Archives pour juin 2010

Le livre d’Eli (The book of Eli) – Albert & Allen Hugues – 2010

47383The road.   

     5.5   En regardant Le livre d’Eli j’ai pensé à trois autres films : Le guerrier silencieux, sorti il y a peu, tous deux montrant un loup solitaire se heurtant à une population hostile, tous deux accompagnés par une personne, et puis dans l’esthétique jusqu’au-boutiste aussi d’ailleurs. Celui-ci avec le culte de la crasse, de la boue dans des combats secs et bruyants tandis que Le livre d’Eli avance dans un trip beaucoup plus ‘ombres et lumières’ avec ce même penchant pour la violence brute, le combat rapide. Le film tente plein de choses, ne choisit jamais vraiment une unité de forme. Dans une autre séquence de maison assiégée, avec menace au lance-roquettes c’est au film de Cuaron Les fils de l’homme que j’ai beaucoup pensé, dans l’utilisation du plan-séquence impossible. Les impacts de balles sont très impressionnants, et la vitesse de l’action c’est presque du jamais vu. En terme d’ambiance, de climat post-apocalyptique, c’est au deuxième volet de Mad Max auquel Le livre d’Eli m’a fait penser. Il semble clairement s’en inspirer, dans l’esprit des personnages déjà (tous déjantés et ultra-grimaçants), les couleurs (on navigue constamment dans une espèce de sépia hyper léché) et le décor, son utilisation du désert, des paysages en ruines. C’est en fin de compte un film que j’aime bien. J’aime principalement le personnage qu’ils ont crée en Gary Oldman, qui dépasse le simple concept de grand chef de post-apocalypse, convoitant le fameux livre qui lui permettrait, dit-il, de maîtriser plus facilement sa population. C’est à mon sens la bonne idée du film de foutre ce livre au milieu, comme objet convoité pour régner et embobiner les gens d’une part, pour le protéger et le sceller dans un musée d’autre part. L’histoire est simpliste, mais c’est dans cette dichotomie du bien du mal que naît la réflexion sur les priorités. Même si ça ne va pas très loin (je le vois davantage comme un film d’action Point A/Point B que comme autre chose) j’étais plutôt surpris de certaines tournures. Après, concernant la fin, rien de formidable, c’est même assez bateau, disons qu’une fin en queue de poisson ou une non-fin auraient été plus corrects je ne sais pas. Dès que Le livre d’Eli n’est plus film d’action il devient moins bon film.

Année bissextile (Año bisiesto) – Michael Rowe – 2010

annee-bissextile-de-michael-rowe-4458390kinpjEnfermée.

