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Archives pour décembre 2010

Trois jours (Trys dienos) – Sharunas Bartas – 1995

Trois jours (Trys dienos) - Sharunas Bartas - 1995 dans * 730 td05kk4

Les vaincus.     

   9.0   Chez Bartas l’échange oral est inutile. Ou presque. Ici, les seules tentatives de dialogues échouent systématiquement, non pas qu’il n’y ait pas d’écoute, simplement que le regard, ou le geste suffisent. Deux garçons – des frères ou des amis – quitte la maison de campagne et marchent vers Kaliningrad. Le cinéma du lituanien n’est rien d’autre que de l’errance. Une marche sans autre objectif que l’attirance urbaine, d’une ville autrefois sans doute attractive, aujourd’hui morose. Ville portuaire, industrielle, très pauvre. L’ambiance est triste mais le paysage fascine. C’est probablement ce paradoxe qui attire l’œil de Bartas, essayer de porter un regard sur son pays, à première vue absorbant, pessimiste et y déceler des histoires individuelles humaines pleine de grâce.

     Trois jours c’est aussi une rencontre. Deux garçons lituaniens rencontrent deux jeunes femmes russes, accostées ici, sûrement par le plus simple des hasards, liés à leur précarité, à la tentative de fuite de cette précarité. Il y a un début de rapprochement entre l’un des deux garçons et l’une des deux femmes. Ils marcheront un peu sur les berges du port. Plus tard ils iront tous ensemble à l’hôtel et sans que l’on sache trop pourquoi la gérante ne veut plus voir la jeune femme, incarnée par Katerina Golubeva. En la claquant nerveusement, elle cassera la vitre de la porte d’entrée. C’est toute la sensibilité, l’impulsivité, l’abnégation à toute épreuve de ce personnage, que l’on retrouvera avec similitudes plus tard dans Few of us. Elle se révèle très fragile, à l’image de cette longue étreinte où elle semble enfin pouvoir extérioriser tous les sentiments qui la travaillent (Trois jours) ou lorsqu’elle se couche dans cette chambre baignée d’une lumière douce et surréaliste dont la plantation vient saisir le moindre rayon lumineux (Few of us). Elle se révèle aussi téméraire, elle sait rendre les coups. La porte dans Trois jours, la défense au couteau dans Few of us. Mais elle est aussi mystérieuse. Elle peut se mettre à rire nerveusement, de façon inattendue. Et la voir grimper sur les toits de l’hôtel pour rejoindre une pièce de façon clandestine n’a plus rien de surprenant. La nature, les choses, les obstacles semble ne plus la gêner, elle est invulnérable, autant au sens physique que moral, les évènements ne pèsent pas sur elle, elle avance quoiqu’il arrive.

     On fume aussi beaucoup dans le cinéma de Bartas, pour contrer tout le reste. Ces usines dont l’épaisse fumée s’échappe en permanence vers le ciel. Ces trains qui passent, qui filent. Cette neige qui sait se faire violente. Ces fêtes mondaines dans lesquelles on ne peut apparemment pas être. Et puis il y a comme des miracles, presque Tarkovskiens. Cette marche, vécue telle une évasion, avec ces deux garçons qui grimpent une colline bien verte, puis une fois qu’ils disparaissent de l’autre côté, un assombrissement soudain du paysage, un gros nuage hors-champ on se doute, puis le retour d’une verdure éclatante, due au retour du soleil. C’est le bruit du vent qui guide nos sens, comme chez Sokurov. Le plan continue dure encore. Un léger ronronnement se fait entendre, de plus en plus présent. Un train passe sur le flanc de la colline. Puis disparaît. Plus tard, en ville déjà, un garçon se balade dans une ruine (qui rappelle très largement la fin de Nostalghia) et observe une bande de gosses autour d’un feu. Ils trafiquent quelque chose. Puis soudain, ils se dispersent, comme s’ils venaient de poser une bombe et qu’ils courraient se cacher. L’homme continue d’observer. Un simple pétard explose. Le plan suivant, mais quasiment dans la foulée, on voit ce port industriel (plan récurrent dans le film, qui a sans doute inspiré Nuri Bilge Ceylan pour son chef d’œuvre Uzak) et une explosion dans une usine, et des volutes de fumées gigantesques qui s’échappent vers le ciel. Par cet effet de montage on a l’impression que les enfants ont fait sauté une usine.

