Le village des damnés.
6.0 Il me manque un petit quelque chose pour être convaincu, probablement émotionnel d’une part mais aussi ce qui permettrait au film de sortir d’une mécanique que je perçois un peu trop bien. Ferrara restera selon moi un cinéaste de l’ambiance comme avait pu l’être avant lui un cinéaste comme Carpenter auquel on pense beaucoup ici. Le climat, qu’il soit lourd ou complètement envoûtant, a du sens chez Ferrara et il est très souvent supérieur à ses récits. Là instantanément je mettrais Body snatchers dans le même panier que New rose hotel. Films ambiants avec mise en scène soignée, sensuelle, mais pas forcément passionnants. L’un de ses films que je préfère, Bad lieutenant, n’est d’ailleurs pas celui qui en terme de mise en scène m’a le plus marqué. Il y a pourtant de la puissance ci et là mais ce doit être davantage le destin unique qui me fascine, et ce personnage indiscernable et pathétique, il y a quelque chose de fort dans la manière d’appréhender cette histoire simple. Tout le contraire des films précédemment cités, où les personnages peinent à incarner véritablement l’histoire. Néanmoins je vais donc un peu parler de la mise en scène de Body snatchers, que je trouve absolument remarquable. Ces lents travellings sont à l’image du reste, dans la capacité du film à nous perdre, ne dévoilant que progressivement ce que l’on doit voir, bien après les personnages très souvent. Tout cela accentue bien entendu le climat de paranoïa qui règne dans chaque séquence, de l’une des premières dans des toilettes paumées où la fille rencontre un homme plutôt étrange, à la toute dernière dans l’hélicoptère. Qu’il cadre sur les visages ou non on se pose sans cesse la même question. Et le mouvement de la caméra ne fait que confirmer cet état. J’adore les mouvements de caméra chez ce cinéaste, ce sont eux qui rendent ses films puissants par instant, naviguant entre réalisation académique et plus talentueuse. Et c’est la vitesse avec laquelle le film s’embrase aussi à de nombreux instants, à la mi-film par exemple, lorsque Marti est avec le militaire (le jeu des mains), scène très sensuelle mais très mystérieuse aussi, suivie par une scène où l’on voit des militaires qui sortent des espèces de cocons d’un marais, suivie d’une scène chair de poule où l’enfant s’approche de sa mère endormie, et la voit se désintégrer sur le lit avant que son double n’entrouvre la porte derrière lui. Ferrara joue sur les mécanismes de la peur, de la parano, tout en dévoilant son film de séquences en séquences, se répondant parfaitement les unes aux autres. C’est là qu’il est fort, c’est dans sa capacité à tout mélanger avant de tout remettre en ordre. On comprend tout dans Body snatchers, c’est un film hyper lisible. Malheureusement il est très peu touchant et s’il est envoûtant il n’embarque pas vraiment. Je suis resté admiratif mais c’est tout – Et il faut bien reconnaitre qu’il est en dessous des précédents « Body snatchers » de Siegel et Kaufman.
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