   6.5   C’est dans un huis-clos pesant – l’appartement d’une jeune femme – accompagné de plans fixes uniquement que le schéma narratif s’installe. Film psychologique qui ne nous séparera jamais de son actrice principale, mettant en scène un appartement symbolique de l’état psychique de la demoiselle, entre enfermement permanent (l’appartement semble coincé au milieu d’autres, les brèves vues que l’on aura des fenêtres ne donnent que sur des terrasses avoisinantes) et désir d’une lumière plus vive (l’appartement apparaît sombre, les moments de clartés sont sinon détachées, particulièrement rares, passagers et encore faut-il qu’il fasse jour) qui n’est autre que l’état de Laura en perpétuelle recherche d’un plaisir encore inconnu, car elle vit dans une frustration répétitive, et en pleine bataille avec son propre passé, avec sa propre situation géographique. C’est dans cette frustration et cet enfermement, plus que dans une culpabilité enfouie je pense, que naît un désir, un plaisir totalement nouveau la concernant. Les indices sont grands, presque lourds, dans cette première partie de film : La jeune femme est définitivement cloîtrée chez elle professionnellement, elle est journaliste à domicile, et ne communique qu’avec un téléphone fixe – à de nombreuses reprises, le lien affectif n’est autre que le lien maternel. Il n’y a qu’avec son frère que la jeune femme entretient une relation physique, lui venant la voir à trois reprises, lui racontant ses propres histoires sentimentales. Son unique lien physique, autrement que sexuel, est tué dans l’œuf par une compassion convoitée qu’elle ne peut et ne veut guère offrir à son frère. Enfermement renforcé par la position de son appartement, probablement imbriqué avec d’autres – nous n’aurons jamais de vue d’ensemble, on sait que l’on est à Mexico mais Rowe ne filmera jamais la ville – où elle peut voir un couple plus âgé, ayant atteint une forme de sagesse qu’elle ne recherche pas pour le moment, qu’elle admire probablement, et un couple plus jeune qu’elle observe, de temps à autres, dans leur quotidien, tout en se masturbant de son côté, comme une idée du bonheur qu’elle convoiterait mais qu’aucun homme jusqu’ici n’ait été en mesure de lui offrir. On le voit bien de toute façon lorsqu’il y a ce garçon, avec lequel elle fait l’amour un soir, qui se rhabille sans faire de bruit, s’en va délicatement le lendemain matin, pendant que la jeune femme, impuissante, faisant mine de dormir, le laisse partir. Le cinéaste ne montre cela qu’une fois mais on a le sentiment d’une situation qui se répète. C’est donc une première partie d’installation, de familiarisation avec la vie de cette femme, avant que peu à peu nous glissions vers totalement autre chose. Il y a encore ci et là quelques indices qui semblent préparer la suite. Cette masturbation dont je parlais précédemment n’a absolument rien de sensuel (au sens moral j’entends), dans la position de la jeune femme, le cadre – coupant au niveau de la tête, donc vers le bas de la fenêtre – ou encore la vision constante de ce mur sale ou abîmé. Et si l’on accompagne cette femme dans son quotidien à la manière d’un Jeanne Dielman, ce n’est pas tant ici lorsqu’elle prépare à manger mais bien dans un climat davantage sexuel, charnel voire animal. On la découvre en train de faire ses besoins, de se regarder nue dans la grâce, de se masturber donc ou même de baiser (car c’est le terme) avec des types d’un soir. Tout paraît orienté vers le sexe. Et inévitablement c’est dans le sexe que cette femme va trouver un plaisir qu’elle ne connaissait pas, sans doute un plaisir qu’elle sera prête à pousser à la plus extrême de sa signification tout simplement parce qu’il s’agira là de son premier voire ultime véritable plaisir. D’une simple fessée dans un premier temps, c’est toute une relation sado-masochiste, à tendance scato qui s’apprête à se mettre en place. Dans les mêmes lieux, les mêmes heures, avec le même homme. Micheal Rowe a été très lucide dans sa façon de traiter cette forme de plaisir. Pas sur un ton accusateur ni sur son aspect sensationnel, déjouant toutes les attentes violentes que l’on se faisait de ce mécanisme, et traitant cela comme un plaisir, un vrai, non comme un vice. Il y a toute une dimension étrange (avec le pourquoi de l’année bissextile) concernant l’existence du père – qui n’apparaît que dans un cadre photo dans le film – qui ne me plait pas beaucoup. On sort d’un cadre primaire à mon sens. De simple pulsion sexuelle, convoquant sadisme et masochisme, on passe à quelque chose de l’ordre du passé douloureux qui influencerait les désirs présents. Ce n’est pas tant l’idée du passé qui me dérange (bien entendu que le tout forme une personne) mais tout ce sous-entendu sur les agissements du père, une sorte de culpabilité indicible. J’aime au contraire ce que l’on a jusqu’ici : une relation pure, mais très violente, que personne ne serait en droit de juger. A ce titre les dernières minutes de ce film son absolument magnifiques et surprenantes. C’est là où nous l’attendons pas que le film nous cueille, qu’il renverse son jeu pour venir alors s’attarder sur une femme en pleurs (à nouveau condamnée) qui s’en va tourner la page de son calendrier, avec un curieux sourire aux lèvres. Des larmes à cet instant auraient fait une fin ratée. Un sourire était plus juste. J’étais ravi. Pour en revenir aux références, j’ai évidemment beaucoup pensé au chef d’œuvre de Chantal Akerman, mais aussi au récent Parque Via, dans la répétition des mêmes gestes, dans l’adrénaline montante. Les scènes de sexes sont parfaitement mises en scènes, loin de tout caractère pornographique, des corps pas forcément beaux rendus très sensuels, un peu à la manière d’un Reygadas dans Batailla en el cielo. Quant aux deux acteurs, ils sont superbes. Marrant de voir le jeune Gustavo Sanchez Parra, tout en retenue,  juste après le très volontairement démonstratif Rabia.

