La mort.
3.5 Quand certains s’accordent pour dire que le Blier des années 70/80 n’est plus des nôtres, que depuis il y a eu Les côtelettes et surtout Combien tu m’aimes, d’autres voient en ce nouveau film une sorte de résurrection selon laquelle, enfin, le cinéaste reparlerait de la mort, s’y confrontant plus naïvement, avec beaucoup plus d’humour, comme à son meilleur, dans Buffet froid par exemple. C’est très vite oublié ce qu’était le cinéma de Blier auparavant, car même si ça n’a jamais été un cinéaste de l’espace, il réussissait par les dialogues et surtout des acteurs emblématiques à créer un monde, qu’il soit absurde, tendre ou misogyne. C’était écrit, toujours trop écrit, mais comme c’était fou et osé, la mayonnaise Blier prenait. Pas toujours en ce qui me concerne, je n’aime pas Tenue de soirée par exemple, qui semble être à mon sens une sorte de caricature de son cinéma et je n’ai jamais réussi à le percevoir autrement ce film là. Je préfère nettement ses films plus sensibles et poétiques (Préparez vos mouchoirs et Beau-père) voire ceux plus sages mais touchants comme La femme de mon pote. Le bruit des glaçons tend à se rapprocher de ses films dits plus sensibles, avec beaucoup moins de prétention (L’horrible Combien tu m’aimes donc ou le moyen Notre histoire, ce dernier tout de même doté d’instants lumineux) mais il se noie dans son côté daté, dépassé. Il y a bien ci et là quelques passages, quelques répliques principalement qui font sourire, encore heureux on était venu pour ça, mais Blier semble une fois de plus dépassé par l’artificialité de ses personnages, son gros pitch absurde qu’il peine à développer et ses propres références. Il y a une illustration simple à cela c’est la durée que tient son pitch (à savoir la visite d’un homme par son cancer, sous apparence humaine) qui ne tient pour ainsi dire pas plus d’un quart d’heure. Ensuite, Blier, probablement en panne d’imagination, fait venir à son tour le cancer de la servante. On se retrouve donc avec deux cancers dans une maison, donc avec quatre personnes (il y a une scène de cul qui est ouvertement reliée aux Valseuses d’ailleurs). Blier semble incapable de faire un film avec deux personnages. Et quand il aura à nouveau fait le tour, il fera revenir le fils de cet homme, qui couchera avec la servante (Si ça rappelle pas Préparez vos mouchoirs ça !). Blier fait du Blier, c’est rance, il s’auto cite sauf que ce n’est plus vraiment drôle, ce n’est même plus attachant. Rarement un film de Blier n’aura paru si théâtral dans l’utilisation de l’espace : lieu unique, personnages qui entrent et sortent de la scène, répliques sur-écrites. Et dans le même temps il y a des instants savoureux, ils se font rares mais existent bel et bien. Lorsque Dupontel (qui interprète le cancer de Dujardin) s’inquiète pour les solutions de soins comme la chimio ou bien lorsque Dujardin évoque son passé avec sa femme, ou lorsqu’il avoue la compensation de son manque d’imagination par une consommation abusive d’alcool. Il y a quelque chose de touchant à voir le cinéaste lui-même projeté dans la peau de son personnage. Malheureusement c’est anéanti par cette (non) mise en scène en roue libre, avec de grossiers flash-back, des regards caméras particulièrement immondes, et un Dujardin très moyen, parce que chez Blier sans doute, tentant de faire du Depardieu, se perdant ainsi sur tous les niveaux. Et parfois, cette naïveté que j’aime de temps à autres chez Blier, se couvre de ridicule, mais ça ne m’agace pas, ça me fait plus de peine qu’autre chose, comme si j’assistais à la déchéance d’un cinéaste que j’aimais bien.