     La rencontre que voulait montrer Sharunas Bartas est éphémère. Mais elle n’est pas moins intense. Il y a donc cette somptueuse étreinte, comme il y a cette attente sur le quai de la gare. Le train passe, il efface la présence des personnages. Inutile de montrer la jeune femme y monter. Ou peut-être même qu’ils montent tous deux. Le film s’achève avec quelque chose de mystique, sublime qui rappelle la fin baroque de L’éclipse d’Antonioni. Quelques plans en campagne, avec cet homme, dorénavant seul. La maison. Un petit chemin boueux. Une rivière. Puis un plan global, fixe, qui dans un fondu enchaîné subtil et répétitif, montre l’image suivant la saison. Les bouleversements du paysage. Tout change mais rien ne change.

Outrage (Autoreiji) – Takeshi Kitano – 2010

Outrage (Autoreiji) - Takeshi Kitano - 2010 dans Takeshi Kitano 9968

     4.0   Il aura fallu passer par l’insupportable Achille et la tortue pour que Kitano revienne à ce qu’il fait de mieux. Non pas qu’il ait retrouvé la verve de ses plus belles réussites (Hana-bi, Dolls et dans une moindre mesure Sonatine, Zatoïchi) mais c’est un début, pourquoi pas un nouveau visage. Les premières minutes sont excellentes, elles contrastent avec le début de son précédent qui jouait la carte dessin animé basique pathétique. Outrage commence sur des gueules, une multitude de gueules, puis on aperçoit plus bas les costards, et dans le fond des voitures noires toutes identiques. On est dans un milieu Yakusa, aucun doute. La première discussion à laquelle nous assistons concerne un problème entre deux clans, et le film se reposera intégralement sur cette dissension, provoquant mensonges en tout genre, volonté d’ascension à la reconnaissance des supérieurs puis plus directement au pouvoir. Un grand patron tire les ficelles. Pour avoir passé un pacte fraternel avec le clan Murase, ce qui n’est pas du goût du big boss, le clan Ikemoto doit semer la pagaille, à l’aide du clan Otomo, de façon à ce que les liens se dissolvent pour ensuite acquérir le territoire Murase. Tout n’est très vite qu’enchaînement, les uns sont au service des autres, le but étant de s’entretuer sans vraiment s’entretuer. Le patron souhaite se faire son affaire solo, simplement épaulé par un bras droit qu’il humilie pendant tout le film, lequel s’en retournera finalement contre lui. Evidemment, niveau scénario, pas de quoi crier au génie. La première partie du film est un inlassable enchaînement de coup-bas, trahisons, façon on discute, on se coupe un doigt, on discute, on se prend une balle, on discute, on se retrouve très vite une pelle en main. En fait, on parle beaucoup dans Outrage, c’est exténuant. Du coup, après l’entrée en matière, le film s’essouffle et devient lassant, dans son schéma répétitif. Tout cela aurait presque mérité d’être muet, tout le bla bla est sans intérêt, surtout qu’il n’est là que pour nous faire tout comprendre. A la limite j’aurai préféré que rien ne soit dit, que l’absurde soit vraiment absurde, qu’il n’y ait pas de récit apparent. Lorsque le film s’envole un peu, quand il est moins bavard, qu’il se concentre davantage sur l’action, je me mettais à rêver d’un truc complètement envoûtant, un truc qui ressemblerait au dernier Jarmusch, The limits of control. J’aime la fatalité qui pèse sur les épaules de chacun de ses hommes. Ils acceptent de perdre leur doigt, de prendre leur retraite, de mourir dignement. En fait, ils acceptent tout au compte du type au-dessus de chacun d’eux. Ils humilient, puis sont humiliés, c’est la logique yakusa, leur logique. Il faut être plus malin que son prochain, et surtout avoir une avance systématique sur lui. Ils sont tous en sursis. J’aime l’idée de ce genre de films qui ne dit rien (ou presque rien – la place de Kitano lui-même dans ses films, l’intérêt est souvent ici) mais qui avance selon une logique implacable, le truc c’est qu’ici j’ai vraiment du mal à m’y plonger vraiment, ni même à prendre du plaisir, tout cela m’ennuie prodigieusement, à l’image de cet arriviste américain baladé dans tous les sens, même pas drôle. Il y a bien les vingt-cinq dernières minutes tout de même, où le film décolle, où il se veut plus direct, plus fatidique, mais dans l’ensemble je trouve ça moyen quand même.