Quatre nuits d’un rêveur – Robert Bresson – 1972

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Illusions perdues.    

   9.0   Les nuits blanches, la nouvelle de Dostoïevski, et Quatre nuits d’un rêveur, l’adaptation libre du cinéaste Robert Bresson racontent la rencontre de deux âmes solitaires qui allaient faire parler leur mémoire et leur cœur. Dans le film les personnages se rencontrent sur le Pont Neuf à Paris, qui sera encore un lieu de rencontre singulière quelques années plus tard, dans Les amants du Pont Neuf de Léos Carax. Jacques sauve Marthe du suicide et c’est la première des quatre nuits qu’ils passeront l’un à côté de l’autre à se raconter leurs vies, principalement sentimentales.

     C’est un garçon solitaire, amoureux des femmes, qui ne le savent jamais, garçon qui se réfugie dans la peinture et ces instants suspendus (le début du film à la campagne) où il paraît convoiter une certaine idée du bonheur. C’est une jeune femme très amoureuse d’un garçon qu’elle attend depuis un an et trois jours, elle vit au chevet de sa mère et dans l’espoir qu’il revienne. Comme Une femme douce, Quatre nuits d’un rêveur commence par un suicide. Mais un suicide manqué, évité in-extrémis, selon les règles Bressonniennes : Trois plans grand maximum, dont un sur les mains, qu’il quitte rarement durant un film. Bresson filme davantage les mouvements que les émotions perceptibles sur les visages. Cela se vérifie beaucoup vers la fin du film où il s’agit d’un véritable ballai de mains, sous cette table, dans un bar parisien.

     Quelque chose a changé entre la nouvelle et le film, dans le comportement de Marthe lorsque Jacques lui avoue qu’il est amoureux d’elle : Lorsque Nastenka tombait des nues et s’en voulait d’avoir ouvert tant son cœur, Marthe avoue qu’elle s’en doutait mais qu’elle espérait se tromper. Il y a autre chose qui change assez clairement c’est la toute fin du film, complètement absente chez Dostoïevski, montrant le personnage masculin comme comblé, voire inspiré. Les mots du magnétophone que Marthe lui a glissé dans l’oreille avant de disparaître dans l’avenue, ou qu’il a simplement inventé – rêvé – semblent avoir un effet plus que positif sur le jeune homme, qui se saisit du pinceau, avec confiance et sérénité. A ce titre j’adore la troisième nuit, celle qui précède l’aveu, où les regards des deux personnages s’arrêtent instantanément sur cette péniche, où un groupe de musicien joue de leurs instruments ; et puis cette longue balade sur les quais de Seine, main dans la main (toujours), où là encore la musique semble faire office de lien, d’attirance, peut-être aussi de méfiance, d’incertitude. Il y a comme une plénitude totale sur les deux visages à cet instant, mais ça ne dure que deux minutes.

