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Archives pour 25 décembre, 2009

Le ruban blanc (Das weiße band : Eine deutsche kindergeschichte) – Michael Haneke – 2009

Le ruban blanc (Das weiße band : Eine deutsche kindergeschichte) - Michael Haneke - 2009 dans Michael Haneke ruban-blanc-michael-haneke-300x200Le vent sombre.   

   8.0   Le nouveau film du réalisateur de Benny’s vidéo n’est pas tant un retour aux origines du fascisme, comme on a eu le loisir de le lire dans de nombreuses critiques cannoises, qu’une expérimentation des dérives de l’éducation répressive. S’il était imprudent, Haneke aurait très bien pu présenter son récit telle une démonstration pédagogique. Heureusement, formellement il est très fidèle à lui-même (plans-séquences fixes, hors-champs, atmosphère clinique) et utilise plus de moyens suggestifs que démonstratifs. Parfois il est même pris au piège par ses propres initiatives, on y reviendra. Mais Le ruban blanc a aussi une qualité qui le place indéniablement comme l’un des films les plus importants de l’année c’est son aspect authentique dans la fiction. Le jeu absolument irréprochable de chacun des acteurs, de tous les enfants. Sa manière de traiter l’histoire en simple toile de fond en s’intéressant avant tout au destin tragique de ce petit village, ses relations conflictuels, ses mystères, sa violence brute ou suggérée, et cette histoire d’amour pleine de pudeur que vit notre narrateur.

     J’ai choisi différentes séquences – plutôt que d’exprimer un point de vue et une admiration qui tournerait en rond – symbolisant toutes les tentatives du cinéaste, ses choix, afin de cerner au mieux la dimension émotionnelle du récit, la force de sa mise en scène et sa portée universelle.

     La première scène (soit le premier plan) est déjà fascinante. Une voix se fait entendre, elle semble appartenir à un narrateur. Elle n’évoque pas de situation historique, elle parle directement de ce village. D’une petite communauté qui vivrait sous les ordres de dieu et où rien ne laisserait envisager d’évènements tragiques. Mais, très modestement, elle se déleste de toutes vérités absolues en nous faisant savoir que tout ce qui va nous être raconté n’est probablement pas entièrement véridique. L’écran est d’abord entièrement noir avant de laisser apparaître une image, celle d’un grand verger en profondeur. Le cadre et son noir et blanc sont immédiatement prodigieux, on est saisit par cette beauté plastique autant que par la force déjà singulière du récit qui nous est comté. La voix parle d’un accident et nous voyons celui-ci se produire. Un homme sur son cheval chute violemment, à cause d’un fil invisible que l’on aurait tendu volontairement entre deux arbres. Mais ce dernier fait nous ne le saurions que peu de temps après. Ce qui me fascinait dans cette première scène c’était son pouvoir immédiat d’inscription dans l’œuvre. Dès les premières secondes nous y entrons, nous n’en sortirons jamais. Un peu comme dans Barry Lyndon de Kubrick qui nous saisit d’emblée par sa Sarabande, ce duel et cette voix cynique et amicale. Haneke est encore plus économe que Kubrick, car il fait tout cela en silence. Il faut attendre une bonne minute, une fois que le film commence, pour entendre cette voix, puis encore une avant d’y entrevoir une image. Personnellement j’ai trouvé cette idée merveilleuse. Une idée très proche du Satantango de Béla Tarr qui lui avait choisi ce travelling très lent pour dévoiler la ferme et les rues du village, tout cela dans le silence complet, excepté celui des bêtes et du vent.

