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Archives pour 17 juillet, 2010

Policier, adjectif. (Politist, adjectiv.) – Corneliu Porumboiu – 2010

Policier, adjectif. (Politist, adjectiv.) - Corneliu Porumboiu - 2010 dans * 2010 : Top 10 489250_sans-titre

Une journée à Bucarest.     

   9.0   Ce qui me plait avant tout ici c’est le côté film de genre maquillé, une enquête policière en filature d’apparence anodine, non plus filmé en rebondissements par paliers mais temps réel sans avancées évidentes.

     Cristi (je n’aime pas trop le choix du prénom, mais peu importe) est chargé par son supérieur de filer un lycéen consommateur d’herbe, de noter tous ses faits et gestes, les déplacements, de tout écrire dans un compte rendu journalier. On va très vite comprendre où le cinéaste veut en venir avec tout ça : la dichotomie récurrente écrit/oral et le principe même de loi. Cristi passe son temps à filer les autres, donc à les regarder, à regarder, à voir. Ce ne sont pas les écrits qui le guident, ce sont ses yeux, c’est la valeur la plus cartésienne, logique ou pragmatique selon lui. Avant qu’il y est cette fameuse séquence quasi-finale – qui restera comme un instant de cinéma absolument incroyable à mes yeux, de tension et d’étouffement – de dialogue entre un flic et son supérieur, il y aura d’autres signaux évidents mais plus discrets comme l’entrevue avec le collègue, et la discussion autour de la partie de football (Y a-t-il une loi disant qu’un joueur mauvais au foot l’est tout autant au tennis ballon ?) ou comme le dialogue avec sa femme, lorsqu’elle lui apprend un changement d’orthographe (Comment se fait-il qu’une loi se penche sur des changements de langue aussi anodins, pense Cristi, alors qu’elle ne s’intéresse pas à plus important ?) qui permettent de saisir la personnalité du policier. Cette faculté qu’il a de trancher, de se fabriquer un avis, en somme de devancer un peu tout le monde.

     Porumboiu parle de politique bien entendu, celle de son pays, la Roumanie, fraîchement entrée dans l’union européenne. Dans le film cette union est évoquée à plusieurs reprises, dans un premier temps de manière insolite autant que superficielle dans le rapport entre Bucarest et deux autres capitales européennes que sont Paris et Prague. Nouvelle loi devant laquelle le jeune policier semble avoir un souci : son collègue lui avouant qu’il aimerait que Bucarest soit surnommé elle aussi le Petit Paris, à l’instar de Prague. Et le policier de lui répondre que ceci est impossible car le Petit Paris restera Prague et ne sera jamais Bucarest. On en revient à la partie de football. Et dans un deuxième temps, de façon plus marquée, par rapport à la loi sur le haschich, laquelle est beaucoup plus laxiste dans les autres pays de l’union, pendant qu’en Roumanie un simple fumeur peut écoper d’une lourde peine de prison. Cristi devrait légalement faire un flagrant délit, le garçon est arrêté et on n’en parle plus. Mais il préfère remonter aux origines de la présence de la drogue, ne pas balancer un simple consommateur en taule. Qui dit jouer sur la loi, sur sa valeur, dit jouer sur les mots, sur la signification de ces mots. La scène à la fin du film avec le supérieur est à ce titre sans équivalent.  

     Pourtant, ce n’est pas vraiment pour tout ça que j’aime – voire que j’en suis venu à littéralement adorer – ce film mais pour ses partis pris formels avec lesquels il appréhende tout cela. Porumboiu choisit le temps réel. Un temps réel que l’on ne connaissait pas encore dans ce type de film. Nous sommes dans une filature durant les trois quarts du film et il ne s’y passe absolument rien, en tout cas rien de concret, c’est en filmant un quotidien des plus ennuyants que Policier, adjectif devient une œuvre carrément fascinante. Les scènes d’intérieurs, donc toutes celles hors filature, sont des plans fixes Akermanien, pour la plupart, de personnages assis à des tables, effectuant leurs tâches (manger, parler, travailler) en temps réel. Et en extérieur nous resterons dans ce type de plans, quasi tous fixes, au mieux panoramiques, avec des personnages entrants et sortants du champ. Porumboiu a opté pour un choix esthétique plutôt intéressant au passage, qui m’a rappelé celui utilisé par Lumet pour 12 angry men : le découpage en trois cycles.

