Playtime – Jacques Tati – 1967

Playtime - Jacques Tati - 1967 dans Jacques Tati playtime003

     8.0   Heureusement j’ai attendu avant d’en dire quelques mots. Hier au soir, c’était presque un sentiment mitigé que j’éprouvais, l’impression d’être passé à côté tout en ayant été bluffé par la prouesse technique et l’envergure du projet. Lors de mon dépucelage Tati, avec Les vacances de monsieur Hulot, il y a de cela peut-être trois ans, je m’étais profondément ennuyé. Quelques gags surnageaient mais contrairement à Charlot je n’y voyais pas grand intérêt. Avec Playtime dans la tête je pense qu’il serait bon de redécouvrir ce film.
     Donc Playtime. Whaou quel film ! Quelle inventivité, quelle richesse ! C’est simple, je crois n’avoir jamais eu l’occasion de voir un film avec tant d’horizons, de choses à regarder dans un plan. Pas loin d’être déconcerté, par moment je me disais « mince c’est dommage on n’a presque pas le temps d’apprécier toute la saveur de ce petit bonheur ». Je pensais « Le film paraît anodin comme ça, avec ses comiques de situations, de répétition, ses lourds silences, ses dialogues parfois inaudibles, que j’en oubliais presque que l’on était face à un bijou satirique et visionnaire, une sorte de musée de l’imagination de notre Tati national ».
Et Playtime progresse sans cesse, s’attaque à toutes les conventions, le quotidien du monde moderne. Ou comment être incisif, mordant, évoquer une déshumanisation progressive de notre société occidentale (américains, français même combat) et une uniformisation de son architecture, de son cadre général, tout en restant sur le terrain de la comédie, de l’absurde, en proposant un paquet cadeau, plein de rythme et de poésie, de couleurs et d’illuminations.

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     Au premier abord, Playtime m’a paru donc inaccessible, parce que trop riche, doué d’une profondeur dans chaque plan, où il nous faut regarder ici et là, à droite à gauche, il faut même y déceler les modifications, les innovations qui apparaissent partout, tout le temps, et en oublier le dialogue. Je pense que Tati a fait un film sur l’image et non sur le Verbe, un peu comme Chantal Akerman à sa manière dans News from home où l’on entend les lettres que ses parents lui écrivent mais dont nous n’en comprenons pas la moitié.

     Au départ on a l’impression d’être dans un aéroport, enfin ce qui pourrait ressembler à un aéroport, tout semble robotisé, même certains personnages, comme cet homme de ménage qui se balade presque en automate, ramasse les déchets en automate. Un groupe de touristes américaines débarque sur Paris, enfin le Paris de Tati, futuriste ou non, meublé de gratte-ciel, sans vies, avec des glaces partout, des voitures identiques, une sorte de Sims géant. Au milieu de tout ce brouhaha, Hulot semble errer, cherchant quelqu’un, puis finalement quelqu’un d’autre, puis finalement personne. Il voyage, il se retrouve embringué dans des situations cocasses et cauchemardesques sans gravité tout de même. La gravité elle est à l’extérieure. Puis viendra à mi-film La soirée festive au ‘Royal Garden’ ou Hulot semble là-aussi arrivé par hasard. Une séquence avec un mouvement incroyable, des gags impossibles, de l’évolution constamment. J’ai beaucoup pensé à La règle du jeu durant cette séquence, celle du bal évidemment. Et aussi, même si le film est postérieur à Playtime, beaucoup à La Party, où la dérive finale de la fête peut s’y apparenter aussi. Le même genre de rythme, de drôlerie, et une négation du dialogue quoi qu’il arrive.

     Bref, il est évident que Playtime recèle de nombreuses pistes de réflexions, et d’horizons sans fin, convoquant la multiplicité des regards, la question de la modernité, de ses automatismes et de sa froideur, mais il faudrait une multitude de visionnages pour l’apprécier à sa juste valeur. Car même si je suis impressionné, n’ayant pas peur des mots, si je pense qu’objectivement c’est l’un des plus grands films du monde, il manque tout de même cette porte qui me conduira à l’émotion, et produira un effet d’addiction, une sorte de drogue, car je pense que c’est que Playtime peut très vite produire en moi. Donc je sais ce qu’il me reste à faire… Et, la preuve, j’ai déjà grandement envie de la revoir…

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