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Archives pour 26 janvier, 2010

Tetro – Francis Ford Coppola – 2009

19187500Affaire de famille.     

   8.0   Le grand retour de Sir Coppola ! Malheureusement je ne connais pas son précédent film, L’homme sans âge, mais paraît-il que c’est excellent. Il paraît aussi que ce Tetro est un cran au-dessus. Je veux bien le croire. Quelle séance de cinéma formidable ! Quelle magnifique histoire ! Tetro évoque avant tout les retrouvailles de deux frères. De passage dans le coin le jeune Bennie vient rendre visite au frangin qu’il n’a pas vu depuis son enfance. Tetro. C’est le nouveau prénom de ce frère, autrefois appelé Angelo. Bennie veut d’abord comprendre pourquoi son frère lui avait laissé une lettre mentionnant qu’il quittait le terreau familial, dans laquelle il lui promettait de revenir le chercher un jour et qu’il n’a pas tenu sa promesse. S’il n’y avait que ça ! Bennie remarque aussi que Tetro a refait sa vie sans évoquer l’existence de son frère. Le problème c’est que sa blessure est très profonde et beaucoup plus conséquente. Les cicatrices sont loin d’avoir disparues. Et à défaut d’avoir des réponses de son frère, quasi-muet comme une tombe dès qu’il s’agit d’expliquer ses choix ou de ressasser le passé, Bennie va mener sa propre enquête qui le mènera vers la plus folle des explications. C’est donc par l’intermédiaire de Bennie que l’histoire de Tetro va revivre. Une tragédie familiale hors du commun qui parle de rivalité et du poids insurmontable des évènements dramatiques. Du rôle écrasant du père.

     Et pour orchestrer cet opéra, ce film total, Coppola utilise tout ce qui est en son possible. En un sens on pense à Bellocchio et Vincere pour sa démesure, sa soif de cinéma. Tout le présent dans le Coppola est en noir et blanc. Et le grain est superbe. Tout ce qui est constitué du passé familial (écrits de Tetro, souvenirs de Tetro) est en couleur et dans un format différent. Peut-être un format vidéo (je ne m’y connais pas suffisamment) poussant encore plus loin l’expérimentation intime, Coppola ayant déclaré qu’il avait insérer dans son film des séquences en écho à sa propre vie familiale. Cette liberté, cette originalité aurait très bien pu tomber à plat. Curieusement ça lui rajoute un côté flamboyant. De la même manière Coppola illustre tout cela via Les contes d’Hoffmann dont on voit certaines images, qui est dans le film, un souvenir cinématographique de Bennie avec son frère. Sublime plan en couleur par ailleurs.

     La construction de Tetro est bouleversante, jusqu’à la dernière seconde et ces deux corps au milieu des lumières. Le film progresse par rebondissements et pourtant il n’y a absolument rien à jeter. Un mot sur les acteurs qui sont toutes et tous parfaits. Vincent Gallo au centre, terrassant de beauté et de charisme muet. Et sous ses apparences de film lourd Tetro a cette qualité, donnée à très peu de films qui brassent tant, c’est qu’il est d’une légèreté absolue. Il emporte tout sur son passage et pourtant il est très calme, très posé. Finalement à l’image de Vincent Gallo là aussi.

Vincere – Marco Bellocchio – 2009

Vincere - Marco Bellocchio - 2009 dans Marco Bellocchio vincerecouple

Ida.   

  8.5   VINCERE. Ces lettres majuscules occupant tout l’écran en fin de projection évoque autant la mégalomanie mussolinienne que le besoin de reconnaissance d’Ida, sa première femme, que l’effet produit de ce splendide mélodrame aux accents visuels et sonores ahurissants. Bellocchio a vaincu en effet. Ce cinéma d’une grandeur émotionnelle et formelle rare est bien sorti sur nos écrans et fait figure emblématique des films importants de l’année. Difficile de s’attaquer à une quelconque analyse. Il y a comme un rempart infranchissable entre un ressenti intime pendant projection et des mots de lendemain pour en parler. C’est un film opéra. Un opéra furioso, pour reprendre les termes de Charles Tesson. Un cinéma très italien, bruyant, plein de rage, de tentatives de plans impossibles, un cinéma agressif, hystérique à l’image de son héroïne, musical forcément puisque film opéra, un cinéma de larmes et de cris, cinéma d’action (par l’image, non par les situations) quasi hitchcockien, de relations humaines presque Cassavetien. Marrant d’ailleurs parce que cette formidable actrice qu’est Giovanna Mezzogiorno, qui incarne Ida à merveille, rappelle certains traits, mimiques, regards de la Gena Rowlands d’Une femme sous influence. Toutes deux sombrent dans la folie au passage. Une folie de l’enfermement mental pour l’une. De l’enfermement physique pour l’autre. Comment ne pas évoquer le terrible Mussolini que Filippo Timi incarne avec toute sa démesure grimaçante, élocutive et livre une interprétation dans l’emphase, qui ne singe pour ainsi dire jamais, mais se situe sur une limite encore inconnue, quelque part entre ridicule et maestria. Bellocchio a voulu tout faire en grand. Remarquez, quitte à parler d’un fait historique caché, autant ne pas prendre de pincettes. J’ai en tête Ida qui monte les barreaux blancs des grilles de son asile, qui une fois en hauteur jette au vent de nombreuses lettres qu’elle a écrites, probablement destinées à son fils, toujours dans l’idée de la reconnaissance. La neige envahit l’écran, le ciel est noir, la musique accompagne chaque mouvement. Oui il y a quelque chose de complètement démesuré dans Vincere. Le film aurait pu être un gros nanard larmoyant et détestable, il devient film total grâce à une alchimie générale, une œuvre folle et flamboyante dont l’ambition n’a d’égale que la réussite de chaque séquence, plan, dialogue, mouvement. S’autoriser l’utilisation d’une histoire réelle non reconnue, en faire une pure fiction, accompagnée pour l’en appuyer de fictions cinématographiques d’époque (la référence intense au Kid de Chaplin) et de vidéos d’archives politiques relève tout simplement du miracle. Un cinéma que l’on aurait rêvé, qui se réalise !