     Mon second choix se porte sur un dialogue entre un petit garçon de cinq ans et sa sœur. Rudolph et Anni. Ils mangent une bonne soupe quand soudain Rudi s’intéresse au sort de la femme du paysan. Sa grande sœur lui dit qu’elle est morte. Il demande ce que cela signifie. S’ensuit une très longue discussion autour de la mort. Le rapprochement opéré avec le père, notre docteur du départ, tombé de cheval. Rudi comprend l’accident (donc la mort) mais pas sa gravité. Il demande si tout être vivant doit passer par-là. Moi aussi ? Papa aussi ? Même maman ? Et c’est à cet instant qu’il comprend qu’on lui a caché la mort de sa mère, qu’il croyait en voyage. Ce dialogue uniquement en champ/contrechamp est somptueux. Toutes ces questions surviennent comme un amas de plomb sur la tête de la jeune fille qui ne peut guère mentir, sinon s’arranger pour modérer. Rudolph l’innocent donnera un grand coup dans son bol de soupe, pour témoigner sa colère, montrer que l’on n’a pas respecté ses sentiments. Quelque part, il a déjà le visage de son père.

     Je voulais aussi intervenir sur une scène aussi magnifique que symptomatique des limites du travail de précision et de ‘cache’ d’Haneke. Nous sommes dans la demeure du pasteur. Précédemment il fait un discours moraliste à ses enfants parce qu’ils ne sont pas rentrés à l’heure et méritent donc de porter ce ruban de l’innocence autour du bras ainsi que recevoir des coups de cravache. On découvre la mère préparant les rubans. Elle appelle ses enfants. Klara et Martin. Ils rejoignent leur père dans une pièce. La caméra se fige derrière la porte. On ne voit pas ce qui se passe à l’intérieur. Martin ressort, il semble devoir aller chercher quelque chose. Il revient. Une cravache à la main. Il entre, ferme la porte. La caméra se fige une nouvelle fois comme par pudeur derrière cette barrière. Perfection du hors-champ, de la suggestion d’une violence. Comme dans Funny games où après un coup de feu, l’objectif restait pointé sur la télé, couverte de sang, sans rien dévoiler de la situation, nous rendant prisonnier des faits. Haneke en est un grand spécialiste. Mais dans cette très belle scène (il faut malgré tout lui reconnaître ça) il va sans doute trop loin. Choisissant de nous faire entendre les coups infligés ainsi que les cris qui s’ensuivent. Etait-ce utile ? Il avait déjà tout dit. Du coup il se place comme voyeur dans cette séquence. Ou plutôt il nous place comme voyeur – plaisir sadique. Il ne montre pas directement mais il montre quand même. C’est vraiment dommage car tout dans cette séquence est huilée à la perfection. C’est d’ailleurs la seule chose que je lui reproche dans son film. La clarté évidente (surtout lors du second visionnage) de l’enchaînement de chaque situation ne permettait pas un tel abus de pouvoir. Mais je ne lui en veux pas.

     Une séquence sublime aussi pendant la fête de la moisson. Le narrateur nous guide encore. Il annonce un climat festif, dans lequel on baigne déjà, tout en prévoyant un événement désastreux. D’un côté cet homme qui danse avec sa future promise, ces tables pleines à craquer de bouffes, de boissons. De l’autre un paysan vengeur et désespéré qui s’en va faucher les choux du régisseur. Haneke alterne c’est assez rare chez lui. Alterner deux événements sur une temporalité identique. Cette scène est très intéressante parce qu’elle montre que même si le cinéaste a choisi l’option mystérieuse quant aux actes criminels qui surgissent un à un dans la petite bourgade, il n’a néanmoins pas oublié d’en montrer d’autres, plus évidents, souvent vengeurs, celui-ci où celui de l’oiseau en croix, tout en laissant à d’autres encore le mystère de l’accident ou non, comme celui de la jeune paysanne. C’est tout à son honneur. Et surtout ça renforce l’aspect authentique car non systématique de la récurrence des faits.