     Marthe ne peut s’empêcher d’aimer l’autre garçon, elle voudrait l’avoir oublié dit-elle (« Pourquoi n’est-il pas vous ? Pourquoi n’est-il pas fait comme vous ? Vous êtes plus intelligent que lui, plus gentil que lui, mais c’est lui que j’aime ») Mais il est pour le moment impossible. La quatrième nuit, devant les galeries marchandes nocturnes, un jeune homme fait la manche, et joue de la musique. Le garçon réapparaît, après trois ans sans nouvelles. Elle se jète dans ses bras. Elle revient se jeter dans les bras de Jacques, lui glisse quelques mots dans l’oreille, que l’on ne connaîtra pas (c’était la moindre des choses de la part du cinéaste le plus pudique du cinéma de ne pas dévoiler ces dernières paroles directement, après que l’on ait été voyeur, en quelques sortes, pendant tout le film) avant de repartir définitivement avec son amant de toujours… C’est une fin déchirante. Comme l’était celle de la nouvelle. Mais elle semble apporter un positivisme dans la vie de cet homme : « Oh Marthe, quelle force fait briller tes yeux d’une telle flamme, illumine ta figure d’un sourire pareil ? Merci de ton amour. Et soit bénie pour le bonheur que tu m’apportes ». On remarquera que la phrase n’est pas au passé, c’est là toute l’intelligence de ce cinéaste, qui signe ici son film le plus déchirant.

Tous les garçons s’appellent Patrick – Jean-Luc Godard – 1958

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   6.0   C’était ma deuxième fois, je ne m’en souvenais plus très bien et surtout, en pleine période où je me fais ou refais du Godard, je me devais de ne pas oublier ses courts métrages. Incroyable de voir à quel point le style Godard est déjà là mais de façon très sage, comme s’il se cherchait – c’est probablement le cas. Incroyable aussi de voir qu’il est facile de distinguer Rohmer à l’écriture : la rencontre, le trio, la coïncidence. C’est Bergala qui disait je crois que le décor vieillisait beaucoup plus que les personnages chez Godard. Je suis entièrement d’accord avec ça. Et j’aime énormément ce film, son énergie, sa liberté.

When you’re strange : a film about The Doors – Tom Di Cillo – 2010

when-you-re-strange-2010-17908-423839718   6.0   Voilà un beau documentaire sur les Doors, ce que ça fait plaisir ! Di Cillo retrace le parcours du groupe américain, les 54 mois qu’ils ont vécu ensemble, des enregistrements de Light my fire et autres, à la mort de leur chanteur. Prise de parti évident, nous ne sommes pas dans un documentaire neutre, le cinéaste fait des Doors quelque chose de beau, en n’omettant pas, heureusement, de montrer les bas de leurs carrières, les différends avec Jim Morrison, la place de la drogue, de l’alcool, leurs concerts sans commune mesure. Les images d’archives choisies sont passionnantes, entre les séances d’enregistrement studio où lorsque les uns se concentrent pour donner le meilleur d’eux-mêmes l’autre est littéralement en train de planer, les concerts voués à ne jamais bien se terminer, des morceaux de conférence de presse d’un autre monde. Il y a une mise en valeur de Morrison évidemment, parce qu’il était l’icône, celui qui a fait que tout réussisse (pas de groupe sans Jim dit la voix-off lorsque ce dernier décide, après Soft Parade, de tout arrêter) mais aussi celui qui fait que tout se casse la gueule (dérapages à répétition durant de nombreux concerts). Di Cillo a su faire un docu très maîtrise, au niveau de son rythme déjà, de son utilisation musicale, tout en réduisant au maximum le côté sensationnel de la chose, tout est joliment agencé. Des images d’archives des Doors mais pas seulement : considération de l’époque, des bouleversements politiques, de la période hippie, documentaire jamais exclusif. Et entre cette pluie d’images d’archives, des images plus calmes d’un homme, au volant de sa voiture, apprenant la mort du chanteur. Un homme qui sillonnerait l’Amérique, sous acide. Ces images ce sont celles du film de Jim Morrison : HMV, an american pastoral, sorte de road-movie expérimental, film qu’il a réalisé quand il étudiait le cinéma, dans lequel il ne filme que lui. C’est aussi ça les Doors, un tas de paradoxes, comme il y en avait partout à l’époque. On révolutionne, on se révolte mais on reste de simple produit de la société, à l’image de ces concerts pleins à craquer, ces séances photos à répétition, où même ce drôle de différend entre les membres du groupe, concernant l’utilisation d’une de leur chanson pour une publicité qui aurait dû leur permettre de rapporter un max de thune. Les Doors ça restera quoi qu’il arrive quelque chose, et en ce qui me concerne, je les ai beaucoup écouté, et encore aujourd’hui. Pourtant j’ai beau connaître leur histoire presque par cœur, Di Cillo a rendu un truc qui m’a beaucoup touché, devant lequel je n’ai pas vu le temps passer. 