Les petits mouchoirs – Guillaume Canet – 2010

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To be true.     

   3.5   Guillaume Canet a tout compris, c’est édifiant. Quand il n’est pas dans la performance, il cherche à séduire, par tous les moyens qui lui sont possibles. L’utilisation musicale abusive, et sous forme de clip, pas simplement en fond sonore. L’omniprésence des larmes, en gros plan généralement. La volonté de montrer la cruauté de ce voyage, mais d’en montrer aussi les remords. Quelques blagues potaches pour que ce ne soit pas trop plombant non plus. Et une tripotée de stars. Sur ce point, Les petits mouchoirs commence assez mal. Pourtant on dit partout que c’est un film sur la vraie vie, les vrais rapports, Canet dit lui-même qu’il est un peu tous ces personnages, que c’est un film très personnel, que c’est le film de sa vie. Mais pour parler de personnages, encore faudrait-il qu’ils aient le statut de personnages, non de stars. Moi je ne vois pas de groupe sur lequel je peux m’identifier, je vois un casting qui sort du tapis rouge, qui plus est lorsqu’on les découvre pour la première fois à l’hôpital, tous ensemble. Franchement ça impressionne. On a envie de dire : « Tout le monde est là, c’est bon, on peut commencer ? » donc niveau dramaturgie c’est le point mort mais surtout il est impossible de s’identifier. Et puis comment parler d’un film qui fait naître de véritables émotions (c’est ce qu’on entend aussi partout) quand toutes les situations les plus lourdingues sont accompagnées musicalement, et pas n’importe comment hein, c’est Antony & the johnsons, Nina Simone, Band of Horses etc… Enfin c’est bien, c’est agréable à l’écoute mais c’est chargé quoi. Evidemment comment ne pas pleurer. J’en étais vraiment pas loin par moment, et puis j’essayais de me convaincre de m’en éloigner, me persuadant qu’on me manipulait. C’était le cas. Chaque fois un gros plan, chaque fois une musique. Bien entendu à certains instants ça passe, on se laisse malheureusement happé. Bien heureusement parfois c’est tellement grotesque que ça en devient risible. Et comme s’il s’agissait d’un hasard, il y a dans chacun de ces moments la présence de Gilles Lellouche, soit l’acteur le plus détestable du monde. A commencer par une scène de rupture, en plein Paris, où le bon vieux Gilles se donne en spectacle devant les restaurants pour ne pas perdre sa bien aimée. Affligeant. Qui fait ça, sérieusement ? D’ailleurs la scène, à l’image du film, se terminera bien, comprenez de façon émouvante, juste dirait sans doute Canet. La nuit est tombée, Lellouche escalade jusqu’à l’étage pour rejoindre cette femme qui dort à poings fermés. Il l’observe, s’aperçoit qu’il l’aime, et donc que s’il veut respecter cet amour qu’il porte pour elle il doit la laisser filer. Gilles le beauf est devenu Gilles le juste. Un peu plus tard il y a une scène extraordinaire, le genre de scène de film (surtout celui-ci) que si tu as le malheur de laisser échapper un fou rire nerveux, ou ne serait-ce qu’un pauvre rictus, la salle, en larmes et petits mouchoirs au nez, t’égorge sans ménagement. Cotillard est enceinte. On le sait depuis un moment tellement la scène en question était subtile. Mais Cottilard fume toujours beaucoup. Et c’est d’ailleurs incroyable, il n’y a pour ainsi dire pas un plan où Cotillard ne fume pas de pétard, j’y reviendrai parce que c’est intéressant. Donc, Cotillard fume. Lellouche le juste entre dans la pièce, s’assied à ses côtes. Le Lellouche du début l’aurait violé. Le nouveau Lellouche lui ôte le joint qu’elle tient en main et l’écrase, puis pose la main sur son ventre, en faisant un léger non de la tête. Cotillard s’effondre. Je me suis contenu. Après ce n’est vraiment pas une question d’interprétation. Je trouve Cotillard excellente dans ce film, son meilleur rôle depuis Taxi. C’est vraiment une question de mise en scène. Canet est un vrai plouc.

