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Archives pour 26 novembre, 2010

Kaboom – Gregg Araki – 2010

Kaboom - Gregg Araki - 2010 dans Gregg Araki KAboom-2

The bitter end.    

   7.5   Smith couche avec London, fantasme sur Thor son colocataire, et passe ses journées avec sa meilleure amie Stella. La première est une belle blonde aguicheuse, le second est un surfeur blond et baraqué con comme la lune, la troisième est rentre-dedans, belle et sarcastique. Lors d’une soirée bien gratinée, Smith mange un peu de space cake et commence à délirer, découvrant des gens qu’il ne voyait que dans ses propres rêves, en rencontrant dans un premier temps une fille rousse qui semble être poursuivi, puis en découvrant des types louches avec des masques d’animaux complètement grotesques qui lui courent après, puis en se rendant compte qu’il est le témoin, peut-être même l’acteur (puisqu’un messie/gourou au physique de Bob Marley lui dit qu’il est l’élu) d’un complot fanatique qui viserait à détruire le monde entier.

     C’est un pur moment de plaisir, plein de couleurs devant lequel il faut s’abandonner, se laisser aller, se laisser gagner par le jeu, un délire éphémère et gratuit comme peut l’être une soirée arrosée ou enfumée, ça n’a à mon sens aucune autre prétention. Kaboom joue avec les clichés et les détourne, montre une jeunesse hystérique et sur un nuage. Toutes les barrières sont mises alors de côté, tout devient possible, tout est prétexte à y croire. Film ouvertement bi, qui affiche sa liberté sexuelle dans chaque plan, avec son humour de teen-movie dans un débit inimaginable, son montage syncopé comme s’il fallait faire vite, comme si tout cela ne durait qu’un temps, son énergie tenue d’un bout à l’autre, d’abord envoûtante puis carrément excitante, jubilatoire. Et puis les acteurs sont tous beaux, pimpants, tellement sous les projos que l’on se sent constamment en plein voyage onirique. Film pop doté d’une bande-son irréprochable qui détruit sur son passage toutes les comédies érotico-romantico-trash vues jusqu’à maintenant.

     Kaboom c’est l’explosion, en tout cas l’onomatopée qui la définit dans les comics. Et Kaboom c’est aussi un peu une bande-dessinée avec ses petites saynètes, ses sauts sans temps morts d’une case à une autre, d’une bulle à une autre, mais ce n’est pas de la Bd insupportable comme chez Rodriguez, c’est envoûtant, c’est filtré à l’arc-en-ciel, on se croirait par moment chez Hou Hsiao Hsien, puis l’instant d’après chez Richard Kelly, puis dans son mystère aussi un peu chez Lynch. Ce serait donc une combinaison de tous ces cinémas, mais pour les ados, un film sous acide, qui ne tiendrait plus comme objet riche et labyrinthique mais comme un film plutôt creux, sans pour autant être vain étant donné ce qu’il procure comme bonheur, comme orgasme. Je n’avais pas vu une fin de film aussi dingue depuis longtemps. Je pourrais revoir cette petite bombe n’importe quand (c’est la réflexion que je me suis faite) il semble pouvoir se placer n’importe où, redonner la pêche en cas de coup de pompe. Je regretterais presque qu’il ne soit pas davantage jusqu’au-boutiste, une sorte d’Inland Empire pop, sex and drug. Car le film est un peu à l’image de ce qu’il montre dans sa nudité, sa crudité, j’ai parfois pensé à du Larry Clark, mais ça ne va jamais si loin. Pourtant il ne s’ancre pas dans le réel, il s’en détache constamment, du coup je le trouve presque trop sage. Film psychédélique, jouant à outrance sur les couleurs, les sons, mais que l’on voudrait encore moins contrôlé, peut-être même plus absurde, plus branché répliques vides et inutiles que clinquantes et instantanément cultes.

     Cependant, au moment de la déflagration nucléaire finale, les notes d’un tube de Placebo (magnifiquement utilisé) retentissent pour nous envahir durant la course en voiture effrénée qui ferme le film dans un éclat de jouissance hors norme. L’emploi de ce morceau à ce moment là me touche d’autant plus qu’il me rappelle mon saut en parachute de mes vingt ans, et cette musique sur cette vidéo qui l’accompagnait, que je regardais un moment donné en boucle pour en saisir à nouveau chaque sensation, chaque frisson. Les cinquante secondes de chute libre étaient accompagnées par ce morceau, que je n’appréciais pas spécialement avant mais qui représente aujourd’hui à mes yeux cette sensation ultime. C’était un saut de cinquante secondes, un orgasme de cinquante secondes, mais une sensation nouvelle. Kaboom c’est aussi un peu cela, un saut en parachute, mais dans le sens inverse, c’est une ballade planante et inquiétante pendant quatre-vingt minutes et cinquante dernières secondes frappa-dingues. En nous faisant vivre une sensation de cinéma proche de l’hallucination, Araki m’a séduit, surtout de cette manière, en prenant les choses en main, en osant presque tout.

La vie au ranch – Sophie Letourneur – 2010

La vie au ranch - Sophie Letourneur - 2010 dans * 2010 : Top 10

Entité saturée.  