Cabin fever – Eli Roth – 2004

Cabin fever - Eli Roth - 2004 dans Eli Roth cabin-fever-gets-remake-with-eli-roth-as-executive-producerInfectés.   

   5.5   Une bande de jeunes diplômés décident de passer leur week-end dans un chalet au fin fond de la forêt. Cabin Fever doit beaucoup à Evil Dead et son presque huis clos, son budget minuscule, son scénario microscopique. Et même si là aussi on a droit à un esprit survival old school il y a quelque chose qui fonctionne intelligemment dans la propagation de l’infection. On en arrive presque à un cinéma à la Roméro, plus incisif. Lors de leur première soirée l’irruption de deux étrangers va foutre la pagaille : un type et son chien, et plein d’herbe, c’est pour ça qu’ils le laissent s’incruster. Puis plus tard un homme ensanglanté, d’apparence très malade plutôt qu’accidenté, qu’ils vont tenir éloigné d’eux avant de le battre et de le brûler. Plus de possibilité d’utiliser la voiture, que l’homme a tenté d’emprunter, puisqu’elle est couverte de sang. Le pire n’est pas encore arrivé car lorsqu’ils pensent être à l’abri de tout ça, une fille du groupe contracte alors l’infection (dans une scène formidable et absolument immonde, parce qu’au départ très sexuelle avant qu’elle ne devienne carrément dégueulasse…). Ils décident de la mettre en quarantaine dans la remise non loin du chalet. Ils n’ont que le mot ‘contagion’ à la bouche. En réalité, leurs ennuis commencent seulement puisque cette contagion, qui touchera très bientôt tout ce petit monde, presque sans exception (phrase qui prend tout son sens à la toute fin du film), provient de l’eau, tout bêtement. L’homme brûlé qui a terminé son agonie dans le réservoir d’eau l’a contaminé, scène que l’on verra très rapidement dans le film – à sa mort en fait – dans un plan séquence nous menant à un robinet. Peut-être que le pitch est encore plus simple que celui d’Evil Dead. Néanmoins j’aime la vivacité de ce film et l’obsession de ses personnages pour la survie, jamais dans l’acceptation de l’abandon, jamais de larmes. On nage dans un pur film d’horreur, avec deux/trois trucs marrants par-ci par-là et d’une manière générale ça fonctionne très bien, jusqu’au final en hommage à La nuit des morts-vivants de Roméro. On est donc loin d’Hostel, son film suivant, réac, porno et sans intérêt, qui n’avait choisi comme ligne de conduite qu’un dégueuli de scènes de tortures bien glauques, après que l’on se soit tapé une heure de torture porn complètement vaine. Cabin Fever commence très vite, ne laisse pas le temps de souffler et les personnages sont tout de même moins débiles (c’est relatif bien sûr) que dans la moyenne des films de ce genre.

