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Archives pour 3 septembre, 2010

L’Atalante – Jean Vigo – 1934

87L’amour fou.     

   6.5   Comme bon nombre de films estampillés chef d’œuvre ultime (là j’ai en tête Citizen Kane de Welles ou Métropolis de Lang) L’atalante restera comme une petite déception me concernant, probablement d’une part car j’en attendais énormément, plus que n’importe quel film d’ailleurs, mais aussi car je le pense vraiment, tout n’est pas réussi dans ce film. J’ai un problème avec le personnage qu’interprète Michel Simon. Ce n’est pas tant qu’il prenne une place importante, ou que l’on ne comprenne pas la moitié des mots qui sortent de sa bouche mais surtout qu’il joue, que c’est le seul qui me paraît vraiment jouer, et protéger son jeu dans ce film. Je ne crois donc à rien s’il est à l’écran. Malheureusement il y a toute une partie du film où il devient presque personnage central. Heureusement L’Atalante devient film fabuleux dès l’instant où le couple se délite et que la femme fait une fugue. Il y a un cadrage incroyable déjà quand les personnages se tiennent sur le haut de la péniche. Je reconnais les lieux, l’Oise, les écluses. Et lorsque ce couple est séparé, que l’un déprime sur son bateau en espérant qu’elle reviendra, ne se pardonnant probablement pas sa dureté envers elle, que l’une rêve de son homme qu’elle a quitté sur un coup de folie car elle ressentait un besoin de ville, Vigo opte pour quelque chose d’insensé : Il les fait se coucher dans un lit séparément (en montage alterné) et se toucher mutuellement, comme si de nouveau ils se retrouvaient, ils couchaient ensemble à distance. Je repense encore à cette frénésie amoureuse qui naît essentiellement dans une séquence où un seau d’eau est rempli et que l’homme doit y voir sa bien-aimée à l’intérieur en y ouvrant grands les yeux. Et qu’il répète cela à la fin du film, se jetant de L’Atalante dans l’Oise espérant croiser le regard de sa belle, qui apparaîtra oniriquement en robe de mariée (rappelons qu’il s’agit de leur voyage de noces). Il y a des instants lumineux, incroyables, sortis de nulle part. Si l’Atalante n’est pas la claque que j’imaginais (il n’est rien face à l’Aurore de Murnau à mon sens) il m’en restera des images tout de même, et de grandes images, ce qui n’est déjà pas si mal.

Zéro de conduite – Jean Vigo – 1933

25Les toits dont les rêves sont faits.     

   8.0   Je me suis toujours demandé ce que Truffaut et Rozier avaient en commun. C’est Jean Vigo. Zéro de conduite pourrait à la fois être une matrice de Rentrée des classes et de Les quatre cents coups. La fuite ne se fera pas vers l’extérieur comme René dans une rivière ou Doinel vers l’océan  mais sur les toits de l’école. Zéro de conduite c’est le récit d’un quotidien scolaire, de la rentrée (l’arrivée par le train) jusqu’aux fêtes de l’école. On y verra les classes et les dortoirs, le réfectoire et la cours de récré. A aucun moment Vigo ne cherche de sérieux chez ses personnages, c’est leur amusement, leur besoin de transcender le quotidien, de transgresser les règles sur lesquels il préfère se pencher. A la fin du film, les modèles dansants d’A propos de Nice sont devenus ici des pantins masqués, et la dimension festive prend une autre tournure lorsque les enfants décident d’y insuffler leur rythme. Les ralentis sur lesquels s’appuyait Vigo dans sa commande pour la natation sont réemployer de façon magnifique, où l’on découvre les enfants dans une marche en avant, marche révolutionnaire avec pluies de plumes de toute part après une énorme bataille de polochons, les discernant difficilement derrière tout ce chambardement, ces confettis et ce mouvement permanent. Ça c’est pour la dimension de liesse, ce climat qui rappelle des souvenirs, de joie ultime que l’on a ressentie dans notre enfance, aussi minces soient-ils. Ce sont ces moments là que l’on se souvient le plus. Comme des batailles de nourriture à la cantine, l’élaboration de divers plans dans la récré, une bonne entente avec un surveillant mais pas les autres, la cigarette dans un coin de la cours. Mais ce sont aussi des scènes de classes qui marquent, comme ce garçon interrogé par son professeur lui répondant un ‘Je vous dis merde’ sec et désintéressé. Ou bien cette main moite du professeur sur celle de l’élève, lui inspirant probablement un profond dégoût. La chair comme dans A propos de Nice semble être un élément important chez Vigo. Zéro de conduite doit être son film le plus autobiographique, c’est aussi le plus beau, le plus fort de ses films, il contient tellement du cinéma d’après.

La natation par Jean Taris – Jean Vigo – 1931

40L’homme-dauphin.   

   6.0   Film de commande pour la série Journal Vivant, La natation par Jean Taris est un documentaire sportif de neuf minutes. Pas le plus fou des films de Vigo il y a néanmoins une manière singulière de s’y prendre. Un homme parle en off, expliquant ses mouvements, faisant un cours de natation rapide. On le verra presque uniquement dans l’eau, souvent par l’intermédiaire d’images ralenties de façon à saisir les moindres gestes, la moindre respiration. C’est drôle d’avoir comme sujet la natation au cinéma : il semble y avoir quelque chose qui les relie, dans l’instant, la synchronisation, de la respiration et du corps pour l’un, de l’image et du son pour l’autre. Le film pourrait être anecdotique alors qu’il appelle la suite : il n’y a qu’à voir l’image lorsque le corps la quitte, les gouttes d’eau qui envahissent l’écran. Vigo a joué sur les contrastes et c’est beau, presque fascinant.

A propos de Nice – Jean Vigo – 1930

70La chair et la mort.     

   7.0   C’est un vrai/faux docu sur Nice, où l’on découvre son apparence et son envers, sa liberté de s’auto détruire. Nice apparaît ville de plaisir, ville à plaisirs, enchantement permanent au premier abord et par un montage savant devient moins beau, il semble y flotter une odeur de mort dans ce dédale coloré, éblouissant, trop sans doute. Un homme installé au soleil sur une chaise longue devient noir brûlé dans le plan suivant. Des enfants qui jouent sur un trottoir que l’on découvre peu après rempli de déchets. Même sans être trop démonstratif Vigo tire de Nice quelque chose de désolant. Il suffit de voir ce monde s’empiler, s’adonner à des réjouissances égoïstes, car il n’y a pas vraiment de vie dans cet afflux humain, que l’on soit sur la plage ou sur la promenade des anglais. L’exhibition, la déformation du paysage, l’accoutumance au crade pour finir sur une danse clairement macabre. Vigo disait à propos de son film : « (…) sitôt indiqués l’atmosphère de Nice et l’esprit de la vie que l’on mène là-bas – et ailleurs, hélas ! – le film tend à la généralisation de grossières réjouissances placées sous le signe du grotesque, de la chair et de la mort, et qui sont les derniers soubresauts d’une société qui s’oublie jusqu’à vous donner la nausée et vous faire le complice d’une solution révolutionnaire ». A propos de Nice c’est cela. C’est une vision des plus inquiétantes qu’en a Vigo, et elle date de 1930.


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