameuse séquence de soirée festive décadente, avec streep tease et alcool à la clé. On se croirait rendu dans un faux docu tant la caméra saisie toutes les émotions et les acteurs sont épatants de vérité. Cassavetes innove dans chaque plan et propose un truc complètement fou, plein de fous rires, de cris, de fureur, de blagues, de dialogues cousus, de dialogues décousus, de grimaces, de bagarres… sa caméra bouge sans cesse, il suit les personnages, il fait des plans en amorces remarquables, de gros plans visages, très peu de plans lointains puisque son film est entièrement en intérieur. Seul le dernier plan, apparaissant comme le constat d’une fin, d’une fatigue (Le mari et la femme dans un dos à dos décalé dans les escaliers), d’un éternel recommencement, est une vue globale qui nous permet de respirer.

     Chez Cassavetes, devant comme derrière l’écran, si tant est que l’on y soit happé, on transpire beaucoup. Davantage que chez Scorsese, qui d’ailleurs on le remarque très vite, lui a tout piqué. Le cinéaste n’hésite pas à faire durer la séquence, pas le plan, mais ce qui se passe dans les plans. Un dialogue peut donc durer un quart d’heure, à l’image de celui où la jeune femme invite chez elle des amis rencontrés dans le bar, on est dans l’instant avec eux, le temps semble se dérouler dans la réalité. Faces est d’ailleurs incroyable dans sa durée. Probablement que le film s’achemine sur une ou deux journées, où l’on voit la distension d’un couple, le mari d’abord et la femme ensuite. Des virées nocturnes, entrecoupés de deux scènes sublimes, de musique dans un pub, tout simplement hallucinantes.

     Cassavetes comme Bergman, utilise l’ellipse. Elle est bien plus longue chez le cinéaste suédois bien entendu. Mais tous deux s’attachent davantage à la puissance d’une séquence plutôt qu’à la puissance du temps. Dans Scènes de la vie conjugale, on voit ce couple se désagréger de la même manière, par bribes, par moments, même si chez Bergman on est dans l’intimité du couple constamment. Chez Cassavetes c’est l’extérieur qui semble menaçant. Gena Rowlands (sublime vraiment, j’en avais des frissons) pour John Marley, Seymour Cassel pour Lynn Marlin. Quoiqu’il en soit c’est la scission d’un couple. Un couple en crise, qui malgré tout, et on peut le voir dans les deux films, passe aussi de très bons moments entre eux.

 

     Faces est l’un des films les plus modernes, les plus visionnaires que j’ai pu voir. Tout y est vrai dedans et les interprètes qui n’en font jamais trop sont justes et touchants. Et je ne parle pas de la musique. Contrairement à Shadows elle est ici très peu présente, mais pour le peu, elle est sublime. Et les images dans le bar sont les plus belles du film. Chef-d’œuvre instantané !

Harvey Milk (Milk) – Gus Van Sant – 2009

Harvey Milk (Milk) - Gus Van Sant - 2009 dans Gus Van Sant harvey-milk-scene_44

Gay rights now !    

   6.0   Gus Van Sant a su se débarrasser de tout ce qui encombre le Biopic de manière générale à savoir la caricature et le besoin de traiter de la vie personnelle du héros. Sean Penn ne surjoue pas, il joue juste. Et il est bien question de son engagement dans la politique à cet Harvey Milk. Jamais ou très rarement, mais toujours pour mettre au service cette cause, on nous présente les petits malheurs personnels du personnage. Le film va encore plus loin qu’on l’aurait imaginé, il pousse cette barrière qui bloquerait à un traitement unique. Il traite non pas seulement de la discrimination sexuelle mais bien aussi de toutes autres formes de discrimination. Ce sont les enjeux humains quel qu’ils soient qui sont de mises. Ce qui en fait un beau film politique actuel. Gus Van Sant peut donc passer d’un cinéma populaire, disons qui touchera à un plus grand public (Will Hunting, Milk) à d’autres films plus expérimentaux (Gerry, Elephant…) il n’en demeure pas moins excellent à tout les coups parce que la poésie existe à chaque fois. Il prouve une fois de plus qu’il fait toujours partie du paysage. Même si ça reste trop propre pour du Van Sant.

L’attente des femmes (Kvinnors väntan) – Ingmar Bergman – 1952

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     6.4   Quatre femmes attendent le retour de leurs hommes, dans une maison de campagne et vont se confier l’une après l’autre un secret de leur intimité. Le récit d’un accouchement, entrecoupé de souvenirs d’amour. Une histoire d’amour passionnelle dans le dos d’un mari. Un moment très drôle entre un couple qui se découvrent vraiment le temps d’une nuit passée dans un ascenseur.

     Bergman utilise un procédé qu’il affectionne : celui du « flashback géant » d’images de la mémoire. Et encore plus fort que d’habitude : il arrive même à montrer le souvenir d’une femme, qui durant un moment douloureux de sa vie se souvient de ses rencontres amoureuses. Le souvenir dans le souvenir. Passionnant!

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