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Archives pour 23 novembre, 2010

Un baiser s’il vous plait – Emmanuel Mouret – 2007

Un baiser s'il vous plait - Emmanuel Mouret - 2007 dans Emmanuel Mouret un%20baiser%20s%27il%20vous%20plait(1)La délicatesse.    

   7.5   Saisir des situations du quotidien, les rendre singulières et travailler autour, les faire fleurir pour en saisir toute leur beauté, leur gravité, leur absurdité. C’est en quelques sortes l’objectif du cinéaste dans ce film comme dans les autres. Un baiser s’il vous plait permet de voir plusieurs histoires, les unes dans les autres, souvent racontée par un narrateur qui chaque fois s’efface et laisse vivre son récit comme s’il provenait du présent.

     Au début Emilie se perd et demande son chemin à Gabriel. Par un concours de circonstances il l’emmènera à destination avec sa voiture, ils vont discuter, sympathiser, puis dîner. Ils sont tous deux mariés mais lui voudrait lui laisser un baiser, qu’elle esquive doucement, contre son gré. C’est qu’elle connaît une amie à qui il est arrivé une histoire de ce genre, qu’un baiser a lancé puis tout foutu en l’air.

     Nous voilà donc embarqué dans une autre histoire, celle d’une femme, mariée, un boulot qu’elle aime, un meilleur ami avec qui elle partage ses angoisses, lui fait part de ses conseils. Une petite vie tranquille et sans histoires qui bascule imperceptiblement le jour où son meilleur ami, Nicolas (Mouret himself) récemment laissé à l’abandon par une fille qui est partie en Asie, ne va pas bien et pense que son mal-être est dû au manque de sexe qu’il n’arrive guère à concrétiser dès l’instant qu’il ne partage pas un minimum de complicité avec sa partenaire. Judith acceptera donc (non sans hésitation) de venir au secours de son ami, de soigner ses maux pour qu’enfin il s’épanouisse à nouveau. Le baiser va tout changer, car ce baiser qu’ils s’offrent l’un et l’autre, ils n’en ont jamais eu de tels. Puis c’est en faisant l’amour qu’ils découvrent tous deux des sensations nouvelles qu’ils ignoraient complètement.

     C’est toute la beauté et la gravité du film de Mouret, qui montre l’éclosion d’un amour impossible puis la confrontation dans une deuxième partie avec les petits amis respectifs, souvent laissés sur la touche. Ce n’est pas tant le rapprochement en tant que tel qui est réussi (et pourtant il marche, j’y ai cru d’un bout à l’autre) mais la manière qu’a Mouret de le traiter. Avec beaucoup d’humour essentiellement. Il y a une scène savoureuse, irrésistible : les deux amis décident de remettre le couvert en y donnant de la mauvaise volonté de façon à désacraliser l’unicité de leur acte, ils vont donc faire ça par-terre et le moins glamour possible. Malheureusement ça ne marche pas (à cet instant on fait un bref retour à notre rencontre du début, l’homme qui coupe la jeune femme en lui disant qu’il se doutait du non-fonctionnement de leur plan. Plus tard d’ailleurs il la coupera une nouvelle fois, simplement pour lui raconter une histoire de cinq minutes, qui lui est arrivé par le passé, projetée à l’écran de la même manière que le reste, par l’effacement du narrateur derrière son histoire, aussi rapide donc soit-elle) et Judith a un autre plan : Puisqu’ils ont tout fait pour que le plaisir ne refasse pas surface, elle propose de recommencer et tout faire pour qu’ils en éprouvent un maximum, ainsi peut-être que les sensations s’inverseront. Scène hilarante et je pèse mes mots. Bien entendu ça ne marchera pas non plus. Et ce qui devait ressembler au départ à un simple rapport sexuel médicament va se prolonger en relation sexuelle régulière, les deux amis se désirant presque dorénavant à chaque moment de la journée.

