Now or anywhere.
8.0 Il y a dans ce Model Shop, suite sublime et mélancolique de Lola, tout ce que j’aime dans le cinéma.
Le film raconte en gros vingt-quatre heures de la vie de George, un type paumé, sans le sou, qui désire faire dans l’architecture mais n’obtient pas sa place, et s’achète une voiture qu’il n’a pas les moyens de se payer. Avant tout on voit George et sa petite amie Gloria, un couple pas loin de la crise, entre lui coincé dans son système qui l’empêche d’avancer, et elle, plus naïve quant à sa possible réussite professionnelle. Puis il y a cette longue scène d’errance, et cette rencontre avec Lola, celle du Cabaret de Nantes qui à Los Angeles est devenue l’une de ces femmes « modèles » qui se font photographier en sous-vêtements pour de l’argent.
Model Shop prend un détour encore plus intense lorsque l’on apprend – mais ça ne reste finalement qu’une toile de fond (mais une toile de fond importante, une date butoire en quelques sortes, un peu comme dans les Parapluies…) – que George est appellé pour le Vietnam. Le film qui n’avait ni repère temporel (excepté la récupération de la voiture à un temps donné) ni repère géographique (on ne dit pas qu’il s’agit de Los Angeles, on le devine) change de cap. George doit être lundi à San Francisco. Lola va repartir pour Paris. Tout est précipité.
Model Shop est un film magnifique, sur le temps, sur les coups durs de la vie, sur les belles rencontres. Il me touche davantage que Lola, et surtout, cette séquence où l’on découvre le vieil album photo avec le fils de Lola, son ex-mari Michel est un moment somptueux. Chez Demy il y a quelque chose qui me frappe tout particulièrement, ce sont les regards, la direction de ces regards et donc les visages. J’y vois de la noirceur, de l’abandon, de l’espoir et beaucoup de mélancolie. C’est sublime.