     Il y a aussi cette scène, la plus violente du film. Une des plus violentes du cinéma de l’Autrichien. En un sens je trouve qu’elle lui correspond, la violence a toujours été plus ou moins présente dans son œuvre, psychologique, sèche ou continue. Mais souvent elle apparaissait jusqu’ici par l’image, le mouvement. L’autodestruction dans Le septième continent. La tuerie dans 71 fragments d’une chronologie du hasard. Pour une fois elle est un dialogue. A part une gifle il n’y aura pas de violence physique dans cette séquence, tout passe par les mots. Le docteur est en train de se faire masturber par la gouvernante. Plan quasi identique à l’un de ceux de La pianiste. L’homme ne bande plus, il se retire, en colère et vide son sac sur cette femme, lui débite tout un tas de méchancetés, qu’il devait ruminer depuis des années, avant de lui asséner un « Mais bon sang, tu ne peux pas juste mourir ? » final. Cette scène qui montre une fois de plus l’excellente prestation de Suzanne Lothar, la mère de famille de Funny games, est un truc abominable, qui fou la chair de poule.

     Cette violence est partout dans le ruban blanc. Les hommes face aux femmes. Les parents face aux enfants. Les enfants entre eux. Les enfants face aux parents ? Mais elle est construite discrètement. Avec discernement. Dans le mensonge, les coups-bas. Elle est vicieuse. Mais imprévisible. Haneke se gardera bien de tout nous dévoiler et c’est tout à son honneur. Il ne cherche pas les coupables, comme cet instituteur à la fin ne les cherche pas non plus. Il les a sans doute en face de lui. Non c’est avant tout de savoir pourquoi qui intéresse et le cinéaste et l’instituteur, alter égo du cinéaste quelque part. Evidemment ça saute aux yeux que les enfants sont coupables sans véritablement l’être au départ, qu’il s’agit d’un concours de circonstances basé sur des idéologies autoritaires, un système de punition sans faille, des coutumes supprimant les libertés qui font de ces enfants des (futurs) êtres dangereux.

Sixteen candles – John Hugues – 1984

MTE5NTU2MzIwNzkxNzkxMTE1   7.5   Quand je pense à John Hugues j’ai en tête cette merveilleuse journée de colle où il se jouait de tous les clichés possibles et de séquences dansantes hallucinées pour déployer sa fine histoire sur la connaissance, le dialogue. Je parle bien sûr de Breakfast Club. Dans cette journée maudite on a six élèves. Six ados que tout sépare et qui à première vue se détestent tous plus ou moins. Puis, par les circonstances offertes par la punition, ils vont être amenés à se jouer de leur prof surveillant ensemble, à s’engueuler ensemble, à fumer un joint ensemble, à danser ensemble, à discuter ensemble. Car c’est toute la légèreté du film de Hugues : aspect terriblement anodin qui déploie toute sa dimension du sentiment adolescent, de son malaise dans une séquence absolument formidable de discussion en cercle. On retrouve le même style de Hugues dans Sixteen candles, très touchant sur la fin, un peu moins dans l’intensité tout de même. Mais cette fois il y a des adultes. Des adultes au sens souche familial je veux dire. Les enfants ne sont plus abandonnés à eux-mêmes véritablement, ils grandissent d’un coup en présence des grands. Enfin c’est un grand mot car le film s’ouvre sur cette fille qui n’en revient pas que ses parents ne lui souhaitent pas son seizième anniversaire – ils sont bien trop occupés à préparer le mariage de sa sœur qui a lieu le lendemain. On est par ailleurs très surpris de retrouver le petit acteur de Kramer vs Kramer, cinq ans après, dans le rôle beaucoup plus désagréable du petit frère casse-pieds. Quoi qu’il en soit Samantha doit faire avec – ou sans – et partir au lycée. Puis exit l’oubli d’anniversaire, on parle d’une boum ci et là pour ce soir et entre-temps Sam a laissé tomber un quiz sexuel anonyme dans lequel elle écrivait qu’elle voulait coucher avec Jake Ryan, le beau-gosse du lycée, qui bien entendu l’a ramassé derrière elle ! Ensuite il y aura une rencontre avec un petit branleur bien relou. Puis cette fameuse soirée. Les cartes ne sont pas entièrement distribuées, on croit voir se dessiner un semblant d’histoire, où la jeune fille utiliserait l’un pour choper l’autre, avant de finalement reprendre le branleur débile car finalement gentil. Hugues est très fort car ça ne se passera pas du tout comme ça, mais alors pas du tout. Il y aura même l’intervention de la copine de Jake laquelle, cantonnée au statut de simple poupée du lycée au départ, se révèlera plutôt déroutante. C’est ce que j’aime ici, cette faculté à ne pas suivre un chemin tracé. Cette capacité à abattre les cartes avant de les ramasser et de les redistribuer. La kyrielle de personnages que nous offre Hugues est géniale, il y a un intérêt pour chacun d’entre eux, parfois antipathiques au départ, qui finalement se révèlent être passionnant. Hugues les fait entrer en scène de façon banale, comme dans un teen-movie banal on va dire, mais arrive à faire d’eux quelque chose d’extraordinaire, qu’en fin de compte seul la bande Apatow aujourd’hui, dans un genre similaire, a su égaler.

