La vie de Jésus – Bruno Dumont – 1997

35.11La cinquième saison.

   8.5   Il s’agit du tout premier film de Bruno Dumont et c’est une merveille. Plastiquement irréprochable (il obtiendra une mention spéciale caméra d’or à Cannes, pendant que Suzaku, le chef-d’œuvre de Naomi Kawase raflait la plus haute récompense) tant Dumont filme le Pas-de-Calais comme personne, saisi à merveille ces silences harmonieux et terrifiants qui règnent dans ces villages de campagne, et n’hésite pas à agrémenter son décor de violence par des plans d’ensemble magnifiques. Mais La vie de Jésus parle d’amitié, d’amour, de jalousie, de racisme aussi. L’amour maternel avant tout. Car l’on découvre ce garçon, Freddy, avec sa maman dans les premières images. Il y a peu d’échange, la télé semble prendre trop de place, mais on sent comme une fusion entre cette mère et son fils. Il fait une crise d’épilepsie, c’est courant, elle le prend dans ses bras et le calme. L’amour sexuel aussi, que Dumont filme crûment au plus près de l’acte, avec pudeur aussi démontrant que l’on est capable de montrer sans racoler, et intimement, dans les discussions comme celle sur le télésiège. Ce garçon qui voudrait voir la ville, Lille, dit-il, pendant que cette fille lui montre les vertus de la campagne en lui demandant d’admirer le paysage qui s’offre à eux. La force implacable de l’amitié, peut-être la plus proéminente car la plus salvatrice, où l’on voit Freddy traîner avec ses potes, faire des balades en moto, retaper leur voiture, jouer à la fanfare municipale, ne rien faire, ou au début aller rendre visite au frère de l’un d’entre eux, malade du sida et proche de la fin.

     C’est par l’ellipse et sa non-temporalité que Dumont fait grandir ce petit monde. On ne saura jamais explicitement à quelle époque nous nous trouvons, on est guidé nous aussi par le vent régulier des saisons. Un moment ce pauvre garçon malade meurt, nous l’apprenons que beaucoup plus tard, ou peut-être juste après, il restera toujours ce mystère du temps. Et depuis La vie de Jésus Dumont a toujours fonctionné de cette manière. Il met en place, tisse sa toile, fait des sauts dans le temps, guidés par les simples interactions entre ses personnages et leur situation. Demester et la guerre dans Flandres. Pharaon et ce crime dans L’humanité. Il raconte pendant une bonne partie du film ce quotidien banal que vit ce petit groupe jusqu’à un dérèglement, anodin au départ et qui va prendre une ampleur considérable qui fera basculer Freddy dans une violence sans nom, sentant son honneur bafoué, sa fierté anéantie, pensant perdre la seule fille qu’il ne voulait pas perdre. Il y a une angoisse qui se pointe crescendo dans ce film. Des insultes racistes dans un premier temps. Puis des paroles méchantes, vengeresses largement aidées par l’effet de groupe. Le garçon victime est arabe, mais il aurait très bien pu être parisien, ou trisomique, peu importe, c’est sa différence qui aboutit à cette haine. Même pas une haine, simplement l’avidité de pouvoir, de violence aussi. Ou peut-être aussi la protection de l’autre sexe, seule ici, comme quelqu’un qu’on cajole, quelqu’un d’intouchable, qui permet sans doute à Freddy d’être le chef de groupe. Dumont se garde bien d’expliquer quoi que ce soit. Il filme un groupe, des jeunes qui s’amusent, qui ne mesurent pas leurs gestes, leurs pensées et en somme sont déjà plus ou moins condamnés au même titre que Kader, dès qu’il a mit ses pieds dans l’essaim et ne s’est pas laissé faire.

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