Dilemme.
7.5 Un couple reçoit une mystérieuse boite. Une boite vide avec un bouton rouge sur le dessus. Ils ont alors vingt-quatre heures pour faire leur choix : soit ils appuient et reçoivent un million de dollars mais une personne dans le monde mourra par leur faute instantanément. Ou alors ils n’appuient pas, n’ont rien, la boite est reprogrammée et atterrira chez quelqu’un d’autre.
C’est le point de départ, le pitch de The box, le nouveau film du réalisateur de Donnie Darko et Southland Tales. Pour son troisième film il tire cette idée d’une nouvelle de Matheson. C’est alléchant, quoique très enfantin, et c’est comme une évidence que j’ai beaucoup pensé au cinéma de Shyamalan, qui par chacun de ses films attire la curiosité et pour beaucoup ne répond pas aux attentes. Il y donc dans ces deux cinémas quelque chose de très stimulant, de très construit, se situant à la barrière entre réel et fantastique. En cela, ces récits initiatiques provoquent une identification immédiate (en l’occurrence l’intrusion de cette boite dans la vie de ce couple) rappelant quelque part certains films de Spielberg. Mais, là où le travail de Richard Kelly est vraiment intéressant, à l’instar de son compère Shyamalan, c’est qu’il a aussi sa propre singularité. On va le comparer aussi à Cronenberg, Fincher, à Lynch peut-être mais en fin de compte on se dira que Kelly se suffit à lui-même. Il a sûrement, de part sa culture, été piocher un peu partout, il n’y a pas de référence véritablement évidente, mais elles sont tout de même présentes, dans chaque plan. Tout comme dans son précédent film, Southland Tales (que personnellement je n’aime pas mais passons), film malade, qui n’a pas eu les honneurs d’une sortie cinéma après avoir été accueilli froidement à Cannes, qui avait cette richesse, cette espèce de trip hallucinogène, partait dans tous les sens, sorte d’ovni (incompris ?) qui déjà présentait un monde apocalyptique ! The box est plus classique. Déjà, ne serait-ce que par son accroche il renflouera les caisses. Mais pas sûr que les foules soient pour autant convaincues.
Il y a deux parties très nettes dans The box. Une première assez géniale, où l’on suit ce couple, ce dérèglement enclenché par l’apparition de cette boite, sorte d’essai philosophique sur les choix humains, précipités par le temps et le besoin de confort. C’est passionnant. Ce suspense, cette tension qui tourne autour de ce bouton, et ce doute conjugal tout de même (l’envers du décor Shyamalanien) quant à la véracité des éventuelles conséquences. La deuxième aussi est très intéressante, mais plus foutraque, sur laquelle j’émettrais quelques réserves. D’abord l’utilisation outrancière de l’étrange. J’aime quand les personnages saignent du nez, tout ce mystère, cette peut autour de Mr Stewart, cette paranoïa régressive qui condame le couple peu à peu. Là ça marche à merveille. Kelly se perd un peu ensuite, à vouloir trop en faire. Faire son Lynch (Inland empire) et moins son Kubrick (Shining). Vouloir nous perdre à tout prix. Nous faire peut aussi, alors que c’est déjà plus ou moins réussi. A vouloir chercher le trop farfelu alors que le récit n’en a guère besoin. L’idée des citoyens-cobayes gérés par une conspiration géante remettant l’avenir de l’humanité en question c’est génial, mais on ne peut s’empêcher d’imaginer un traitement différent, meilleur car plus sobre, moins criard – y aurait-il des relents de Southland Tales ? Peut-être qu’il y a plus d’enjeux qu’on ne le voit à l’écran, tout simplement. Un penchant évident vers des questions philosophiques (les choix possibles, la considération d’autrui, les tentations) basiques, voire un soulèvement mythologique (le principe d’Adam et Eve – n’oublions pas que la femme fait la boucle, par trois fois durant le film (à méditer) – et celui de la boite de Pandore). Il y a beaucoup de choses à en dire mais je vais m’en tenir là, en attendant de le revoir.