     Pourtant j’aime pas mal de choses dans ce film, vraiment pas mal de choses. A commencer par cette relation particulière entre Cluzet et Magimel. Tuée dans l’œuf lors d’une explication assez hideuse mais j’essaie d’oublier cette issue. Magimel et Cluzet sont potes depuis longtemps, et même que Cluzet fait des séances de kiné chez son ami. Magimel est marié, il a un enfant, mais il éprouve quelque chose qu’il peut difficilement affronter, il est amoureux de son ami. Il ne sait pas comment, puisqu’il n’a pas envie de faire l’amour avec lui, ni de l’embrasser mais il est amoureux. Mais attention, Magimel répète maintes fois qu’il n’est pas pédé, on l’aura compris. De toute façon ça se saurait, aurait-il pris du plaisir lors de la pipe d’Huppert dans La pianiste ? Je m’égards. Donc, cette relation amicale devient très vite une relation qui perturbe un peu tout le monde, puisque c’est une non-relation. Magimel est très gêné, Cluzet est énervé, pire il a peur. Ils ne se parlent plus, s’évitent au maximum. Magimel joue donc un personnage très touchant, et vraiment je l’ai trouvé touchant. Quant à Cluzet, le personnage clown du film, il devient complètement taré. A leur arrivée au Cap Ferret, il fait un scandale parce que la pelouse n’est pas tondue depuis trois jours, puis il se met à chercher des fouines qui hantent son toit et ses nuits. Il perd la boule, à ne plus parler à personne, à ne plus dormir. Et Cluzet est drôle c’est incroyable. J’ai toujours eu un problème avec cet acteur (aussi infime soit-il, par exemple ça me gênait déjà dans le très beau film de Giannoli : A l’origine) qui me donne l’impression d’exagérer en permanence, d’être continuellement dans une emphase théâtrale. Ici, le rôle lui sied à merveille, il peut s’en donner à cœur joie, il est en roue libre et ça passe pour notre plus grand plaisir. Les situations les plus rocambolesques ce sont celles initiées par ce personnage. La surprenante engueulade du gosse de son pote qui trichait à un deux trois soleils. L’annonce publique de la véritable identité sexuelle de son ami. La destruction d’un mur à la masse pour se farcir une bonne fois pour toute ces satanées fouines. Et d’autres situations encore. Car il y en a certaines aussi qui permettent de découvrir Valérie Bonneton, une actrice épatante, qui interprète sa propre femme. Elle est excellente, autant dans son abandon que dans sa prise de pouvoir. Heureusement car les autres femmes sont effacées. Même Cotillard. Elle rumine la pauvre, elle ne trouve pas chaussure à son pied, l’amour semble être un point d’interrogation pour elle, et puis le seul qu’elle ait jamais aimé, sans pour autant que cela se concrétise et bien il est aujourd’hui sur un lit d’hôpital, entre la vie et la mort, sans vraiment qu’elle sache qu’il est plus proche de la mort.

     Oui car il s’agit quand même d’un film sur la mort. Enfin dans un premier temps sur l’absence. Mais plus tard sur la mort. Leur ami à tous a eu un accident de scooter (scène d’entrée impressionnante au passage, même si prévisible, même si trop illustrative) mais ils décident d’un commun accord de tous partir en vacances en pensant à lui. Ils devaient partir un mois, ils tablent sur quinze jours. Ils ont un grand cœur. Quand ils reviendront pensent-ils, l’accidenté ira mieux. Pas de bol bien entendu. La mort de Dujardin (il fallait quand même avoir des cojones de malade pour foutre dans un film Dujardin sur un lit d’hôpital, Dujardin l’acteur français que tout le monde adore. Bon finalement c’est comme tout le reste, on se dit que si Lellouche avait été à sa place, l’effet aurait sans doute été moindre) apparaît au moment où l’on s’y attend presque le moins, et elle est dite assez méchamment, intensément par un de leurs amis autochtone, ostréiculteur – le meilleur acteur du film qui d’ailleurs n’en est pas un – qui leur annonce ça en même temps qu’il les mets tous face à leurs futilités quotidiennes qui ont nourrit l’ensemble des vacances. L’ambiance devient cruelle. Mais cette scène est réussie. Le film aurait dû s’arrêter là, et nous aurait épargné toute cette sensiblerie larmoyante autour du cercueil de Dujardin. Chacun y dit quelques mots, puis on est au cimetière, ça dure trois plombes. Tout ça accompagné musicalement, on se croirait dans Grey’s Anatomy. Bref c’est assez atroce. C’est quand même dommage pour un film entre potes, sur l’absence, de ne pas lui offrir la puissance d’un film de Sautet, lequel Canet dit s’être inspiré, avec Cassavetes, on croit rêver. Chez Sautet  il y avait de vrais liens, puis une véritable tension, comme dans la scène du gigot, dans Vincent, François, Paul et les autres. Il y avait aussi, ce qui ici est totalement absent, de très longues scènes de groupe, comme la partie de football ou le match de boxe. Là il y a des séquences de mal aise essentiellement, comme le coup de gueule de Cluzet, mais on est plus généralement du côté de la farce, en partie grâce à la présence de Laurent Laffitte, étonnant sosie de Michel Lebb, qui n’est autre que le gros boulet de la bande. Il y a aussi cette belle scène où Cotillard, traînée par ses amis masculins sur une sorte de bouée tirée par un bateau, perd totalement son calme, on voudrait que ça dure mais ça ne dure pas. Rien ne dure, jamais. Dans Les petits mouchoirs je ne crois à aucun des liens, aucune des pseudos tensions, il y a bien quelques scènes ci et là qui fonctionnent mais c’est maigre. Les personnages sont tous à mettre dans des cases, aucun n’évolue, donc aucun n’existe véritablement, c’est un peu dommage.