Les noces rebelles (Revolutionnary road) – Sam Mendes – 2009

Les noces rebelles (Revolutionnary road) - Sam Mendes - 2009 dans Sam Mendes noces-rebelles_407

     7.0   Je ne suis pas un admirateur de Mendes. Je n’aime pas Les sentiers de la perdition que je trouve molassons et conventionnels, Je n’aime pas Jarhead, film de guerre à deux balles en roue libre, quant à American Beauty, même si je l’aime moins aujourd’hui qu’avant, la faute à sa surenchère permanente et son cynisme ambiant, c’est le seul que je pourrais très facilement réessayer un de ces jours. Mais il est évident, mais carrément évident que Revolutionary Road est son meilleur film. Et de très loin. Tout ce qui me bloque chez lui est ici évacué. Son utilisation musicale est très réduite. Ses montages alternés ont laissé place à une mise en scène très sobre, rappelant celle de Clint Eastwood. L’histoire surtout est palpitante, cette idée du couple qui désire changer de vie, mais se retrouve confronter aux doutes, me fascine parce qu’elle est traitée avec maîtrise. On a pu récemment apprécier ce que faisait James Gray de la pression familiale et son influence sur les esprits tourmentés, on est dans le même système ici. Sauf que les parents ne sont plus. Il s’agit davantage de fierté, de reconnaissance. Et il y a la question de l’argent. Même si dans le fond, n’est ce pas autre chose qui peut ronger ? Cette idée du confort par exemple. Changer de vie n’a rien d’anodin. Et lorsque l’on s’y refuse on peut le payer au prix fort. Dans la dernière partie Mendes refait le Mendes d’American beauty. Mais en plus réussi. Son cynisme est toujours là et bien là, il est juste beaucoup plus travaillé, plus sobre, plus en retenue. Revolutionary Road aurait lui aussi pu s’appeler Les Trois Singes. La fin du film en est clairement l’illustration. Pour survivre à la morosité, mieux vaut ne rien dire, ne rien entendre, ne rien voir. Et surtout éviter la demi-mesure. Le film le plus triste de Mendes.

Moscow, Belgium (Aanrijding in Moscou) – Christophe Van Rompaey – 2009

Moscow, Belgium (Aanrijding in Moscou) - Christophe Van Rompaey - 2009 dans Christophe Van Rompaey 3657068mycjb

     4.5   Une femme délaissée (provisoirement, car elle espère qu’il va revenir) par son mari qui est partie avec une minette, est en pleine déprime. Un jour elle se fait défoncer le pare-chocs par un viking baraqué en camion jaune et là on la sent à deux doigts du meurtre! Plus tard, le bonhomme que l’on sent amouraché de la quarantenaire déprimée se propose de lui réparer son coffre de voiture. Réticente au départ, elle accepte ensuite, puis il l’invite à boire un verre, puis elle l’invite à déjeuner, une amitié se créée, avant que ce ne soit davantage! Mais il y a son mari qui dit qu’il va revenir. Il y a ses trois enfants aussi. Attention c’est marrant : le plus jeune aime les avions. Du coup pendant tout le film il lit un livre sur les avions. Le scénariste est pénard en ce qui concerne le premier gosse. La plus jeune des deux filles, elle, aime voir l’avenir dans les cartes. Et elle ne fait que ça. Encore un personnage d’écrit. Et il y a l’ado un peu plus travaillée, mais là on rigole davantage : elle pose des questions déplacées, semble être dans une phase de chieuse, et aussi elle fait un peu garçon manqué. Et donc forcément, dans une séquence où sa mère l’autorise à inviter son petit ami, du moins la personne que sa fille voit tous les soirs, vous avez deviné… c’est une fille aussi. Et la mise en scène fait en sorte que le public se marre. Parfois les nuages sont en accéléré, on a droit à des musiques genre Ti Amo quand le viking lui avoue son amour. Mais, car il y a un mais, je trouve certains moments agréables ce qui le sauve in-extrémis de la purge. Quand nos deux personnages qu’un accident a réunis sont ensemble, quelque chose de vrai ressort. Mais bon l’amour semble condamné à la fin du film (à la différence du Gray) et je me dis que le réalisateur a dû subir pas mal de vestes dans sa vie! Bref, ça se laisse voir quoi. Pas pour découvrir du cinéma, mais pour se détendre. Une sorte de Little Miss Sunshine russo/belge.

