Les sanguinaires – Laurent Cantet – 1997

les-sanguinaires_cantetles-sanguinaires02-900x505La routine pour un millénaire.   

   7.5   Une bande d’amis choisit de passer l’an 2000 sur une île de la Corse, au large d’Ajaccio, dans le but de s’éloigner de la foule, et plus généralement des conventions en tout genre propre aux festivités de la nouvelle année. Puis ce qui devait être un séjour tranquille glisse peu à peu vers un quotidien de contraintes qui ramènent chacun à sa véritable personnalité. Comme si cet endroit, cette petite maison habitée l’année par le gardien du phare nommé comme le titre du film, allait faire tomber des masques plutôt mal enfilés. Car on ne croit pas une seule seconde en la réussite de cette démarche marginale, faussement rebelle.

     Ce sont avant tout des plaintes successives : le retard du gardien pour leur ouvrir leur dortoir ou encore le fait qu’il n’y ait pas de chauffage. Viendront ensuite des discordances dans le groupe et des contradictions en tout genre. Puis surtout l’arrivée des exceptions. Il y a seulement un homme qui ne voudrait faire aucune entorse à son règlement. Pas de portable, pas de radio, pas de télé, en gros pas de lien avec l’extérieur. Coupés du monde. Ça marche deux jours puis certains voudront rejoindre la ville, ou simplement connaître la date. C’est une petite communauté qui semble parfaitement se connaître et se comprendre, mais qui perd cette compréhension dans un contexte moins civilisé. Il y a cette idée de fuite, comme c’est le cas plus tard dans L’emploi du temps, et ce retour à une réalité, ce refus du bouleversement, la peur du changement. L’emploi du temps c’est à l’échelle d’une vie. Les sanguinaires c’est à l’échelle d’une semaine, une malheureuse semaine.

    Et les conventions refont surface malgré elles, sans que personne ne les voient véritablement venir. Lorsque l’on décide de tout de même faire un bon repas pour la saint Sylvestre, il est tout de suite question de manger du foie gras. Lorsque le moment tant attendu se pointe, le regard figé sur les feux d’artifice de l’autre côté de la méditerranée, que vient-il à l’esprit ? S’embrasser. C’est la seule chose qu’ils connaissent. Dans le même temps, un garçon s’endormira sur les rochers, une femme chutera sévèrement pendant que son homme disparaîtra. Le lendemain, à l’aube, lorsque chacun s’affaire à chercher leurs amis, que les hélicos tourneront à leur recherche autour de l’île, dans une séquence qui rappelle un peu L’avventura, on pourra se dire qu’ils auront eu le droit à leur nouvel an pas comme tout le monde. Et l’on se demandera si cet homme, qui croyait tant en la réussite de son projet en tyrannisant ainsi ses amis, avait besoin d’un réveillon loin des civilisations, ou si en bon citoyen parano qu’il est, pouvait-il simplement craindre le changement de millénaire.

     La mise en scène de Laurent Cantet est probablement moins inspiré que dans ses longs métrages, moins subtile, mais ne perd pas son caractère d’envoûtement. Moyen métrage d’une heure crée pour la télévision (L’an 2000 vu par…) Les sanguinaires reste un film incroyablement passionnant, loin des écueils habituels de téléfilms. Un film qui quelque part rappelle un peu Les naufragés de l’île de la tortue, de Jacques Rozier, dans cette volonté d’évasion qui se casse peu à peu la gueule. En beaucoup plus sombre en revanche, car le clair de lune ici est beaucoup plus menaçant qu’ailleurs.

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