     De toute façon, le titre, d’emblée, suffisait à faire peur : Les petits mouchoirs. Un film sur un groupe d’amis qu’on appelle Les petits mouchoirs. Kasdan, sur le même pitch, avait fait Les copains d’abord. Poiré, sur l’idée des retrouvailles de groupe avait fait Mes meilleurs copains, Sautet sur un pitch là-aussi similaire, avait fait Vincent, François Paul et les autres. Il y a cette notion de groupe dans ces titres, avant tout. L’absence, la perte, le temps ne sont qu’un prétexte. Dans Les petits mouchoirs, le prétexte c’est malheureusement le groupe.

     Et puis il y a quelque chose d’assez désagréable, et en continu dans ce film, c’est l’obsession de Canet pour le paraître cool, l’obsession pour le bon goût. Je parlais tout à l’heure de Marion Cotillard qui ne cesse de fumer. C’est l’exemple parfait. C’est comme si Canet faisait son film en fonction de certains détails, qu’il écrivait ses scénarios autour de détails. Cotillard fume des joints non-stop, ça fait bien ça, ça fait libre. Cluzet en père de famille d’apparence modèle dit d’un coup plein de gros mots, en perd son latin, c’est rigolo. Et puis Magimel est peut-être gay, ça fait bien d’avoir un ami qui a une attirance homosexuelle dans un film. Tellement bien que l’on apprend plus tard que Cotillard aussi a des expériences avec des femmes, ça lui a plu ça à Canet, il était tout chose. Au début, Cotillard couche avec Mathieu Chédid, et lui demande de ramasser sa capote, elle est pleine de sperme. Ça aussi ça fait cool, a dû se dire Canet, ça fait pas conformiste c’est bien. Et puis Cottillard va pour se mater un film, pas La septième compagnie, c’eut été la faute de goût, mais Coup de tête, la classe ! Même délire cool pour toutes ces séquences sportives. Ou par exemple le côté nostalgique des vidéos des années passées, ça aussi c’est bien, ça fait cool. Les personnages de Canet, à trop vouloir plaire, en deviennent pas intéressants. Et puis à aucun moment il s’immisce dans leur intimité, il faut sans cesse qu’ils soient plusieurs dans le plan. Ça en devient assez lourd. Reste quelques moments gags. Alors on cherche Cluzet partout et c’est plutôt marrant comme jeu. Reste aussi que le tout devient attachant, sans que je ne sache trop pourquoi. Ce n’est pas un film sympathique, pourtant il me fait l’effet d’un film sympathique. Il ne m’énerve pas comme le dernier Doillon par exemple. Il ne m’ennuie pas comme le dernier Kitano. Il ne m’est pas antipathique comme le dernier Coen. Sa naïveté me le rend sympathique, comme le dernier Blier. Mauvais mais sympathique. De toute façon, sympathique n’a jamais été un compliment, cinématographiquement tout du moins.

Le braqueur (Der räuber) – Benjamin Heisenberg – 2010

robber2-1024x682Running on empty.

