9.0 C’est un film étrange, qui reste. Pas austère non, mais à l’atmosphère à la fois aérienne et accablante, qui semble baigner dans le réel mais pas totalement. Il y a certaines scènes formidables.Je pense à celle sur une plage du nord où Domino va faire ses besoins dans les vagues tandis que nos deux hommes la regardent, elle, mais aussi l’horizon, où les regards semblent apprivoiser les deux beautés. Dumont étire le plan, chacun des plans, c’est magnifique. Et puis il y a ce village, fantomatique, pourtant jamais théâtral, sans cesse porté sur la nature, les paysages que sur les personnages. Et pourtant, une nouvelle contradiction, au milieu de cette lenteur, de ces immensités (on pourrait songer à Akerman même par moment) Pharaon marchant dans les rues, et ses bonjours successifs aux autochtones. Une douceur de façade, une violence en sourdine. C’est un écart que je n’ai vu que chez Dumont, il me semble.
Parfois on s’y perd. Et je m’y perds parce que je vois un personnage avancer, et grandir, avec ses réactions surprenantes. Sur le coup j’ai eu pas mal de problème avec ça (le baiser final avec son ami par exemple, très long, presque sans vie…) et j’y ai pas mal réfléchi depuis. Ce personnage vit dans « l’exorcisme » d’autrui, il a en tout cas le pense t-il la faculté de s’emparer des maux de ceux qu’ils touchent, qu’il côtoie. De la même manière c’est quelqu’un de très humble, qui encaisse sans jamais exploser. Il implosera lors d’une seule séquence où ses cris seront couverts par le bruit du train.
Sur le moment j’ai eu du mal avec la fin aussi. Pourquoi avoir choisi ce coupable ? Pourquoi pas un autre ? Après tout je ne pense pas que Dumont ait fait son film avec comme idée première ce coupable là. Et à bien y réfléchir je pense que ce parti prit est important. Il rend la situation à son paroxysme. Le pardon au plus grand des péchés. Le plus grands des péchés de quelqu’un que l’on considère son ami. Dumont invente un rythme dans sa mise en scène, et il invente aussi une autre manière d’appréhender le crime. Terriblement moderne. Film impressionnant sur la culpabilité. Comme sur une appréciation des limites humaines, du bon et du mauvais, une différence qui ne m’a rarement paru aussi étroite que devant l’humanité.
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