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Archives pour 7 septembre, 2010

Fair play – Lionel Bailliu – 2006

Fair play - Lionel Bailliu - 2006 dans Lionel Bailliu photo-fair-play-2005-10-300x198 Les salauds.

   7.0   Ce pourrait être le film le plus détestable du monde, avec ses appuis métaphoriques permanents, c’est au contraire un film passionnant, non exempt de défauts mais qui véhicule une telle énergie (cynique) qu’il en devient une excellente comédie d’entreprise, une sorte de The Office avec beaucoup plus de coup-bas, de méchanceté, de trahison et surtout un décor pour le moins singulier, puisque à aucun moment nous ne mettrons les pieds dans la société.

     En fait, le cinéaste dont c’est le premier long-métrage – il avait réalisé un court-métrage de 20 minutes appelé ‘Squash’ qu’il a finalement incorporé dans son film, avec un autre acteur, et en retravaillant de légères répliques et quelques plans – propose avec Fair Play un exercice très théorique (on verra que ça ne fonctionne pas à tous les coups) selon lequel toutes les situations sportives deviennent des situations types de bureau, où les réactions de chacun correspondent en partie à sa réaction au travail. Concept aberrant présenté ainsi, c’est en fait très drôle. Prenons pour exemple cette partie de squash, puisque c’est à partir d’elle que le long-métrage Fair Play a vu le jour. Un patron a proposé à l’un de ses collaborateurs de faire une partie pour se libérer la tête, pour se détendre. C’est le point de départ mais c’est ce que l’on ne voit pas. Ce que l’on voit c’est une salle de squash, un homme s’y entraîne, un autre le rejoint plus tard. En réalité cette partie devient peu à peu un règlement de compte, ayant pour cause le capotage d’un dossier important. Très vite ce patron effectue un comparatif entre le comportement de son invité en entreprise et celui qu’il a sur le terrain. Très vite il l’obligera à se donner à fond sur chaque point, prétextant que s’il perd le match il sera par la même occasion viré. Tous les coups sont alors permis, d’une balle de squash dans le cul ou dans la gueule, a quelque chose de beaucoup plus violent concernant une possible adultère. Cette séquence se déroulant intégralement sur un terrain de squash est hyper marquante, car tout aussi étouffante pour nous que pour le pauvre employé aussi dépassé qu’anéanti. Et ça dure dix-huit minutes. Jérémie Rénier est magnifique de candeur et de témérité enfouie. En face, Eric Savin est carrément monstrueux. Cette séquence est à l’image du film : magnifiquement écrit mais difficile à mettre en scène. Cependant elle fonctionne très bien, le cinéaste a su y mettre le panache qu’il fallait, qu’il ne retrouvera pas aussi intensément dans les autres séquences, au minimum un peu en dessous.

     Le film est donc composé de séquences : 6 exactement. Et chaque fois il est question de supériorité de l’un sur l’autre, soit en se basant sur des faits ou des mensonges, en mettant en avant une réussite ou une faiblesse. Ce sont deux collègues en pleine discussion dans une barque d’aviron ; Un patron et son employé lors d’une humiliante partie de squash ; Un commercial et sa collaboratrice pendant un parcours sportif en forêt quelque peu mouvementé ; Le patron et le grand patron lors d’une partie de golf bon enfant qui tourne à l’humiliation; Presque toute l’entreprise durant une descente en canyonning sans issue ; Pour finir sur une entrevue entre l’unique survivant et l’employé absent ayant pris les rênes de la société, dans une salle de sport. Il sera toujours question d’humiliation, et parfois de retournement de situation (le squash ou le canyonning, les deux plus longues séquences durant à elles seules une bonne heure). Ce qui me plait aussi ici c’est le rôle que chacun doit jouer, ou déjouer. On a affaire à une bande de stars (Rénier, Cotillard, Doutey, Magimel…) qui s’en sortent extrêmement bien, suivant ce qu’ils doivent interpréter. C’est la clé de la réussite à mon sens car d’un sujet ultra casse-gueule, avec qui plus est des stars dans tous les sens, il y avait peu de chance qu’on y croit ne serait-ce qu’un minimum. En fin de compte on est obligé d’y croire, tout fonctionne sur le principe de l’offensive/défensive et on apprend à connaître une belle bande de salauds, que l’on a rendu salauds, que la société de compétition a rendu salauds. Je ne dis pas que le film fait tel ou tel accompagnement de morale, car c’est avant tout une comédie, c’est avant tout super drôle. C’est un peu ce qui le différencie d’un film comme Le Couperet par exemple, qui lui est plus encré dans un réalisme esthétique et un côté improbable, irrationnel. Fair play mise beaucoup plus sur le jeu d’acteur, mais il n’est pas film théâtral justement parce qu’il est sans cesse en mouvement (énergique ou géographique), la caméra ne se pose pas un seul instant. La séquence dans les bois est un peu limitée à mon sens, éclipsée d’autant qu’elle arrive après le squash. La première scène du film est aussi très moyenne. Mais le reste tient le coup.