Away we go – Sam Mendes – 2009

Away we go - Sam Mendes - 2009 dans Sam Mendes away-we-go-8-300x200

   1.0   Sam Mendes, réalisateur d’American Beauty, m’avait récemment convaincu avec ses Noces Rebelles qui perçait à vif le couple moyen américain dans ses doutes existentiels quant à sa quête du bonheur conjugal. Pas de vanité conservatrice à les voir souffrir puisque l’idée même du film consistait à observer un couple qui justement nourrissait de promesses son quotidien mais se retrouvait coincé par leur besoin irrémédiable d’un confort à jamais convoité. Away we go est un peu tout le contraire de son précédent film. A savoir le versant beauf et léger, détourné en quête nostalgique et nombriliste. Un couple est sur le point d’avoir un enfant. Il leur est tombé dessus comme ça – succulente scène d’entrée parce qu’intime – et les voilà paumés en plein doute sur leur petite vie de bohême qui ne se marie pas, à leur sens – même si Mendes ne dit jamais le contraire – avec l’arrivée d’un marmot. Ils embarquent pour un long périple prénatal à travers l’Amérique – ses parents à lui étant sur le point d’emménager en Belgique – afin d’y chercher un couple témoin. Un couple qui leur servirait d’exemple. En fait notre petit couple cherche un appartement. Il y aura des appartements trop grands ou trop petits, sales, bordéliques, d’autres d’apparence parfaite mais qui cacherait un sous plafond défaillant. Il n’y aura pas d’appartement idéal. Que cet idéal n’existe pas pour le cinéaste je suis prêt à le concevoir – Existe t-il un idéal ? – mais qu’il ne se trouve vraiment nulle part, dans aucun geste, aucune parole de ces différents personnages je trouve ça assez exécrable. C’est un film très exigeant concernant ses appartements. Donc très méchant envers ses personnages, tous plus ou moins marginaux. Mendes condamnerait-il la marginalité ? Peut-être pas tant que ça puisque notre joli petit couple, après un tête-à-tête assez réussi sur un trampoline s’en remettra enfin à lui-même et décidera de tout plaquer pour aller vivre en campagne, dans la vieille demeure familiale de la jeune femme, dont les parents sont décédés durant son jeune âge. Contradiction. Mendes vient de nous dire qu’on ne trouve pas de plénitude chez les vivants mais seulement sur les lieux de vie des morts. J’ai beaucoup souffert durant le visionnage. J’ai eu la sensation plus que désagréable que le film me disait de ne pas faire de gosses, d’abandonner toute vie de famille, de ne faire confiance ni à ses amis, ni à sa famille. J’ai trouvé le film extrêmement méchant, cynique et vulgaire. Sans compter qu’il est accompagné d’une petite soupe musicale horripilante qui finalement lui sied à merveille.


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