L’oiseau au plumage de cristal.
7.0 Un petit bonhomme d’une quinzaine d’années, souffre douleur de son grand frère minier – dont la seule préoccupation extraprofessionnel se résume à tenir son beau brushing et se regarder dans la glace, jouer au tiercé et s’enivrer le soir entre potes jusqu’à ne plus tenir debout, et même à ne plus pouvoir retirer son pantalon obligeant son petit frère alors en plein sommeil à s’en occuper… – et fils invisible d’une mère qui n’a d’yeux que sur les petits célibataires de la ville qui pourrait lui donner un peu de plaisir dans sa vie misérable, se voit passer ses journées à travailler tôt le matin comme distributeur de journaux, avant d’aller à l’école, puis de recommencer sa tâche le soir. Sans compter que l’école n’est pas son refuge non plus, n’ayant ni véritables amis, ni bonnes relations avec ses professeurs embourbés dans un système de répression dont ils sont les plus fidèles moutons. Mais voilà, ce garçon, nommé Billy Kasper, surnommé Casper, se découvre très vite un intérêt tout particulier pour la fauconnerie. La lecture d’un livre d’abord (qu’il volera au libraire, la femme de la bibliothèque n’ayant pas voulu qu’il l’emprunte parce qu’il avait les mains sales) qu’il lira une nuit entière, pendant que ses proches s’adonnent à leur quotidienne débauche désespérée (Magnifique séquence en trois temps). Le vol d’un jeune faucon à sa mère ensuite, dans une campagne reculée de la vie industrielle, où il avait cru voir, et à raison, l’un des oiseaux entrer dans la brèche d’un mur en ruine d’une propriété privée. Et le dressage de cet oiseau, dans un climat silencieux, où sublime séquence encore, avec beaucoup de patience, Billy appellera de nombreuses fois Kes avant qu’il ne vienne finalement se posé sur son gant afin de chipper ce petit bout de viande. Jusqu’ici, selon moi, Kes (le film) était un ovni, un pur chef d’œuvre. A partir de cet instant, on navigue entre le bon et le moins bon, le sublime et le maladroit, le subtil et le grossier. Grossier dans cette partie de football (on sait maintenant combien Ken Loach aime le foot) où dans un climat très froid (on le devine aux plaintes des élèves dont les pieds sont gelés) une saleté de professeur de sport leur ordonne de jouer, de bien jouer sous peine de grosses mandales. Le professeur modèle : celui qui se dit capitaine, qui choisit ses coéquipiers (les gros, les maigres, les Casper sont évidemment pris en dernier par défaut), son équipe de foot, son joueur fétiche, qui ne fait pas de passes, tire tout les penaltys, et crie sur son gardien (Casper par défaut) quand il encaisse un but. Il y a une exagération de la situation, c’est éprouvant, manipulateur, bref cette longue séquence m’a donné la nausée. Et puis la suite dans le vestiaire enfonçait le clou lorsque ce monstre ordonne au jeune garçon de prendre sa douche (alors qu’il dit être enrhumé), l’enferme à l’intérieur et le gèle complètement. Là je n’en pouvais plus, le type c’est un prof, qu’il soit con d’accord mais de là à en faire un dignitaire nazi… Heureusement le film se veut plus subtil par moments. En fait dès l’instant où enfin, en face de cette classe, on nous offre un prof compréhensif, intelligent. Fabuleuse scène où lors d’un cours/débat « facts and fiction » ce prof oblige notre petit garnement à raconter un fait de sa vie. Fait qui sera bien entendu porté sur sa relation avec Kes. Et là ce qui se passe est miraculeux. Absolument inespéré. Son histoire est magnifique. Chaque élève l’écoute, attentifs, lui posent des questions et au terme, à la demande de ce prof, l’applaudissent. Plus tard cet homme rendra visite à son élève dans sa campagne où il l’observera faisant voler son oiseau, dans un sublime ballet, aérien et silencieux. Le dialogue qu’ils s’échangeront après, dont la spiritualité effacera les défauts du film que j’expliquais précédemment, est une fois encore un miracle. Malheureusement, le cinéaste anglais retombera dans ses travers ensuite, dans une fin que je trouve attendue et facile. Bref, c’est très beau, parfois proche de la perfection, dommage que par moment Ken Loach prenne les gros sabots pour dégueulasser tout le reste.