     Le personnage entre avant tout dans le plan, avant de déjà faire parti du plan, pour totalement devenir hors champs dans le tout dernier plan. Comme s’il était un simple témoin du temps, qu’il apparaissait lui aussi puis qu’il disparaissait, pour laisser sa place. De toute façon Policier, adjectif parle aussi du temps. Celui imposé par la mise en scène : il suffit de voir le nombre de scènes d’attente que le cinéaste nous offre (rarement vu autant d’intensité dans l’attente depuis le Uzak de Ceylan) où le policier est simplement dans l’observation ou bien la marche pour suivre ; ou carrément se reporter vers la fin du film où Cristi attend d’être reçu par le commissaire dans son bureau, et qu’il patiente dans celui de la secrétaire, tout cela en temps réel, simplement en se tournant les pouces. Il y a comme cela un respect du temps qui me passionne, et une tension qui naît de cette attente, la même qui doit saisir le personnage à cet instant. C’est comme Chez Béla Tarr, le temps n’est plus guidé par la durée dans une simple unité de temps universel, mais par le plan. 

     Policier, adjectif m’a pris à la gorge comme très peu de films savent le faire. Et puis sans artifices. Que ce soit au niveau des rebondissements de l’intrigue qu’au niveau technique. Porumboiu se la joue Bressonien, il n’y a que chez le cinéaste français que l’on perçoit autant cette pureté, cette pudeur à travers le plan, ou à travers les visages des acteurs jamais dans l’emphase, où à travers le simple fait de montrer un compte rendu à l’écran, et non de le faire lire, de le dicter ou autre. 

     Il y a quelque chose de très fort qui se passe durant cette ultime séquence hors champ. Nous ne sommes pas vraiment dans la résignation, ce n’est pas ce qui transparaît de cette scène à mon avis. C’est la conséquence d’un simple combat de conscience. Le commissaire exécrable n’a pas gagné, c’est juste que Cristi s’est retrouvé face à un double question : Etait-il capable d’assumer son refus d’appliquer la loi, ne regretterait t-il pas d’obéir aux ordres ? Devait-il préserver son identité ou être en phase avec sa conscience ?

Puzzle (Rompecabezas) – Natalia Smirnoff – 2010

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Pièces par pièces.     

   4.5   C’est l’histoire d’une femme au foyer coincée entre un mari débordé professionnellement et des enfants assistés, produits de la société machiste (symbole lourdingue du club de football River Plate employé à plusieurs reprises), qui est sur le point de donner un autre sens à sa vie en se découvrant une passion pour la construction de puzzle. Plus qu’un film sur ces petites pièces que l’on assemble entre elles, Puzzle parle d’émancipation de la mère, au moins par le plaisir instantané que cela lui procure.

     Autant certains instants dans le film sont très beaux, très sobrement amenés (je pense à la nouvelle relation entre cette femme et cet homme, qui n’est autre que son partenaire de table, relation ambiguë, inavouable qui cache sans doute davantage, toute en admiration réciproque avant de devenir plus intime) et d’autres sont plus grossiers, moins subtiles (Comme cette première séquence d’anniversaire, où l’on voit la jeune femme s’affairer aux préparatifs culinaires pendant que ses convives ne bougent pas d’un pouce et son mari qui n’hésite pas à lui envoyer quelques piques désagréables, on apprend ensuite qu’il s’agit du sien d’anniversaire, puis lorsque dans un mouvement brusque elle renversera une assiette dont elle rassemblera bientôt les morceaux évitant à ses invités de se blesser, on se dit que le choix métaphorique aurait sans doute dû être plus travaillé) ce qui confère à ce film argentin un cachet de petit film maladroit autant qu’attachant, déployant ce besoin nouveau à travers la passion de manière assez nuancée sans trop de complaisance inopinée.