Les invités de mon père – Anne Le Ny – 2010

Les invités de mon père - Anne Le Ny - 2010 dans Anne Le Ny 19243429

     1.0   Il y a au moins quelque chose qui fonctionne dans ce film ce sont les scènes que se partagent Karin Viard et Fabrice Luchini, deux acteurs que j’adore par ailleurs. Ils sont ici frères et sœurs et ce qui se passe sur le moment dans leur famille (la volonté de leur père d’héberger des sans papiers) va étrangement les rapprocher, alors qu’ils ne se parlaient plus pour ainsi dire depuis dix ans. Mais apparemment sans avoir choisi cela, simplement parce qu’ils ont dorénavant tous deux une vie chacun de leur côté. Ces retrouvailles désorganisées c’est ce que la cinéaste filme le mieux dans son film, peut-être aurait-elle dû ne s’intéresser qu’à cela d’ailleurs. Il y a quand même autre chose que je trouve plutôt intéressant – même si en y réfléchissant très petit bras – c’est le parti pris de ne pas avoir montré ce qu’il se passait réellement dans cet appartement, celui de leur père, qu’ils appellent par le nom de rue entre frangins. Tout marche donc sur un doute, une vérité indicible ou une illusion paranoïaque. Mais voilà, cela va dans le sens du film, dans cette idée dichotomique de répondre à un problème par un autre problème. Les invités de mon père est un film réac gentil, probablement de la pire espèce donc. On fait croire que l’on a des idées de gauche – il faut voir le nombre de fois que les personnages le répètent – pour finalement accoucher sur des valeurs belles et bien à droites. Cette bonne idée de faire un film sur l’immigration pourquoi pas, mais que reste t-il derrière ? Que restera t-il en fin de projection ? Le sentiment que c’est bien d’être gentil c’est vrai, c’est bien de défendre une cause en y mettant les pieds dedans mais malheureusement ça fait exploser une famille. On y parlera de deshéritage. Certains seront anéantis. Puis d’autres n’y verront qu’une solution : tout balancer au service d’immigration. Et qu’y a t-il en échange ? Parce qu’on n’imagine pas que la cinéaste s’arrête là. Et bien elle se dit que montrer des vies qui implosent mais pas forcément en mal ça peut faire passer la pilule. Tatiana sera d’abord une bombe atomique avant de devenir un monstre puis une victime. Tout est prévisible c’est une horreur. A la toute fin, alors que ‘les invités’ auront dû reprendre l’avion, les deux frangins esseulés retrouvent un bulletin de salaire de la petite Solina. De très bonnes notes et des encouragements pour son intégration. Tu te rends compte de ce que l’on a fait, constate Karin Viard en s’adressant à son frère. Oh merde, répond t-il. Puis sa femme à lui, de prendre la feuille et sans la moindre grimace de la foutre dans un sac poubelle. Cette femme, jouée par Benguigui, c’est finalement le vrai visage de cette famille, c’est la seule dont les plaintes et tout le reste fassent vraie. Le reste n’est que mensonge. Comme tout le film. Dans la toute dernière scène du film, Aumont est au bord de la mer, transformé en légume, enfin presque. Une amie pas toute jeune le garde en quelques sortes. Luchini vient lui rendre visite. Son père, allongé sur un transat, a une gaule pas croyable, parce que la vieille femme le nourrit de tisane au gingembre. Rappelons que durant tout le film on se dit qu’il doit bien s’éclater avec Tatiana, du haut de ses 80 printemps. Puis dans sa main il tient une canette. Une canette de Fanta. Le même parfum que celui qu’utilisait Tatiana pour accompagner son champagne. Voilà l’unique trace qu’aura laissée cette jeune femme dans la vie de cette famille : Une bite en l’air et du fanta. Puis une petite phrase pour finir, afin de détendre l’atmosphère. Comme si on en avait vraiment besoin. Les deux hommes regardent alors l’océan et nous tournent le dos. Evident qu’ils tournent le dos aux pays de l’Est. Tout comme la réalisatrice en fin de compte…

Le temps des grâces – Dominique Marchais – 2010

Le temps des grâces - Dominique Marchais - 2010 dans Dominique Marchais le-temps-des-gracesL’autre vie moderne.

