6.0 Premier film du cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan. Tourné uniquement en noir et blanc et avec une équipe restreinte, Kasaba est déjà un film précurseur. Car même s’il fait office de brouillon on ne peut pas lui enlever ses qualités esthétiques incroyables. Cette beauté du plan, cette photo, cette profondeur de champ, toute cette touche Ceylan intégralement aboutie dans un chef d’œuvre comme Uzak par exemple.
Lorsque Kasaba commence on est sous le charme, mieux, on en prend plein les yeux. Il faut voir cette façon qu’il a de filmer la neige, cette façon qu’il a de filmer une route de village déserte. Dans ce climat immaculé déjà une ambiance sonore de type industriel particulière. Puis c’est en intérieur que Ceylan poursuit son film, dans une salle de classe. Là aussi on est soufflé par la beauté du cadre. Finalement ce début de film absolument chef d’oeuvresque ressemble à ce qu’il fera par la suite. Un cinéma très peu dialogué, un cinéma errant, un cinéma du temps arrêté, un cinéma tarkovskien. Car la suite navigue davantage du côté de Koza, son court de métrage d’avant Kasaba. Il y est question de famille. On y parle de réussite. On y parle aussi de la mort. Il y a de belles idées mais cette discussion autour d’un feu de camp ne fonctionne pas très bien. Les enfants que l’on suivait jusqu’ici sont abandonnés. Nous ne sommes sans doute pas prêt à entendre des adultes déblatérer. Je ne l’étais pas en tout cas. En parallèle à cela, il y a toujours des errances, des balades, des départs, dont on ne sait si elles appartiennent au présent ou au passé. Il y a surtout le souvenir. Celui du cinéaste. Le souvenir d’évènements importants de la vie comme celui d’avoir quitter le foyer familial pour faire son service. Et celui d’évènements plus intimes, ayant un impact très personnel d’apparence anodine, comme cette main qui caresse l’eau, cette plume qui n’en finit plus de voler. Et la mémoire de l’association aussi. Le souvenir de cette tortue, paniqué car sur sa carapace, lié à celui de sa mère qui tomberait d’on ne sait ou. C’est un film qui n’a pas la force d’un Zerkalo par exemple, mais qui semble assez clairement s’en inspirer, et qui plastiquement, est au-dessus du lot pour un premier jet.