     Je ne vais pas raconter la suite du film que l’on pourrait croire plus conventionnelle, chargée, peut-être même trop affectée. Il n’en est rien. Mouret est resté très sobre jusqu’au bout de son film, et les rebondissements se feront encore nombreux, d’autant qu’il a su faire exister les deux autres personnages, jusqu’ici hors-champs à savoir les deux petits amis officiels respectifs. Le projet aboutira alors sur un nouveau baiser, dont on se demande s’il ne va pas encore une fois changer la face du monde. C’est peut-être du vaudeville, mais alors du vaudeville de première classe. Les plans sont allongés, souvent fixes et saisissent chaque personnage avec amour et élégance. Au passage l’interprétation est formidable. C’est à la fois drôle et très émouvant.

Changement d’adresse – Emmanuel Mouret – 2006

Changement d'adresse - Emmanuel Mouret - 2006 dans Emmanuel Mouret change-of-address-changement-d-adresse-1Demain on déménage.    

   6.5   Changement d’adresse est un film très attachant, toujours grâce à son personnage qu’il joue lui-même, ce type maladroit, respectueux, toujours à se poser des milliers de questions, mais tout particulièrement ici grâce à la présence de Frédérique Bel, sublimée en bonne copine curieuse, sorte de miroir du réalisateur/personnage.

     Le film commence par un déménagement, logique. Ou plutôt il commence par une recherche d’appartement. David vient à peine d’accoler sa demande sur la vitrine d’un magasin qu’il est interpellé par une jeune demoiselle qui dit connaître quelqu’un qui recherche un colocataire. En fait, on se doute assez vite qu’il s’agit d’elle dès l’instant qu’elle l’emmène visiter l’appartement, prétextant qu’elle vit momentanément chez son amie, et invente tout un tas de trucs pour ne pas être grillée avant que le garçon en question lui ait fait bon effet. Elle lui avouera rapidement le subterfuge et bientôt il emménagera à ses côtés, dans cet appartement pour le moins étrange, sans vraiment l’être, assez banal en apparence, mais non doté de cloisons entre les pièces, chambres comme salle de bain, qui se retrouve en plein milieu du salon, ce qui n’a jamais été un problème selon elle.

     L’ambiance du film est installée. Bien plus installée encore lorsque David avoue à sa colocataire qu’il joue d’un instrument : le cor. Vient alors toute une série de jeux de mots subtils autour de cet instrument, que le spectateur voit souvent plus comme un corps que comme un cor. C’est très drôle. Le film fonctionnera toujours de cette façon là, c’est la patte Mouret. Il y a un truc vieux burlesque là-dedans hyper savoureux. Souvent par les mots, mais parfois aussi par les gestes. Quand David tombera amoureux d’une jeune femme à qui il donne des leçons de cor, et que Frédérique tombera amoureuse de l’homme à la photocopieuse, leur petit manège s’intensifie, entre conseils et confessions. A tel point que les barrières n’existent plus et ils apprennent à leur insu à vivre comme un couple (il discute avec elle lorsqu’elle prend son bain, ils dorment parfois ensemble, même une fois ils font l’amour, qu’ils oublieront aussitôt, prétextant qu’il ne vont pas culpabiliser d’avoir penser à leurs amours respectifs, j’étais plié) voire comme un vieux couple (dès l’instant qu’ils jouent au Monopoly ou bien qu’elle dit retrouver ses chaussettes au quatre coins de la pièce).

     La venue d’un nouveau personnage, en l’occurrence Dany Brillant ne fait pas partie des moments mémorables du film. Changement d’adresse perd alors un peu de son rythme. La fin est très belle en revanche. Après, je ne peux m’empêcher de me dire, maintenant que j’ai vu Un baiser s’il vous plait, que Mouret est encore meilleur quand il exploite à fond ses personnages. Dommage qu’il laisse ainsi de côté le personnage de Frédérique Bel, on aimerait tant nous aussi l’accompagner à la photocopieuse.


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