6.4 Pillow talk repose beaucoup sur son duo d’acteurs, Doris Day et Rock Hudson, tous deux épatants. Et pourtant c’est un film tout aussi passionnant scénaristiquement. Postulat de base : Jan Morrow et Brad Allen ne se connaissent que de voix, pour la simple et bonne raison qu’ils partagent la même ligne. L’une est décoratrice d’intérieur et a de nombreux coup de fils quotidiens à passer, l’autre est un dom juan qui écrit des compositions musicales et passe un temps fou au téléphone avec ses proies. En gros ils se détestent. Enfin c’est surtout elle qui le déteste. Et puis un jour Brad découvre que son meilleur ami fait des pieds et des mains pour sortir avec l’autre extrémité de sa ligne (comme il l’appellera un moment donné) qui n’est vraiment pas facile d’accès. Un jour il la voit et tombe sous son charme. Se faisant passer pour un simple touriste texan, Brad va tout donner pour la séduire. Et il réussira. Jusqu’à la tombée des masques… C’est un film incroyablement drôle, j’ai adoré. Il faut voir le nombre de situations fabuleuses dans lesquelles notre couple improbable s’embourbe. Et puis en même temps c’est assez touchant. C’est plein d’instants délicieux. Il y a certains running gags, dont celui avec le gynécologue et son assistante – carrément absurde – qui sont très bien sentis ! Super moment.
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Archives pour juin 2010
Confidences sur l’oreiller (Pillow talk) – Michael Gordon – 1959
Publié 4 juin 2010 dans Michael Gordon 0 CommentairesLa vieille fille.
7.0 Le cinéaste philippin récidive. Après les superbes John John, Serbis et Kinatay où il s’intéressait respectivement à une mère porteuse qui devait se séparer de son fiston âgé de trois ans, au quotidien cru et frénétique d’un cinéma porno et de la famille qui le gère, à un voyage au bout de l’horreur d’un jeune homme fraîchement marié, voilà que Brillante Mendoza nous demande de suivre deux grands-mères en pleine survie, dans un chassé-croisé bouleversant. Une lola est une grand-mère aux Philippines. Ici il y a lola Sepa, qui cherche à offrir de dignes sépultures à son petit-fils tué d’un coup de couteau la veille dans un coin de Manille, tout en réclamant que justice soit faite. Il y a aussi lola Puring – qui apparaîtra à l’écran après un bon quart d’heure – qui n’est autre que la grand-mère du garçon meurtrier, qui va tout tenter d’abord pour le disculper, puis arranger le problème ‘à l’amiable’ avec l’autre famille. Comble de la situation impossible dans laquelle est engluée la ville, et donc le pays, ce sont ces deux vieilles femmes qui semblent combattre les éléments, les distances, les lois et la mort. Dans une première séquence hallucinante, lola Sepa marche contre le vent et la pluie, un parapluie dans une main, le bras de son petit-fils dans l’autre, dans les rues de Manille sans que l’on sache trop pourquoi dans un premier temps. Séquence très longue, qui rappelle beaucoup les premières images de John John, où l’on apprivoise le climat hostile et les rues bruyantes de ces ruelles. Jamais un film n’aura d’entrée été aussi immersif, on n’est pas loin de capter certaines odeurs. Finalement, lola cherche simplement à allumer puis déposer une bougie à l’endroit où son fils est décédé. Même l’allumage de la bougie est une épreuve fatigante, alors on sait que durant tout le film il s’agira d’une épreuve, que l’environnement n’aidera en rien les désirs de nos lola.
Mais la grande force, une fois de plus, du cinéaste est de ne pas expliquer certaines motivations. Ainsi il est tout aussi simple de comprendre les démarches des lola (quoique…) qu’il est difficile, sinon impossible, de comprendre celles de leur entourage. On ne saura jamais ce qui s’est véritablement passé entre leurs deux petits-fils, ce n’est de toute façon pas ce qui nous intéresse. De la même manière on peut percevoir les limites de ce cinéma très empathique, car proche des personnages à l’infini : chez Ken Loach par exemple, où le processus de victimisation est poussé à outrance, ce qui paradoxalement nous éloigne des personnages. Chez Von Trier aussi bien sur. Mais chez Mendoza, que l’on rapprochait plutôt d’un cinéma Dardennien, quoique les motivations concernant ne serait-ce que les éléments soient totalement différentes, il y a autre chose : C’est le fait de suivre les personnages et de casser par moment cette empathie évidente en les montrant effectuant des gestes, des actions qui peuvent les rendre antipathiques. Ainsi l’acharnement de lola Sepa qui voudrait voir mourir sur-le-champ le bourreau de son petit-fils. Ou encore la malice de lola Puring lorsqu’elle vole son client à l’usure (le billet de 50 pesos) où lorsqu’elle tente de manipuler les sentiments de l’autre lola en lui parlant de ses rhumatismes. C’est ce qui rend passionnant ce double voyage qui se chevauche durant deux/trois instants. Car à la fin de ce périple, toutes deux seront à égalité, comme elles l’étaient déjà au début, elles tentent de survivre.
