9.0 C’est en cinéaste peintre qu’Aleksandr Sokurov a crée ce chef d’œuvre qu’est Mère et fils, Mat’i syn dans sa langue originale. L’un des plus grands esthètes de notre temps, qui est aussi un cinéaste qui aime transcender le cadre, les conventions du cinéma réalise ici, et à l’instar de L’arche russe – un plan séquence unique d’une heure et demi – quelques années plus tard, un film sans équivalent. Mère et fils puise ses références du côté des grands peintres impressionnistes tout en se situant parfois proche de cinéastes majeurs comme Tarkovski, peut-être même Bergman.
C’est la matière même de l’image que l’on travaille ici, ce qui rend chaque plan très pictural, avec ses nombreuses lignes de fuite, son incurvation. Sokurov travaille l’image mais aussi le mouvement et le son. Une locomotive qui traversera l’écran laissant dégager ses volutes de fumée. Elle est bruyante. Et elle disparaît derrière la colline. La fumée s’évapore. Le bruit continue seul. Il y a comme ça un respect des choses et du temps que l’on voit trop rarement. C’est comme une peinture en mouvement. On apprivoise tout ce qui nous est proposé. La présence du tonnerre aussi comme une menace permanente. Ces chemins à n’en plus finir tout droit sorti d’Offret. Un moment donné l’on voit un champ de blé que le vent secoue violemment. Le plan dure un temps. Le bruit couvre tout. On a l’impression de voir un océan de blé. C’est magnifique.
Epure narrative magnifique puisqu’il s’agit de montrer les dernières heures de la vie d’une femme, gravement malade, accompagnée de son fils, qui veille à son chevet. Elle a le choix de dormir mais elle préfère sortir. Longue balade dans une campagne isolée, où une mère dans les bras de son fils ne font plus qu’un avec la nature. C’est un film d’une force incroyable, quasiment en temps réel, probablement l’un des films les plus purs qui m’ait été donné de voir. L’amour qui traverse la nature en attendant la mort. C’est beau, limpide et cruel. Et c’est très étrange cette impression d’avoir visionné un film à part, incroyablement moderne, qui tendrait vers le cinéma que j’admire exactement, tout en redistribuant en plus de nouvelles cartes pour le cinéma à venir. Mère et fils serait pour moi une forme d’absolu cinématographique.
très bel article sur un fort beau film
Merci beaucoup!