     Je suis conscient de passer outre les enjeux du film car je ne préfère pas me risquer à une analyse de fond alors que j’ai vécu la projection de plein fouet et qu’il m’est difficile d’argumenter sur quoi que ce soit. Pour le moment je l’aime aveuglément et j’en suis content. Néanmoins je vais tenter de parler, au moins un peu, du personnage d’Ida.

     D’une part ce qui ne me gêne pas du tout c’est le traitement léger au sens historique qu’adopte Bellocchio pour parler de son histoire. On n’apprendra pas beaucoup sur Mussolini (il va quand même jusqu’à l’écarter en plein milieu de son film pour rappeler que c’est le parcours d’Ida qui nous intéresse avant tout) ni sur l’Histoire italienne de la première partie du vingtième siècle. Donc pour ce qui est d’un retournement de valeurs (un prêtre dans l’une des premières séquences disait que Mussolini, le jeune socialiste, était un peu paumé idéologiquement) je n’ai pas vraiment d’avis si ce n’est que pour moi tout arrive dès l’instant où il lance son journal, qu’Ida finance intégralement. Magnifique choix d’ailleurs qui s’inscrit parfaitement dans la lignée thématique du film que de ne pas quantifier cette caution. Je vois Ida comme amoureuse de l’homme, pas tellement de ses actes ni de ses choix politiques. Elle aussi est aveuglée. C’est cette virilité, ce regard, cette présence qu’elle aime chez cet homme pas ce qui fait de lui aujourd’hui sa triste renommée, enfin je crois. Donc irrémédiablement, ce que cherche Ida par la suite c’est la reconnaissance. Ce qui la rend antipathique c’est sa volonté d’être reconnue femme de Mussolini aux yeux du peuple, il y a quelque chose d’assez gerbant à ce niveau là car je le vois davantage comme une recherche de profit personnel (l’amour mais aussi la notoriété) alors qu’elle a son fils aussi à ses côtés. Par moment je vois la mère à l’écran. Mais à de nombreuses reprises je vois la femme en tant qu’individu. Personnellement c’est ce qui me fascine dans sa quête irraisonnée et inconsciente. Le film relève donc du privé, pas d’une démonstration historique, puisque c’est Ida, au moins à partir du second tiers du film, qui nous intéresse. Il y a très peu de séquences où on ne la voit pas d’ailleurs. Bref j’aime beaucoup ce déplacement Politique/Famille il donne une force supplémentaire à son personnage central. Je pensais à un truc aussi : Ida ne parle jamais de fascisme, je ne sais pas si on l’entend une fois l’évoquer durant le film. Elle dit Ladro ! Voleur ! Sa transposition relève donc de l’intime, elle n’a aucune opinion politique. La seule chose c’est qu’elle aime l’homme dévastateur et sûr de lui (cf. la première scène), l’homme de pouvoir (elle n’est jamais rebutée lorsqu’il devient une figure importante) et sans doute le plaisir de sa chair. Ida n’est pas Hadewijch, elle aime le sexe elle. Le sexe physique. Marrant car l’un des deux films on se demande si dieu existe, comment nous intervient t-il ? Nous dit-il d’agir ? De prier ? L’héroïne pense le baiser parce qu’elle ignore tout de la chair. Dans l’autre film on nous dit d’emblée que dieu n’existe pas, sinon Mussolini serait foudroyé. Et puis ça baise à foison au début, lorsque notre couple se rencontre (Sublime séquence sexuelle où les cris, les regards ne sont pas ensemble, Ida qui semble être à un septième ciel de sentiment d’extase, Mussolini qui paraît ailleurs, bien loin, qui sans doute se voit déjà dictateur). Ida ne pense pas être amoureuse, elle est amoureuse, elle le sent dans ses tripes. S’il y a cécité intellectuelle c’est parce qu’il y a non-réflexion, il y a pulsion amoureuse (Elle dit qu’elle n’aimera aucun autre homme) et sexuelle (elle soulèvera sa jupe dévoilant son pubis pour regagner son amour). C’est un parti prit que j’adore. L’amour pulsionnel comme Leitmotiv d’une vie. Car Ida y donnera sa vie. Elle y donne même son enfant, puisqu’en choisissant la rébellion elle s’interdit irrévocablement le droit de revoir son fils. Il y a une compassion pour cette jeune femme qui semble avoir tout le monde contre elle, oui je suis d’accord. Mais n’y avait-il pas compassion dans L’échange de Clint Eastwood quand l’on se prenait dans la tronche tout ce que vivait cette pauvre Angelina Jolie incomprise ? Après tout c’est une histoire semblable, au moins au niveau de l’enfant. C’est un enlèvement. La différence ici c’est que l’enfant peut tout aussi bien être Mussolini Le Duce. Ida est sans doute plus antipathique que le personnage de L’échange, mais sa quête est passionnante, car cette abnégation, ce courage inconscient, cette volonté de ne jamais s’écraser (sauf devant The Kid de Chaplin où elle fond en larmes) relève du plus pur des mélodrames. En tout cas je ne la trouve pas détestable. Complètement cinglée, irréfléchie, très amoureuse, en mal de reconnaissance mais pas détestable.

