La vie moderne.
7.0 Il y a quelque chose d’accablant, à première vue, dans ce film des frères Dardenne, on croirait la pauvre Rosetta tout droit sortie d’un film de Lars VonTrier. En fait le miracle naît de cette rencontre avec ce garçon, vendeur de gaufres.
Rosetta rêve d’avoir un travail normal et à chaque fois qu’elle en tient un, il lui échappe, pas parce qu’elle fait mal son travail mais parce qu’on n’a plus besoin d’elle. Ainsi le film démarre sur les chapeaux de roues, Rosetta marchant pas décidé dans les couloirs d’une usine avant une altercation avec son supérieur qui lui dira simplement que sa période d’essai est terminée. Plus tard c’est dans la boulangerie de cet homme que le problème se réitèrera. Rosetta lorgne alors sur ce garçon, sensiblement du même âge qu’elle. Elle aimerait tellement être à sa place. Pourtant le garçon semble être amoureux. Le temps d’un repas il se passera un truc très fort qui permet au film de prendre un autre chemin, de toucher à une grâce inespérée. Une simple danse voire un simple silence. Rosetta qui ne savait pas aimer est perturbée, elle ne connaît pas ce sentiment. Plus tard elle dénoncera le garçon qui s’était confié à elle, lui montrant qu’il emportait et vendait quelques gaufres à son compte. Rosetta enfile alors le tablier à sa place. Sincèrement, s’il n’y avait pas eu cette scène à deux, complètement détachée du reste, parce que lumineuse, presque improbable, la suite m’aurait probablement révulsé. Ça aurait sans doute été de trop. Probablement ce que j’ai ressenti dans leur dernier, Le silence de Lorna, qui je trouve, ne touche à rien de fabuleux, de divin comme dans leurs autres films.
Les frères Dardenne ne lâchent jamais leur personnage féminin, pas une seule seconde. Par immersion totale, on suit les périples de la jeune fille confrontée à la dureté de la vie active. Et Rosetta a beau être jeune et forte, pleine de ressources et d’abnégation, en fin de film elle tombera – la trop lourde bouteille de gaz a raison d’elle. C’est ce garçon, pourtant trahi, mais finalement amoureux par-dessus tout qui la relèvera. Fin magnifique, comme très souvent chez les cinéastes belges.