God Defend New Zealand.
3.5 Moins d’un an après le très beau Gran Torino Clint Eastwood s’attaque au rugby et tout particulièrement à l’influence majeure de Mandela sur la coupe du monde et l’union fédératrice qu’elle s’apprête à créer. Comme pour L’échange le cinéaste embraye une nouvelle fois vers un ton plus impersonnel qui à mon sens ne lui va pas beaucoup. Pourtant il y a de l’engagement. On y évoque bien entendu l’apartheid. Mais c’est tout, absolument rien d’autre. Tellement obnubilé par son unique sujet Clint n’a qu’un objectif formel : faire cohabiter le noir et le blanc dans tous ses plans. Quatre fédéraux gros et blancs avec quatre adjoints noirs de Mandela dans des scènes sinon inintéressantes sur-symboliques. Un petit garçon noir avec deux flics blancs. Des mains blanches qui soulèvent une coupe plus une main noire. Clint appuie le trait dès qu’il le peut c’est une horreur. Son récit tourne à une démonstration de la tolérance – il filme Mandela comme un nouveau Jésus, au moins comme le messie.
On se rend très vite compte des enjeux du film. Installer un suspense sportif qui n’en est plus un (on sait déjà que l’Afrique du sud a gagné la finale de la coupe du monde 1995 contre les Blacks) et jouer avec chaque personnage qu’il a filmé depuis le départ. C’est un film de grimaces. Nous n’y voyons que des grimaces. Si la première partie du film est hyper insignifiante, la seconde est carrément insupportable. On suit la coupe du monde, presque matchs par matchs, avec en prime une finale qui dure un moment. Eastwood filme cette finale atrocement. En terme de rythme c’est plutôt correct mais en terme de parti pris de mise en scène c’est affreux. J’ai écarquillé les yeux plus d’une fois devant ces ralentis à n’en plus finir, son obsession à vouloir tout filmer, le mixage sonore lors des mêlées etc… En fait je crois que l’indigestion que cette longue séquence procure vient du fait que Clint veut tout montrer, vraiment tout. Chaque personnage à chaque instant, chacune de leurs grimaces. Mais il n’a pas le temps, il est pressé par le chronomètre, celui du match. Donc il opte pour des plans saccades sur ce chrono justement durant chaque seconde des vingt dernières qu’il reste à jouer, avec un boom retentissant en arrière fond. Quelque part on pense au combat dans Million Dollar baby. Lorsque Clint a le temps il s’en sort admirablement, mais lorsqu’il ne l’a plus (le dernier coup de poing et l’accident qui s’ensuit) sa réalisation devient grossière. Ici c’est la même. Certains plans sur le terrain sont bien trouvés, dans cette façon de suivre l’action. On se croirait en caméra embarquée dans un vrai match de rugby. Puis Clint est pris de vitesse.
Mais voilà, durant les premiers matchs le réalisateur arrive à montrer ce climat fédérateur qui s’installe. Cette barrière de la couleur qui s’apprête à sauter, l’union pour une équipe, pour un pays, uniquement dans un domaine sportif. Quelque chose fonctionne assez bien. Ce pourrait être fait avec moins de gros sabots mais disons qu’il y a une tentative au moins. Cette ambiance, par moment, m’a évoqué certaines émotions que j’ai pu ressentir par le passé. Emotions sportives évidemment. Cette transe qui parfois nous accompagne et ne nous lâche plus. Donc le film ne m’a pas plu mais je ne peux pas le détester, ne serait-ce que pour les souvenirs qu’il a réussi à m’évoquer.
Historiquement il est évident que Mandela a apporté un soutien, qu’il a crée une unité par son courage, son abnégation dans le travail qu’il s’était donné. Pourquoi l’accompagner de violons ? J’ai eu cette impression que l’image n’est jamais seule ici, la musique est toujours présente, parfois même ce sont des chansons affreuses. Alors qu’on ne demande qu’à être embarqué. L’exemple des joueurs qui viennent faire une démo sur un stade délabré dans un bidonville. Il pourrait y avoir quelque chose de fort dans l’approche, dans cette confrontation entre les vedettes et leurs fans. Mais Clint enclenche alors sa soupe récurrente pour nous servir un joli petit clip Nike où il ne manque que Ronaldinho. Pas terrible donc.