   8.0   Le film est une course effrénée. En milieu étroit, fermé ou en pleine nature, en ville, de jour ou de nuit, même dans un appartement, une cellule, le film n’est rien d’autre qu’une course. Les premières images sont celles d’un homme, la quarantaine, sans doute moins, qui effectue des foulées dans une cour de prison. Ce n’est pas quelque chose d’inhabituel, non ça semble régulier, le rythme est soutenu, l’homme ne fatigue (déjà) pas, un garde l’appelle, il s’arrête puis s’apprête à rejoindre sa cellule. Là il met en marche un tapis de course, et effectue de nouvelles foulées, cette fois dans une pièce minuscule, avec comme seule lueur cette clarté de liberté qu’il ne va pas tarder à rejoindre puisqu’on apprend aussitôt qu’il sort de prison, après y avoir purgé une peine de douze ans pour braquage, mais ça nous ne le saurons que plus tard.

     Johann Rettenberg pourrait réintégrer la société comme les honnêtes gens, mais il semble, au-delà du plaisir de la simple course, avoir une attirance pour ce qu’il fait de mieux, braquer des banques. Et il recommence, malgré les entrevues pompeuses de son agent de réinsertion, qui n’est finalement pas dans le même monde que lui. On peut se dire que c’est une histoire de monde, ou justement une histoire de fuite d’un monde, qui pour cet homme n’a pas de valeur, en tout cas pas suffisamment pour vivre selon les normes, et oublier les braquages mais aussi la course, puisque pendant ce temps il ne cherche pas vraiment de travail. « C’est tout ce que vaut la vie pour toi ? » lui demandera une femme qu’il rencontre, avec qui il couche, passe du temps, une connaissance de sa vie d’avant son enfermement. Mais ils n’ont pas la même définition de la vie. Au moins il lui répond à son amie, si tant est qu’on puisse l’appeler ainsi. Il ne répondra pas à cet agent de réinsertion, qui le colle aux basques, doit rendre des rapports scrupuleux et faire de lui un exemple. L’exemple c’est pourtant ce sur quoi le film (hors prison) démarre assez vite. Johann Rettenberg se place premier autrichien lors d’un marathon, il est alors adulé par le public, qui voit en lui un rachat exemplaire, après un entraînement intensif de plusieurs années entre quatre murs. Johann Rettenberg est un peu le héros d’une population, ce genre de héros que l’on crée parce qu’il sort justement des normes. Cela ne l’empêche pas de continuer à braquer des banques, comme s’il ne courait pas vers une certaine reconnaissance des autres mais une simple fierté de soi-même. Il gagne des courses, empoche du fric. Il braque des banques, empoche du fric. Puis il fou tout dans un sac en plastique sous son lit. Même l’argent n’a aucune valeur dans ce film. Il est un prétexte au danger, à une prise de risque. Au début, Johann s’enfuit en voiture avec les billets. Ensuite, il se fait plusieurs banques, puis ne fuit la police plus qu’en courrant. Il fuit la simplicité. Der räuber est donc une course, pourtant il y a finalement assez peu de tension dans cette première partie, et la mise en scène colle en ce sens parfaitement au personnage qui sait garder un calme improbable. Plus tard il y aura un premier signe. Une course effrénée qui se termine bien pour le braqueur/coureur. Mais une course où il revient de loin. Le soir, lorsqu’il rentre chez lui, il observe les fluctuations de son cœur sur un ordinateur, grâce à un capteur cardiaque qu’il porte durant toute la journée. La courbe effectue une envolée nette vers midi, on se doute qu’il s’agit du moment de cette course poursuite haletante. C’est sa seule fierté. Cette courbe insensée qui atteint de nouveaux sommets, qu’il vit comme une jouissance nouvelle. Car ce ne sont pas les rapports réguliers avec son amie qui le font transpirer, ceux-ci sont vraiment montrés mécaniquement, comme un plaisir mais pas ultime.