     5.5   Alors bien sûr c’est intéressant, instructif et sans doute indispensable mais ce qui ne fonctionne pas ici, à la différence du dernier film superbe de Raymond Depardon, ce sont les témoignages. Ce ne sont pas de simples paysans, de simples agriculteurs à qui l’on demande de s’exprimer mais des politiques avant tout. Je n’ai presque jamais été touché par ce que me disait le film, là où chaque intervenant dans La vie moderne en devenait par de simples mots, parfois même uniquement des regards ou des postures carrément bouleversants. Là j’entends du discours politisé, une séance de cinéma hyper didactique en somme où je me sens agressé, pointé du doigt. Je n’y vois aucune vie. Je ne remets pas en cause la véracité de leurs discours mais nombreux de ces intervenants font toc dans le paysage à mon sens, beaucoup plus à l’aise dans un bureau qu’au volant d’un tracteur. De l’agriculteur et maire de telle ville, on passe à l’agriculteur et écrivain et on revient à un autre maire. Ces gens de me parlent pas car ils ne sont, à mon sens, pas pris sur le fait. Tout m’apparaît comme planifié. De fait, la fausseté de certains m’épuise et lorsque je les retrouve je préfère ne pas les écouter, donc je m’ennuie. Il n’y a qu’avec ces interviewés retraités qu’il se passe vraiment quelque chose à mon humble avis. On est loin de l’envoûtement affectif que produisait La vie moderne. Maintenant est-ce un mal ? L’enjeu est ailleurs, il est autrement. C’est simplement que pour moi c’est du discours. Et le discours pour le discours m’épuise.

     Malgré tout le propos est terrassant. Car plus que la mort d’une époque c’est surtout la mort de la vie agricole. C’est l’avènement des compétitions, de l’argent, et donc des disparitions des petits. Mais plus qu’un simple constat nostalgique et dramatique, c’est un soulèvement de questionnements. Pourquoi les sols meurent ? Pourquoi l’agriculteur se doit aujourd’hui d’avoir une double activité pour s’en sortir ? Quels moyens sont à notre disposition pour préserver cette culture vitale ? Comment va t-on tenter de palier à cette rupture ? A ce niveau l’enjeu devient forcément politique. Un moment donné on longe une route (dommage que nous ne soyons que si peu dehors d’ailleurs, il me manquait sans doute aussi cette respiration) de banlieue parisienne, ou peut-être que c’est dans L’Eure je ne sais plus, et un agriculteur, au volant de sa voiture, parle de l’histoire des terrains, des parcelles, de ces milliers d’hectares, du rachat des petits par les plus grands. Avant, dit-il, vingt parcelles se partageaient dix hectares, puis ce fut le contraire, et c’est pire aujourd’hui. Voilà ce n’est pas un parallèle avec le cinéma que l’on peut vraiment faire, mais un parallèle avec la salle de cinéma, avec son devenir. Marrant je parle d’hectares, il y a un truc auquel je repense qui m’a profondément gêné, on emploie autant de chiffres que durant les régionales. Quand je disais que la plupart des intervenants étaient des politiciens. Ils ont cette science infuse qui m’agace profondément, ils n’ont pas cette naïveté, ce cœur qui me permettrait d’être toucher par cette histoire, plutôt cette tragédie d’ailleurs. Mais il faut le voir je pense. Sitôt que l’on accepte la leçon le film est passionnant, et on en ressort enrichi, c’est certain. Ce qu’il s’est trop rarement produit me concernant. Pour finir sur une note positive : je trouve le dernier plan absolument somptueux. C’est comme si je l’avais attendu pendant tout le film. Il m’apparaît comme une conclusion belle et plombante qui, par son silence et son détachement m’a beaucoup touché.

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silencio


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