      C’est donc un film mignon, mais relativement anecdotique, qui dit très peu de choses dans la mesure où il se place systématiquement à hauteur de cette maman dont la vie se résumait jusqu’ici à faire les courses, la cuisine et le ménage, et à donner beaucoup d’amour à son foyer, mais qui évoque ce bien peu comme quelque chose d’universel. Le choix du puzzle est intéressant dans la mesure où il offre un don à cette femme, qui se découvre en osmose avec ces petites pièces, qu’elle assemble tranquillement de façon peu commune sans avoir au préalable assembler les bords. Comme si c’était déjà fait, dans sa vie, où elle n’est jamais vraiment entrer au cœur des choses ne faisant que les contourner.

     Malheureusement, le film n’en dit pas plus, n’en montre pas plus, les puzzles ne sont pas suffisamment filmés, ou alors quand ils le sont c’est beaucoup trop bref, et ce don n’est pas clairement montré, alors que nombreux de ces instants auraient dus/pus être plus lumineux, plus harmonieux. Même l’aspect routinier, cadenassé, de sa vie avant cette découverte n’est pas montré non plus, les enjeux de ce dérèglement souvent soigneusement évités. 

Les mains en l’air – Romain Goupil – 2010

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« Nous sommes tous des Milana »     

     5.0   Quel dommage d’avoir opté pour la mauvaise idée mode Téléfilm France 3 du lundi soir et ce semblant de cinéma offensif qui ne dépasse pourtant jamais les limites du balisage. A commencer par le choix de situer le film comme le souvenir d’une vieille femme en 2067, mon dieu quelle horreur. Faut pas faire ce genre de chose, c’est impardonnable quoi. Bref dès que l’on s’affranchit des règles du travail de mémoire (lorsque la voix off disparaît) le film devient déjà plus intéressant. Goupil choisit alors de filmer des enfants, d’abord dans leurs quatre cents coups quotidiens mêlant son enfance à lui – à nous – (Cabane loin des parents, triche en tout genre, maison de campagne pour les vacances) et celle du XXIe siècle (technologie à la pointe, melting-pot social, peur de la police) puis dans un contexte beaucoup plus politique avec la question des sans-papiers. Milana est une jeune tchétchène non-régularisée et pour éviter son exclusion une mère de famille (la mère d’un de ses copains) l’accueille provisoirement dans son foyer. Goupil filme donc ce conte dramatique à hauteur d’enfants, à tel point qu’il coupe à de nombreuses reprises les bustes des parents, bien trop grands. C’est dans l’avachissement de ceux-ci – alors qu’ils occupent donc tout le plan – souvent cueillis dans la résignation, que l’on voit la principale qualité du film. Il n’y a que les enfants qui en ont vraiment ici. Tedeschi et Girardot ont beau cabotiner, ils n’y feront rien, ce sont des parents, au mieux ils sont montrés comme résignés, au pire ils ne comprennent rien. A l’image de cette scène où la jeune Milana n’ose pas se changer parce que la porte ne ferme pas, même ça il faut l’expliquer aux parents, pas étonnants qu’ils s’unissent cavaliers seuls par la suite, sans prévenir personne. De toute façon, ce sont bien les enfants que l’on cherche. Je les ai presque tous trouvés très bons. J’ai beaucoup pensé à Pascal Thomas et à Mercredi folle journée, je trouve les visages d’enfants aussi radieux, aussi vrais dans leurs textes, aussi lourds de pensées gardées très bien montrés dans ces deux films. Ils vont aussi faire leur résistance, dans le domaine du possible bien entendu. Et comme les adultes ils devront eux aussi, un instant ou un autre, rendre les armes. Une fois de plus, dommage qu’en terme d’écriture et de mise en scène ce soit si moyen, car c’est assez touchant. 


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