Complices – Frederic Mermoud – 2010

19142964_jpg-r_1280_720-f_jpg-q_x-xxyxxL’argent.     

   6.5   Ce n’est pas tant la mise en scène qui fait de Complices un film passionnant mais bien sa construction et l’intensité dramatique que dégage chacun de ses acteurs. Il y a deux parties dans Complices. Bien distinctes même si elles se chevauchent en fin de film. D’une part une histoire d’amour de jeunes paumés sous fond de prostitution avec un meurtre à la clé. D’autre part l’enquête de deux flics sur ce meurtre. L’avant et l’après.

     Vincent a 18 ans, vit dans un bungalow et se fait de l’argent en rencontrant des hommes riches sur Internet avec lesquels il organise des rencontres sexuelles moyennant rémunération. Vincent est un junkie. Un junkie du cul. Enfin pas vraiment. Il dira plus tard à sa petite amie qu’il ne prend pas de plaisir, qu’il se retrouve dans une démarche mécanique seulement pour se faire du fric. Voilà deux ans que Vincent fait cela. Seulement un beau jour, en plein cybercafé il rencontre cette jeune fille, Rebecca. Tout se passe relativement bien jusqu’à l’aveu du mensonge. Complices prend un virage sec à cet instant et surprend par les choix de ses protagonistes avec au centre un amour fou, une jalousie progressive et une violence sourde, qui s’apprête à jaillir.

     En parallèle – disons toutes les 5/10 minutes, toutes les 3 ou 4 séquences – il y a une enquête policière. Elle ne se joue pas sur le même niveau temporel car l’on observe deux flics, Melki et Devos, tous deux excellents de retenue, enquêter sur le meurtre d’un garçon, Vincent, retrouvé mort par étranglement en plein Rhône. Si le travail de mise en scène dans la première partie, dans une démarche plus rapide, plus elliptique, convoquait par moment le travail de Larry Clark, dans ce parti pris osé, sa progression un peu folle, on pourrait rapprocher la partie policière d’un travail à la Haneke, beaucoup plus clinique, très épuré. Peut-être que ce sont les longs échanges de ping-pong qui m’y ont fait penser. Evidemment on est très en dessous de ces grands cinéastes, la faute à une volonté de vouloir montrer énormément. On n’en veut pas au cinéaste. Sa réalisation a au moins cette qualité de nous emporter dans une spirale rythmique assez surprenante.

     C’est tout de même un film d’âmes en perdition. Ceux qui n’ont pas encore vécu et vivent en totale insouciance. Ceux qui ont vécu et qui ont peur d’avancer, peur de remuer le passé. Le destin de cette jeune fille n’avait aucune chance de croiser celui de Vincent, pourtant l’amour fou qui les étreignent semble tout emporter sur son passage, même jusque dans cette chambre où nos deux tourtereaux en sont réduits à faire la couple pute pour un bourgeois mal dans son couple qui ne tardera pas à dévoiler son penchant pour le sadomasochisme. Puis celui de cet homme, ce flic, lui aussi complètement paumé, dont la fracture remonte si loin, peut-être au temps où il avait l’âge de Vincent. Et cette femme flic dont la rencontre amoureuse tant recherchée se fait attendre. Il n’y a pas de frontières entre ces deux générations. Ados comme adultes semblent baigner dans une atmosphère sinon malsaine au moins suffisamment glauque, pleine de regrets refoulés, de solitude permanente Un peu comme ces villas perdues au fin fond de la ville qui donnent une apparence bien proprettes avant de révéler la partie invisible, ces corps errent à n’en plus finir, dans un climat parfois doux, parfois drôle avant que les fissures du passé et celles du présent ne viennent tout engloutir.

     Complices a cette faculté à surprendre de part sa construction narrative mais aussi par le jeu habité de ses personnages. Deux histoires qui vont être beaucoup plus liées qu’on ne le pense. Si le film baigne comme cela dans un climat oppressant, parfois glauque, parfois incandescent, il sort en plus une dernière cartouche qui le rend plein d’espérance. Une fin déchirante.


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