1.0 Il y a au moins quelque chose qui fonctionne dans ce film ce sont les scènes que se partagent Karin Viard et Fabrice Luchini, deux acteurs que j’adore par ailleurs. Ils sont ici frères et sœurs et ce qui se passe sur le moment dans leur famille (la volonté de leur père d’héberger des sans papiers) va étrangement les rapprocher, alors qu’ils ne se parlaient plus pour ainsi dire depuis dix ans. Mais apparemment sans avoir choisi cela, simplement parce qu’ils ont dorénavant tous deux une vie chacun de leur côté. Ces retrouvailles désorganisées c’est ce que la cinéaste filme le mieux dans son film, peut-être aurait-elle dû ne s’intéresser qu’à cela d’ailleurs. Il y a quand même autre chose que je trouve plutôt intéressant – même si en y réfléchissant très petit bras – c’est le parti pris de ne pas avoir montré ce qu’il se passait réellement dans cet appartement, celui de leur père, qu’ils appellent par le nom de rue entre frangins. Tout marche donc sur un doute, une vérité indicible ou une illusion paranoïaque. Mais voilà, cela va dans le sens du film, dans cette idée dichotomique de répondre à un problème par un autre problème. Les invités de mon père est un film réac gentil, probablement de la pire espèce donc. On fait croire que l’on a des idées de gauche – il faut voir le nombre de fois que les personnages le répètent – pour finalement accoucher sur des valeurs belles et bien à droites. Cette bonne idée de faire un film sur l’immigration pourquoi pas, mais que reste t-il derrière ? Que restera t-il en fin de projection ? Le sentiment que c’est bien d’être gentil c’est vrai, c’est bien de défendre une cause en y mettant les pieds dedans mais malheureusement ça fait exploser une famille. On y parlera de deshéritage. Certains seront anéantis. Puis d’autres n’y verront qu’une solution : tout balancer au service d’immigration. Et qu’y a t-il en échange ? Parce qu’on n’imagine pas que la cinéaste s’arrête là. Et bien elle se dit que montrer des vies qui implosent mais pas forcément en mal ça peut faire passer la pilule. Tatiana sera d’abord une bombe atomique avant de devenir un monstre puis une victime. Tout est prévisible c’est une horreur. A la toute fin, alors que ‘les invités’ auront dû reprendre l’avion, les deux frangins esseulés retrouvent un bulletin de salaire de la petite Solina. De très bonnes notes et des encouragements pour son intégration. Tu te rends compte de ce que l’on a fait, constate Karin Viard en s’adressant à son frère. Oh merde, répond t-il. Puis sa femme à lui, de prendre la feuille et sans la moindre grimace de la foutre dans un sac poubelle. Cette femme, jouée par Benguigui, c’est finalement le vrai visage de cette famille, c’est la seule dont les plaintes et tout le reste fassent vraie. Le reste n’est que mensonge. Comme tout le film. Dans la toute dernière scène du film, Aumont est au bord de la mer, transformé en légume, enfin presque. Une amie pas toute jeune le garde en quelques sortes. Luchini vient lui rendre visite. Son père, allongé sur un transat, a une gaule pas croyable, parce que la vieille femme le nourrit de tisane au gingembre. Rappelons que durant tout le film on se dit qu’il doit bien s’éclater avec Tatiana, du haut de ses 80 printemps. Puis dans sa main il tient une canette. Une canette de Fanta. Le même parfum que celui qu’utilisait Tatiana pour accompagner son champagne. Voilà l’unique trace qu’aura laissée cette jeune femme dans la vie de cette famille : Une bite en l’air et du fanta. Puis une petite phrase pour finir, afin de détendre l’atmosphère. Comme si on en avait vraiment besoin. Les deux hommes regardent alors l’océan et nous tournent le dos. Evident qu’ils tournent le dos aux pays de l’Est. Tout comme la réalisatrice en fin de compte…
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Archives pour 7 juin, 2010
Le temps des grâces – Dominique Marchais – 2010
Publié 7 juin 2010 dans Dominique Marchais 0 CommentairesL’autre vie moderne.
