The bitter end.
7.5 Smith couche avec London, fantasme sur Thor son colocataire, et passe ses journées avec sa meilleure amie Stella. La première est une belle blonde aguicheuse, le second est un surfeur blond et baraqué con comme la lune, la troisième est rentre-dedans, belle et sarcastique. Lors d’une soirée bien gratinée, Smith mange un peu de space cake et commence à délirer, découvrant des gens qu’il ne voyait que dans ses propres rêves, en rencontrant dans un premier temps une fille rousse qui semble être poursuivi, puis en découvrant des types louches avec des masques d’animaux complètement grotesques qui lui courent après, puis en se rendant compte qu’il est le témoin, peut-être même l’acteur (puisqu’un messie/gourou au physique de Bob Marley lui dit qu’il est l’élu) d’un complot fanatique qui viserait à détruire le monde entier.
C’est un pur moment de plaisir, plein de couleurs devant lequel il faut s’abandonner, se laisser aller, se laisser gagner par le jeu, un délire éphémère et gratuit comme peut l’être une soirée arrosée ou enfumée, ça n’a à mon sens aucune autre prétention. Kaboom joue avec les clichés et les détourne, montre une jeunesse hystérique et sur un nuage. Toutes les barrières sont mises alors de côté, tout devient possible, tout est prétexte à y croire. Film ouvertement bi, qui affiche sa liberté sexuelle dans chaque plan, avec son humour de teen-movie dans un débit inimaginable, son montage syncopé comme s’il fallait faire vite, comme si tout cela ne durait qu’un temps, son énergie tenue d’un bout à l’autre, d’abord envoûtante puis carrément excitante, jubilatoire. Et puis les acteurs sont tous beaux, pimpants, tellement sous les projos que l’on se sent constamment en plein voyage onirique. Film pop doté d’une bande-son irréprochable qui détruit sur son passage toutes les comédies érotico-romantico-trash vues jusqu’à maintenant.
Kaboom c’est l’explosion, en tout cas l’onomatopée qui la définit dans les comics. Et Kaboom c’est aussi un peu une bande-dessinée avec ses petites saynètes, ses sauts sans temps morts d’une case à une autre, d’une bulle à une autre, mais ce n’est pas de la Bd insupportable comme chez Rodriguez, c’est envoûtant, c’est filtré à l’arc-en-ciel, on se croirait par moment chez Hou Hsiao Hsien, puis l’instant d’après chez Richard Kelly, puis dans son mystère aussi un peu chez Lynch. Ce serait donc une combinaison de tous ces cinémas, mais pour les ados, un film sous acide, qui ne tiendrait plus comme objet riche et labyrinthique mais comme un film plutôt creux, sans pour autant être vain étant donné ce qu’il procure comme bonheur, comme orgasme. Je n’avais pas vu une fin de film aussi dingue depuis longtemps. Je pourrais revoir cette petite bombe n’importe quand (c’est la réflexion que je me suis faite) il semble pouvoir se placer n’importe où, redonner la pêche en cas de coup de pompe. Je regretterais presque qu’il ne soit pas davantage jusqu’au-boutiste, une sorte d’Inland Empire pop, sex and drug. Car le film est un peu à l’image de ce qu’il montre dans sa nudité, sa crudité, j’ai parfois pensé à du Larry Clark, mais ça ne va jamais si loin. Pourtant il ne s’ancre pas dans le réel, il s’en détache constamment, du coup je le trouve presque trop sage. Film psychédélique, jouant à outrance sur les couleurs, les sons, mais que l’on voudrait encore moins contrôlé, peut-être même plus absurde, plus branché répliques vides et inutiles que clinquantes et instantanément cultes.
Cependant, au moment de la déflagration nucléaire finale, les notes d’un tube de Placebo (magnifiquement utilisé) retentissent pour nous envahir durant la course en voiture effrénée qui ferme le film dans un éclat de jouissance hors norme. L’emploi de ce morceau à ce moment là me touche d’autant plus qu’il me rappelle mon saut en parachute de mes vingt ans, et cette musique sur cette vidéo qui l’accompagnait, que je regardais un moment donné en boucle pour en saisir à nouveau chaque sensation, chaque frisson. Les cinquante secondes de chute libre étaient accompagnées par ce morceau, que je n’appréciais pas spécialement avant mais qui représente aujourd’hui à mes yeux cette sensation ultime. C’était un saut de cinquante secondes, un orgasme de cinquante secondes, mais une sensation nouvelle. Kaboom c’est aussi un peu cela, un saut en parachute, mais dans le sens inverse, c’est une ballade planante et inquiétante pendant quatre-vingt minutes et cinquante dernières secondes frappa-dingues. En nous faisant vivre une sensation de cinéma proche de l’hallucination, Araki m’a séduit, surtout de cette manière, en prenant les choses en main, en osant presque tout.