     Alors, le film, au moment où l’on pouvait craindre un essoufflement, ce qui n’aurait pas été surprenant étant donné le niveau rythmique proposé, prend un nouveau départ. Il ne s’agit plus de courses à pied, au sens de l’entraînement sportif. Il ne s’agit plus de simples braquages. Non, c’est une fuite, une course, presque sans psychologie, simple course physique, quasi insoutenable. Elle démarre dans un commissariat et se terminera sur une autoroute. Benjamin Heinsenberg filme la course en quasi-temps réel. Et enfin filme l’espace, en contraste parfait avec la situation initiale. Des rues et des champs déserts, une forêt en pleine nuit puis une dernière virée automobile. Il n’y a pas de symbole juste des présences, des récurrences, des amalgames. Un rêve qui revient, où l’homme en question se voit mourir juste après un bruit assourdissant. Un marathon qui démarre aux flambeaux directement associés à cette traque policière nocturne finale dans les bois. Ces essuie-glaces qui rythment cette dernière course (sous-titre français du film) comme associés aux battements cardiaques de notre homme, souvent évoqués durant le film. Le film se termine ainsi. Il pourrait alors s’apaiser, pourtant la musique qui accompagnait le marathon de Vienne en début de film, puis un braquage un peu plus tard, retentit à nouveau, comme le témoin d’une résurrection. La sienne, celle qu’il obtenait dans le rêve de sa propre mort.

Few of us (Musu nedaug) – Sharunas Bartas – 1996

Few of us (Musu nedaug) - Sharunas Bartas - 1996 dans * 730 Katerina+Golubeva

Terra incognita.    

   9.0   C’est difficile de parler d’un film qui s’affranchit lui-même des mots, j’ai l’impression que ce que je vais dire sera inutile, mais allons-y.

     Je crois que c’est un film sur la confrontation des mondes. Une rencontre improbable. Il y a une femme à l’écran, enfin pas d’emblée, mais assez rapidement après quelques plans de paysages industriels. Elle regarde par le hublot d’un hélicoptère. Puis elle met les pieds sur une nouvelle terre. Terre divine. La nature montre sa puissance, elle englobe, encadre, elle est sonore, couvre tout. Un homme traverse les rivières et les forêts de pins sur des rennes. La jeune femme rencontre quelqu’un dans un véhicule à chenille qui prend sans doute l’initiative de la conduire quelque part. On ne sait pas vraiment, personne ne se parle. Et ce sera comme ça tout le film, on ne peut qu’émettre des hypothèses, se questionner sur les motivations de ces déplacements humains dans cet immense espace.

     Il n’y a pas d’artifices chez Bartas, on peut même se dire que l’unique artifice pourrait être sa caméra, ou alors son idée de base, qui lui sert de lancement. Il y a quelque chose d’absurde dans ce voyage. On se demande pourquoi cette jeune femme est arrivée là, dans cette région, dans ce paysage qui ne semble pas lui être familier. C’est le seul artifice : le déplacement d’un corps dans un lieu dont on se demande ce qu’il vient faire là.

     Few of us n’explique rien. On ne sait rien du passé, c’est un voyage entièrement au présent, débarrassé d’un absolu raisonnable. C’est le spectateur et lui seul qui accepte cette mouvance, qui doit sentir les éléments, se faire sa propre histoire, appréhender le plan à sa manière. Choisir de ressentir ce que l’image peut lui offrir. Il n’y a ni vérité absolue ni manipulation, tout est là, devant nos yeux.

     La région est montagneuse et brille déjà par sa beauté, son étrangeté, son aspect inquiétant. On apprend à connaître un peuple, qui vit là, détaché de tout, enfin on s’en doute. La journée, le village est désert. Le soir c’est festif, on sort l’accordéon et on se met à danser, boire et fumer. De ce climat joyeux, si suspendu, s’apprête à en sortir une violence âpre, inattendue. La jeune femme est attaquée. Elle tue. Puis elle se met à fuir, courir de toutes ses forces entre monts, arbres et rivières. La neige aura recouvert les champs et les herbes, seuls les cours d’eau y résistent. Quelques personnes sont à ses trousses, armes en main. Un jeune homme, dont les traits du visage laissent apparaître qu’il est d’origine étrangère, comme elle, se met à la suivre, lui aussi, mais afin de la protéger.

     Sharunas Bartas a construit ce voyage de la sorte que l’on soit inquiet des faits, des enjeux, de ces fuites sans fin, et non tranquillement guidés par la rapidité technique, des artifices et des plans. Une fois encore, tout est là, devant nos yeux. Quand un homme sur son cheval semble partir à la recherche de la jeune femme et tourne en rond dans le village, le plan restera fixe. C’est le mouvement dans le plan ou hors du plan qui guide nos sentiments, plus les plans eux-mêmes. La présence humaine, en ou hors champ, participe à cette anxiété qui nous étreint. Il y a une vraie tension dans cette dernière partie de film. Mais c’est une tension apaisée. Une tension que le spectateur peut choisir de ressentir ou non. Rien n’est sûr. Bartas dit lui-même qu’il a construit un passé à cette histoire mais qu’il ne l’a pas écrit, ni filmé donc il ne le racontera jamais. Chacun choisit de voir ce qu’il a envie de voir.