   8.5   Sophie Letourneur saisit quelque chose d’incroyable avec La vie au ranch, simplement des tranches de vie, d’une collocation, durant un repas, une discussion ou encore en boîte de nuit et choisit de s’intéresser à ce qui est banal, anodin, absurde justement car rien de tout cela ne l’est vraiment. C’est dans l’absence de sensationnel que chaque personnage se met à exister devant la caméra, dans ce je-m’en-foutisme permanent, car c’est dans ces situations que les instants de joie ou les conflits apparaissent véritablement, que l’on y croit le plus.

     Tout paraît improvisé – on a vraiment l’impression qu’une caméra est posée au milieu de la pièce et que l’on demande aux acteurs de s’en donner à cœur joie, de reproduire du vécu – pourtant rien ne l’est. Tout est minutieusement écrit, préparé et vécu justement. Afin d’étoffer son récit Sophie Letourneur s’appuie beaucoup d’enregistrements épars de certaines de ses propres soirées pendant ses 20 ans, dans lesquelles elle adorait y cueillir des conversations, de vrais échanges à l’aide d’un dictaphone.

     En fait c’est la nuance qui fait la force de ce joli film. Ce mélange d’insouciance et d’appréhension. Ce mélange de liberté féminine, de joie ensemble et d’éclatement dans le groupe, dans ce huis clos emprisonnant. Du coup, même si ces nuances apparaissent tout de même durant tout le film, mais de façon imperceptible, on y décèle facilement deux parties distinctes. Une première comme un huis clos, où l’on est en majorité dans cet appartement, ce ranch comme elles disent, une entité les empêchant d’exister individuellement. On a tellement l’impression d’avoir affaire à un groupe soudée, à une seule et même personne divisée en cinq, que l’on confond chacune des filles. Un ranch vu comme une bulle d’insouciance leur interdisant toute émancipation. Elles le veulent bien aussi. Pourtant c’est avec l’une d’elles, Pam, que l’on comprend que cette situation n’est que bonheur éphémère. Dans une deuxième courte partie, les filles prennent quelques jours à la campagne, dans la maison de famille de Manon en Auvergne. Sans doute est-ce dû à cette immensité qui les absorbe, mais les tensions prennent le pas sur ce climat de liesse habituel. Chaque fille existe alors individuellement, ou presque, et le groupe se délie. La toute fin qui sonne comme un après est quelque chose de très beau, très émouvant.

     Personnellement, ce qui me plait c’est qu’il y a justement une façon invisible de traiter ce passage à un autre âge, de traiter cette petite vie de bohême éphémère. Les conflits, les moments difficiles sont aussi bien présents dans la première partie du film que les instants de joies dans la seconde. Mais il y a comme une cassure, probablement renforcée par les ellipses. Lorsque vers la fin du film la cinéaste filme le visage de chacune de ces filles, dans un bal nocturne à la campagne, ou dans une nouvelle colloc à Berlin, il y a ce sentiment qui m’étreint, ce genre de sentiment que je ressens aussi devant Du côté d’Orouët de Rozier, film vers lequel La vie au ranch semble quelque peu se rapprocher, principalement dans cette fuite finale. A première vue on pourrait davantage penser à Rohmer mais il y a un côté sale, spontané, vide de réflexion intellectuelle, bestial qui me fait davantage penser à Rozier. C’est un sentiment que je trouve très fort, qu’il m’arrive de ressentir en groupe ou même dans mon couple, ce sentiment que tout cela est là mais que plus tard il ne sera plus là. La vie au ranch est un film très drôle, pourtant c’est un film qui parle de la fin (du groupe, le début d’autre chose) et de la mort (avec en filigrane la grand-mère de Pam à l’hôpital).

     Mais il y a surtout quelque chose d’important là-dedans, Sophie Letourneur fait durer ses plans, et pas simplement sur des visages qui parlent, elle filme ses interprètes dans des situations, les cadre intelligemment en les y enfermant produisant une sorte de saturation de l’espace, elle ne filme pas vraiment des dialogues, elle filme des corps. Le dialogue est complètement déstructuré de toute façon, il est en champ mais plus souvent en contre-champ, il peut-être carrément ailleurs aussi, il s’imbrique très souvent, par moment on ne comprend même pas la moitié de ce qui se dit. En fait La vie au ranch c’est comme lorsque l’on est bourré ou pas pendant une soirée arrosée. Si tout le monde l’est sans moi je ne suis pas, c’est un peu le début du film en somme (qui commence dans une soirée étudiante d’ailleurs). Si tout le monde l’est avec moi, d’un coup je comprends tout, je partage tout, c’est un peu tout le reste du film. J’ai vraiment eu l’impression de connaître ces filles, de partager un moment de leur vie. Mais d’ailleurs je connais ces filles, il y a des situations que j’ai vécues exactement de la même manière. Il ne faut pas oublier de dire que la cinéaste a effectué un casting de dingue pour trouver ces filles qu’elle a finalement débusquées dans une vraie collocation. Elles se connaissaient déjà presque toute.

     Franchement je suis ressorti de ce film avec un sentiment étrange partagé entre souvenirs presque oubliés et visions fantasmées d’une certaine post-adolescence que j’aurais aussi aimé vivre, je veux dire comme ça, exactement comme ça. Là, je vois des filles qui grandissent, sans qu’elles ne s’en rendent compte, un groupe qui vie et qui change. Une amitié trop intense, trop entre deux –âges, qui s’apprête à s’éteindre. C’est assez magnifique.


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