5.5 Alors bien sûr c’est intéressant, instructif et sans doute indispensable mais ce qui ne fonctionne pas ici, à la différence du dernier film superbe de Raymond Depardon, ce sont les témoignages. Ce ne sont pas de simples paysans, de simples agriculteurs à qui l’on demande de s’exprimer mais des politiques avant tout. Je n’ai presque jamais été touché par ce que me disait le film, là où chaque intervenant dans La vie moderne en devenait par de simples mots, parfois même uniquement des regards ou des postures carrément bouleversants. Là j’entends du discours politisé, une séance de cinéma hyper didactique en somme où je me sens agressé, pointé du doigt. Je n’y vois aucune vie. Je ne remets pas en cause la véracité de leurs discours mais nombreux de ces intervenants font toc dans le paysage à mon sens, beaucoup plus à l’aise dans un bureau qu’au volant d’un tracteur. De l’agriculteur et maire de telle ville, on passe à l’agriculteur et écrivain et on revient à un autre maire. Ces gens de me parlent pas car ils ne sont, à mon sens, pas pris sur le fait. Tout m’apparaît comme planifié. De fait, la fausseté de certains m’épuise et lorsque je les retrouve je préfère ne pas les écouter, donc je m’ennuie. Il n’y a qu’avec ces interviewés retraités qu’il se passe vraiment quelque chose à mon humble avis. On est loin de l’envoûtement affectif que produisait La vie moderne. Maintenant est-ce un mal ? L’enjeu est ailleurs, il est autrement. C’est simplement que pour moi c’est du discours. Et le discours pour le discours m’épuise.
Malgré tout le propos est terrassant. Car plus que la mort d’une époque c’est surtout la mort de la vie agricole. C’est l’avènement des compétitions, de l’argent, et donc des disparitions des petits. Mais plus qu’un simple constat nostalgique et dramatique, c’est un soulèvement de questionnements. Pourquoi les sols meurent ? Pourquoi l’agriculteur se doit aujourd’hui d’avoir une double activité pour s’en sortir ? Quels moyens sont à notre disposition pour préserver cette culture vitale ? Comment va t-on tenter de palier à cette rupture ? A ce niveau l’enjeu devient forcément politique. Un moment donné on longe une route (dommage que nous ne soyons que si peu dehors d’ailleurs, il me manquait sans doute aussi cette respiration) de banlieue parisienne, ou peut-être que c’est dans L’Eure je ne sais plus, et un agriculteur, au volant de sa voiture, parle de l’histoire des terrains, des parcelles, de ces milliers d’hectares, du rachat des petits par les plus grands. Avant, dit-il, vingt parcelles se partageaient dix hectares, puis ce fut le contraire, et c’est pire aujourd’hui. Voilà ce n’est pas un parallèle avec le cinéma que l’on peut vraiment faire, mais un parallèle avec la salle de cinéma, avec son devenir. Marrant je parle d’hectares, il y a un truc auquel je repense qui m’a profondément gêné, on emploie autant de chiffres que durant les régionales. Quand je disais que la plupart des intervenants étaient des politiciens. Ils ont cette science infuse qui m’agace profondément, ils n’ont pas cette naïveté, ce cœur qui me permettrait d’être toucher par cette histoire, plutôt cette tragédie d’ailleurs. Mais il faut le voir je pense. Sitôt que l’on accepte la leçon le film est passionnant, et on en ressort enrichi, c’est certain. Ce qu’il s’est trop rarement produit me concernant. Pour finir sur une note positive : je trouve le dernier plan absolument somptueux. C’est comme si je l’avais attendu pendant tout le film. Il m’apparaît comme une conclusion belle et plombante qui, par son silence et son détachement m’a beaucoup touché.