     En terme d’écriture je trouve ça fabuleux, c’est d’ailleurs à ce niveau là que je ne vois aucune limite, que je n’ai aucune réserve, à la différence de la mise en scène pas toujours très heureuse ni juste. Qu’est-ce que ce film est bien écrit ! Je parle des dialogues principalement. J’ai pensé à Smoking/No smoking de Resnais, avec ces séquences qui se répondent les unes aux autres, par des détails, des subtilités ou carrément des gros clichés. Comme chez Resnais, ça ne cesse de bondir, de rebondir, jusque dans chaque grimace, froncement de sourcil, larmes. Chaque mot (pour peu que ce soit le patron, donc Eric Savin qui parle) est un plaisir à entendre. Il n’y a que musicalement que le film pêche un peu, je ne vois pas trop l’intérêt de choisir un orchestre. La scène finale aurait été beaucoup plus intense sans présence musicale. Durant la scène de squash il y a par moment une ambiance sonore mais c’est plus discret, et donc ça fonctionne bien mieux. Bref, en définitive, je me suis beaucoup amusé.

Un condamné à mort s’est échappé – Robert Bresson – 1956

Un_condamne_a_mort_s_est_echappeLe vent souffle où il veut.   

   10.0   C’est le récit d’une évasion. Une évasion qui fonctionne. Dans le premier plan du film, trois lignes sont écrites à la main avec comme fond les murs d’une prison : « Cette histoire est véritable, je la donne comme elle est, sans ornements » Les mots du cinéaste sont limpides, ce n’est pas lui qui fera le spectacle, mais il ne se contentera pas seulement de rapporter les faits, il les fera vivre à l’écran, travaillera les moindres gestes à défaut de vraiment travailler l’espace. Projeter l’attente de façon juste, en fractionnant l’espace (les plans les plus récurrents dans la première partie du film sont des barreaux de cellule, une porte, des lettres sur un mur) et en travaillant avec toutes les sonorités possibles. Le son prend donc une place primordiale puisque c’est lui qui guide l’inquiétude, c’est lui qui accroît le temps d’attente. 

     Fontaine est un membre de la résistance, sous l’occupation. C’est par l’arrestation du jeune homme que le film commence. On sera ensuite à ses côtés durant tout le film. Fontaine a toujours eu comme dessein de s’évader, c’est presque en lui, c’est ce qui lui reste de sentiment de liberté, entre les quatre murs de sa cellule. C’est la libération qu’il recherche, pour la résistance, pour son corps, pour son esprit. Tout le film devient alors une expérience fascinante dès lors que l’on partage ses faits et gestes, sa souffrance dans son travail méticuleux, ses réussites, ses échecs. Par moment on partage sa satisfaction et on se dit qu’il dormira mieux le soir, on souffle avec lui. Par moment il est difficile d’admettre que tout est à refaire, exemple même lorsqu’on le change de cellule. Soulager ses poignets en enlevant des menottes à l’aide d’un trombone, se confectionner une bien belle invention lui permettant de passer et recevoir de la cours des informations à travers les barreaux de sa fenêtre, adopter un langage codé en tapotant les murs afin de discuter avec son voisin, puis plus tard gratter la colle qui retient les planches de sa porte à l’aide d’une cuiller aiguisée, tresser des morceaux de vêtements pour en faire des cordes, tordre du métal pour en faire des crochets, tout devient tellement long, fastidieux, car tout cela est renforcé par la retranscription qu’en fait Bresson, employant la durée du plan, ou la répétition de plans similaires, mais aussi par l’emploi parcimonieux de la voix off, celle de notre prisonnier, qui explique certaines manières de s’y prendre.

     Ces temps-ci je suis justement en train de lire les Notes sur le cinématographe que Bresson écrivait en même temps qu’il tournait jusqu’à leur parution en 1975. Il est intéressant de voir comment fonctionne le cinéaste, comment il pense à travers ses films mais aussi à travers un tout autre matériau. Si l’on peut constater l’exigence que le cinématographe doit contenir selon Bresson, ce qu’il en fait dans Un condamné à mort s’est échappé est passionnant puisqu’il s’agit là de son film le plus accessible, au sens le moins exigent. Toujours chez Bresson cette apparente simplicité qui cache une complexité qui ne cesse de grandir. On part d’un simple fait : une arrestation. Puis on observe les moyens de s’échapper. Les questions que l’on soulève dans le dialogue avec les autres prisonniers, avec Jost le garçon avec qui il doit plus tard partager sa cellule, ainsi que dans la relation avec les geôliers. Ces derniers ne sont jamais critiqués ou jugés, ils ne sont qu’obstacles au plan de Fontaine, car avant tout, plus que dans tout autre film d’ailleurs, c’est de morale d’action qu’il s’agit. On entre dans la tête de ce prisonnier qui ne vivra dorénavant plus que pour une chose : s’évader. ‘Sans ornements’ avait prévenu le cinéaste.


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