10.0 C’est bien simple, je considère ce film comme absolument parfait. Il y a une telle gravité dans cette errance, ce mensonge sans fin, et beaucoup d’empathie pour le personnage. A l’image de son premier plan, L’emploi du temps est un film en voiture. Pas un road-movie classique avec point A et point B mais un long chemin circulaire qui n’appelle que cassure. C’est sans issue. Cette sensation parcourait déjà Ressources humaines, son précédent long-métrage, mais il y avait un espoir, bien cadenassé, qu’il fallait se donner la peine d’aller chercher, mais il existait bel et bien.
Toutes les portes sont bouclées dans L’emploi du temps. Pourtant l’on respire, même davantage que dans ses autres films. Le cadre permet cette respiration. Pas de société vue de l’intérieur, ni de salle de classe quotidienne, ici on est dehors, on voyage, on gesticule géographiquement, on trace des lignes et des cercles, on y voit la neige. Cantet filme la solitude. Les dérives de la société de compétition sur les familles. Le mensonge comme unique possibilité de survie provisoire. L’engagement illégal illusoire puis réel comme unique porte de sortie.
Un père de famille, cadre dans une entreprise dans laquelle il travaille depuis onze ans, se retrouve du jour au lendemain sans travail. Refusant d’accepter cette situation et la confrontation avec sa famille, il s’invente un nouveau boulot complètement fictif en Suisse. D’allers-retours en allers-retours il se rend vite compte qu’il va avoir besoin d’argent. Il s’invente alors un marché boursier dans un pays de l’Est et trouve une clientèle qui balance leurs chèques. Cet homme s’enferme progressivement dans une spirale qu’il ne contrôlera bientôt plus du tout. C’est la seconde fois que Cantet filme le bouleversement intime, familial de cette manière là. Tendu comme un polar. J’en suis ressorti complètement anéanti. Le dernier plan est l’un des trucs les plus violents – alors qu’il ne s’y passe que dialogue – qu’il m’ait été donné de voir.