Tulpan – Sergeï Dvortsevoy – 2009

Tulpan - Sergeï Dvortsevoy - 2009 dans Sergeï Dvortsevoy h_4_ill_1160640_tulpan-bis

   7.5   Ce n’est pas tant l’histoire centrale – est-ce qu’Asa réussira à conquérir Tulpan même avec ses oreilles décollées ? – qui me touche en priorité, mais bien le cadre d’une manière générale. Cette petite famille kazakh qui vit en pleine steppe dans une yourte, au gré des vents, loin de la civilisation. Qui dit nature, steppe, dit animaux. C’est un vrai défilé, et le cinéaste les filme à merveille, à l’image de ce troupeau tout proche d’une tornade de sable, qui se voit disparaître peu à peu dans le brouillard, ou à l’image de cet âne dont les hennissements résonnent dans la salle de cinéma comme s’il était réellement parmi nous. Dvortsevoy filme deux mise bas, l’une ratée, l’autre réussie, probablement les deux séquences les plus fortes du film. La seconde voyant Asa seul avec la brebis, appelant desespéremment son père à l’aide, et décidant en fin de compte de s’occuper de l’animal, alors que l’on imagine que c’est son baptême en la matière, est un moment des plus émouvants. J’en étais angoissé, terrifié, à l’idée de me trouver moi aussi dans cette situation, voyant cette pauvre bête souffrir, et bouleversé, très ému lorsque l’opération a réussi. Quand Asa s’allonge sur le sable, épuisé, on entend derrière, les cris du nouveau-né. C’est somptueux. Une mise bas en temps réel, mon dieu quel plaisir ! Et toutes ses images de la steppe, le cinéaste prend son temps, nous permet d’observer, d’écouter. Outre ce coup de foudre pour Tulpan, que l’on ne verra jamais, Asa a un rêve en tête, ou plutôt derrière son col, car dit-il, au service on inscrit chacun son rêve sur le col. Asa voudrait vivre en toute indépendance aux côtés de sa femme, dans sa steppe toujours, dans une yourte encore, avec sa télé et son bétail. Mais Asa voudrait aussi voir des fleurs. Le rêve de la ville s’impose aussi. Et il y a ce personnage fou fou qui au volant de son tracteur artisanal, qui passe en boucle Boney M, voudrait lui aussi rejoindre l’amérique. Une grande famille qui se disperse, qui s’aime aussi. Une famille soudée malgré tout. Car même si l’on cri sur ceux qui chantent, même si l’on traite de mauviette ceux qui refusent l’autorité, durant d’autres moments on peut ressentir la force collective de cette famille, principalement dans ces différentes séquences avec les animaux, celles des repas, ou celle du déménagement. Simple, drôle et poétique, Tulpan est une œuvre forte et envoûtante, un bijou proche de la nature, presque documentaire, dont la beauté et la force émotionnelle ont amplement dépassés ce que l’on retrouve chez Kusturica, vers lequel il tend à ressembler. Le film aurait pu durer trois heures, ou plus, j’étais dedans, bercé par le vent.

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