Brève rencontre.
6.0 On a connu Claude Sautet plus inspiré, néanmoins son film est intéressant sur de nombreux points. Comme son titre le suggère c’est un film sur deux personnages, mais à double consonance. C’est tout aussi bien un film sur Nelly et Monsieur Arnaud, qu’un film sur Nelly ainsi que sur Monsieur Arnaud. L’un peut aller sans l’autre, même si l’on est en droit de se demander s’ils ne se font pas grandir mutuellement l’un et l’autre. Quoiqu’il en soit ce sont deux personnes d’apparence complètement opposée, il est riche, elle galère financièrement, il a le poil gris, c’est une jeunette, il aime raconter sa vie, elle est très secrète, deux personnes rapprochées par leurs antagonismes, comme s’il y avait une pression magnétique qui ne serait autre ici que le désir commun de faire le ménage dans sa vie.
Nelly rencontre M. Arnaud par hasard, à un café. Elle partageait une table avec une amie qui a demandé à ce dernier de les rejoindre, et s’absentant un instant elle laisse nos deux protagonistes ensemble. Brève discussion, des banalités, mais Arnaud, très curieux voir insolent, apprend de la jeune femme qu’elle a des loyers de retard et que son homme ne l’aide pas, situation délicate qu’il se propose de combler. La jeune femme refuse, d’abord, puis quitte son mari et accepte. C’est le début de sa nouvelle vie.
Ce qu’il y a de passionnant c’est cette rencontre, et ce lien qui unit les deux personnages. Si lui a très vite une avance sur elle, pour ce qui est de connaître la vie de l’autre, elle ne va pas tarder à se rattraper. Lui voyant cela comme une aide bienvenue, elle comme un dédommagement aux miraculeux trente milles balles qui la sortent du désastre, ils vont travailler ensemble. Lui qui a besoin d’une main pour qu’on lui écrive par traitement de texte un manuscrit qu’il semble avoir écrit depuis belle lurette, et de quelqu’un a qui parler, qui serait en mesure d’apporter une opinion critique à son récit. C’est à partir de cet instant, soit l’intrusion de cette femme dans la vie de cet homme, que le film prend réellement forme. C’est l’occasion d’une part de profiter de l’excellent talent d’acteur de Michel Serrault, impeccable (même si Béart n’est pas en reste, mais plus renfermée, avare en paroles) mais aussi de cette toile tissée autour de ce personnage. Cet homme mélancolique qui se complait à raconter son passé, cette femme qu’il a aimé qu’il n’a jamais réussi à quitter, cet homme (Lonsdale de passage) avec qui il a fait des affaires après la guerre. Il voudrait débuter une nouvelle ère, symbolisée par cette bibliothèque qu’il veut se séparer, ce bouquin qu’il voudrait terminer pour de bon. Comme si la mort rodait, pas loin – ce mal de dos récurrent. Nelly a besoin de cet homme pour modifier sa vie – elle ne la change pas, elle la chamboule, mais reste très terre à terre – tandis que Arnaud a besoin de la jeune femme pour en commencer une autre. C’est un peu le maître mot final : ce grand voyage avec comme point d’orgue de revoir le fiston oublié, ce retour à la routine mais en ayant tout bouleversé.
L’éventuel rencontre amoureuse peut-être évoquée de manière sous-jacente dans le film. Elle n’est pas explicite mais elle paraît évidente, comme en témoigne cette étreinte finale qui n’aura d’autres répercussions que la réussite dans ce combat respectif contre l’oubli et la routine régressive. Mais peu importe qu’il y ait ou non un sentiment amoureux, une jalousie mutuelle, il y a dans cette relation quelque chose de formidable qui est au-delà de cela même, une relation presque spirituelle, un développement parallèle mutuel.
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