7.5 Ce n’est pas tant l’histoire centrale – est-ce qu’Asa réussira à conquérir Tulpan même avec ses oreilles décollées ? – qui me touche en priorité, mais bien le cadre d’une manière générale. Cette petite famille kazakh qui vit en pleine steppe dans une yourte, au gré des vents, loin de la civilisation. Qui dit nature, steppe, dit animaux. C’est un vrai défilé, et le cinéaste les filme à merveille, à l’image de ce troupeau tout proche d’une tornade de sable, qui se voit disparaître peu à peu dans le brouillard, ou à l’image de cet âne dont les hennissements résonnent dans la salle de cinéma comme s’il était réellement parmi nous. Dvortsevoy filme deux mise bas, l’une ratée, l’autre réussie, probablement les deux séquences les plus fortes du film. La seconde voyant Asa seul avec la brebis, appelant desespéremment son père à l’aide, et décidant en fin de compte de s’occuper de l’animal, alors que l’on imagine que c’est son baptême en la matière, est un moment des plus émouvants. J’en étais angoissé, terrifié, à l’idée de me trouver moi aussi dans cette situation, voyant cette pauvre bête souffrir, et bouleversé, très ému lorsque l’opération a réussi. Quand Asa s’allonge sur le sable, épuisé, on entend derrière, les cris du nouveau-né. C’est somptueux. Une mise bas en temps réel, mon dieu quel plaisir ! Et toutes ses images de la steppe, le cinéaste prend son temps, nous permet d’observer, d’écouter. Outre ce coup de foudre pour Tulpan, que l’on ne verra jamais, Asa a un rêve en tête, ou plutôt derrière son col, car dit-il, au service on inscrit chacun son rêve sur le col. Asa voudrait vivre en toute indépendance aux côtés de sa femme, dans sa steppe toujours, dans une yourte encore, avec sa télé et son bétail. Mais Asa voudrait aussi voir des fleurs. Le rêve de la ville s’impose aussi. Et il y a ce personnage fou fou qui au volant de son tracteur artisanal, qui passe en boucle Boney M, voudrait lui aussi rejoindre l’amérique. Une grande famille qui se disperse, qui s’aime aussi. Une famille soudée malgré tout. Car même si l’on cri sur ceux qui chantent, même si l’on traite de mauviette ceux qui refusent l’autorité, durant d’autres moments on peut ressentir la force collective de cette famille, principalement dans ces différentes séquences avec les animaux, celles des repas, ou celle du déménagement. Simple, drôle et poétique, Tulpan est une œuvre forte et envoûtante, un bijou proche de la nature, presque documentaire, dont la beauté et la force émotionnelle ont amplement dépassés ce que l’on retrouve chez Kusturica, vers lequel il tend à ressembler. Le film aurait pu durer trois heures, ou plus, j’étais dedans, bercé par le vent.
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Archives pour 25 mars, 2009
Une famille brésilienne (Linha de passe) – Walter Salles – 2009
Publié 25 mars 2009 dans Walter Salles 0 Commentaires4.5 La petite famille que Walter Salles nous présente a en commun que chacun caresse un rêve intime. Quatre garçons, quatre frères. L’un voudrait être le nouveau Ronaldinho et se présente à chaque test de recrutement de footballeurs espoirs mais voit malheureusement ses 18ans – âge limite pour y participer – approchés à grand pas. Un autre vit une relation intime avec dieu, participe aux groupes d’évangélistes mais caresse le plaisir de se taper la nana de son frère. Cet autre frère justement, vit pour faire vivre sa copine et son fils, de larcins en tout genre au volant de sa moto. Et le plus jeune, n’a d’autres ambitions que de conduire un bus, dans lequel il se retrouve chaque matin pour aller à l’école. Au centre : la maman, enceinte jusqu’aux dents, fervente supportrice des Corrintians, qui peine à joindre les bouts…
Le sujet est maintes fois rebattu. La forme quant à elle est très stylisée, presque clippesque parfois, surfant avant tout sur l’effet du surlignage, passant d’un personnage à l’autre de manière très rapide, ne prenant jamais le temps de se poser, ne prenant jamais le temps d’étudier chacun en profondeur. En ce sens le film est très proche, techniquement parlant, du dernier film de Boyle, Slumdog Millionnaire. Et d’un autre côté, à l’instar de ce dernier cité, Linha de passe est doté d’une dynamique très forte. Si l’émotion donc peine à transparaître il y a tout de même quelque chose qui attrape, qui saisit le spectateur, un peu à la manière d’un film d’action social. Il est donc plutôt attachant, très prévisible certes, mais doté de personnages qui sont loin d’être mauvais acteurs en plus.