Le film atteint une puissance assez nouvelle dans le cinéma de Mendoza dans trois séquences particulièrement marquantes, pas forcément les plus fortes (au sens émotion brute) mais justement les plus douces, trois séquences suspendues, hyper poétiques. La traversée en barque dans les rues de la ville complètement inondée, avec ce cercueil blanc qui semble lui aussi traverser une épreuve (scène qui m’a fait penser au meilleur moment du Temps des gitans). La scène des poissons, complètement frénétique autant que surréaliste, mais tellement détachée de tout ça qu’elle laisse entrevoir un rayon lumineux, de même que cette autre séquence en dehors de la ville, de chasse aux canards plutôt inattendue. Là où quelque fois Mendoza ne laisse pas son spectateur respirer il faut reconnaître qu’ici il effectue un truc assez nouveau qui promet pourquoi pas un prochain film hors du commun, qui convierait cette ambiance néo-réaliste dans laquelle le cinéaste est définitivement ancré avec des envolées spirituelles, beaucoup plus détachées, que seul un cinéaste actuellement sait gérer : Apichatpong Weerasethakul, le thaïlandais, dernier lauréat à la palme d’or, dont le dernier film était déjà avant son prix celui que je voulais le plus voir de cette sélection. Bref, à suivre cette possible transformation du cinéma de Mendoza…
Il y a par moments quelques partis pris qui empêche le film d’atteindre une certaine perfection : Comme dans ses autres longs métrages des petites choses me gênent : la caméra tremblotante dans Serbis qui rendait le tout étouffant et puis l’endroit clos, alors que Mendoza est un maître dans la foule. Quelques scènes un peu trop démonstratives dans Kinatay, limite insoutenable. Ici c’est l’utilisation musicale (complètement inutile) et quelques plans dont on se serait bien passé. Mais en fin de compte et comme dans les films précédemment cités tout est presque légitime. Serbis est un film qui nous prive du mouvement de la ville à raison. Kinatay montre, logique puisqu’il s’agit d’un film d’horreur. Dans Lola la musique est vraiment de trop. Le climat est déjà très âpre, tendu, tellement fort en émotion qu’il est dommage d’avoir appuyer cela. Mais ça n’arrive que deux fois, et très brièvement durant le film, comment lui en vouloir ? Car à côté de ça je trouve John John absolument irréprochable, sauf que c’est sans doute celui des quatre qui me touche le moins, sauf durant les dernières minutes. En définitive soit je ne sais pas ce que je cherche, soit je place la barre trop haute. Il y a de fortes chances que ce soit au niveau de l’attente que ça se joue et au niveau de l’immersion, tant je vie chacun de ses films. Forcément, à y entrer corps et âmes à chaque fois, il peut y avoir quelques instants en dessous. Quoi qu’il en soit, c’est un très beau film.
Chivers.
8.0 C’est quand même dingue (et plaisant) que ce genre de films puisse sortir en France aujourd’hui. Steak est avant tout un produit électrisant, de part sa musique d’abord. De toute façon il baigne dans l’électro tarabiscotée actuelle : Mr Oizo, alias Quentin Dupieux, connu pour son Flat Beat, moins pour d’autres trucs absolument fantastiques, difficiles ou non à l’oreille. Mais aussi Sébastien Tellier, qui participe à la BO et joue un petit rôle clé dans le film. Steak c’est donc une rencontre entre un fabuleux compositeur de musique électronique indépendant et deux gros poids lourds de l’humour new age, découvert avec La tour Montparnasse infernale et la série H. On pouvait craindre que ce mélange soit indigeste, il est tout le contraire. Dupieux a su filmer, et il est le seul à ce jour, le duo de l’humour lourd/gamin/gogol/in trip Eric et Ramzy. Ils sont dans leur délire mais le cinéaste construit un truc génial autour de ce délire. Il n’y en a pas que pour Eric et Ramzy, il y a avant tout le monde Steak qui est crée. Sorte de vision futuriste où la mode Chivers aurait envahi les lycées, mode complètement loufoque où l’on est pas In si l’on ne boit pas de lait, si l’on ne s’est pas fait refaire le visage, si l’on ne roule pas en Hummer, si l’on ne participe pas à un jeu étrange où il faut se frapper à coup de batte de cricket et être bon en mathématiques, si l’on fume des cigarettes, si l’on ne fait pas comme il faut un check chivers. Un truc de dingue ! Le film regorge d’inventivité dans chaque plan, à chaque seconde. Steak est un film sur l’effet de groupe. Avant tout Georges est un rejeté. Un jour il trouve une arme et tue ceux qui l’emmerdaient. Par hasard c’est Blaise, son ami, qui va se faire arrêter à sa place. Sept ans plus tard, Blaise sort de prison et Georges tente de faire partie d’un groupe, le plus ‘tendance’ du moment. Blaise désormais rejeté par son ami, se voit contraint de devenir lui aussi un chivers. Lorsque l’un s’est fait opérer du visage et porte un bandage sur toute la tête, l’autre l’imite en se mettant des agrafes sur les tempes pour que ça lui tire les traits. C’est un film aussi drôle que barré. Mais surtout c’est très bien réalisé, la caméra est posée, la musique est judicieusement choisie, et c’est un film qui ne prend pas les gens pour des cons. Steak c’est un nouveau langage. A l’image de cette phrase qui revient fréquemment : « Mais ça se dit plus ça ! ». Il faut tout réapprendre. Les personnages doivent tout réapprendre, il s redeviennent enfant, et c’est là que ce duo est une idée incroyable, quoi de plus judicieux que d’avoir pris ces deux gosses. Et de la même manière le spectateur doit lui aussi tout réapprendre, car il n’a jamais vu un ovni pareil. A sa sortie le film a fait un flop. Normal, les gens y allaient en pensant voir une merde avec Eric et Ramzy, ils ne s’attendaient pas à voir du cinéma.