Fight Club – David Fincher – 1999

Fight Club - David Fincher - 1999 dans David Fincher fight-clubTo be or not to be. 

     6.5   Fight Club comme plus récemment Zodiac et surtout The Social Network ont une place nouvelle dans la filmographie de Fincher, quelque chose de pas aimable, au sens où ils ne caressent pas dans le sens du poil. Zodiac est un film d’enquête fleuve sur un serial killer dont on ne connaîtra jamais la véritable identité, mais surtout on apprend à voir le film avec cette idée, à se désintéresser des finalités de l’enquête. Comme on se fiche royalement de l’issue du procès dans The Social Network. Voilà pourquoi lors de mon premier visionnage Zodiac ne resta pas un grand souvenir. J’allais y voir un film américain formaté, commun, du déjà vu en somme, pas cet ovni de mise en scène, hyper dialogué et fait de fulgurances rythmiques hallucinantes quasi littéraires. Tout cela se vérifie dans son dernier film, construit en séquences de joutes verbales, entre film de procès et film sur le changement d’une époque, s’affranchissant des canons narratifs habituels, sans présence de la famille, sans relation amoureuse (dynamitée dès le prologue) ni même héroïsme direct à proprement parler, alors que le film parle de révolution actuelle. Zuckerberg est à la fois quelqu’un de fascinant, car imprévisible, attendrissant, dans son décalage face au monde, mais tout autant antipathique dans certains de ces choix discutables. En ce sens il y a une complexité des rapports riche et intéressante. Fight Club ne dérogeait pas à cette règle : le film n’entre pas dans les schémas tracés, ouverts par The game et Panic room par exemple, déjà un peu moins précédemment dans Seven, plus ambigu. Pas forcément facile à suivre, jetant nombreuses de ses cartes rapidement, les premières séquences sont difficiles à apprivoiser avec ce narrateur qui profite de ces groupes de thérapie pour palier à ses insomnies. Et puis c’est glauque. C’est un film plein de merde, à l’image de cette maison pourrie, cette espèce de lieu clandestin où il faut couper l’électricité quand il pleut. Fight Club n’a rien du film agréable, du film touristique. On a rarement vu une ville américaine aussi vidée de sa substance attirante. Il n’y a rien de l’american dream là-dedans. Les participants aux fight club ne se battent pas pour une idée de la compétition, de la victoire – d’abord on apprend vite que gagner les combats n’est pas une priorité – ils se battent pour exister. Il n’y a rien d’héroïque dans cette démarche. Et même dans le twist – qui est tout de même de ceux des plus marquants de ces dernières années – le film n’a rien de bandant véritablement à première vue. Il apparaît une demi-heure avant la fin du film, non comme un choc final façon cliffhanger de fin de saison de série, ou façon Sixième sens de Shyamalan, sorti un an plus tard. La toute fin, qui sonne comme une réussite de la révolte, que les personnages avancent durant tout le film, n’est même pas happy end puisqu’elle débarque à l’instant où le narrateur la rejette. La dernière image du film, image subliminale surprenante, fait même passer le film pour une blague. J’y reviens. Fincher a ses codes à lui, pas vraiment reluisants à première vue.

     Même s’il le fait contre son gré ou plutôt inconsciemment, par l’intermédiaire d’un double, le narrateur souhaite effacer sa vie matérielle qui le suit probablement depuis toujours. Il y a d’abord la perte de sa mallette à l’aéroport, évènement à première vue anodin, puis l’explosion de son appartement, qui nous apparaît comme un fait du destin avant de devenir un acte pensé. C’est de l’autodestruction dont il est question, pour une meilleure reconstruction. Qu’il débutera dans cette maison taudis, opposé à cet appartement Ikea dans lequel il vivait. De la même manière il y a destruction du corps dans les combats. Rappelons que les premiers combats entre Tyler Durden et le narrateur n’existent pas, le narrateur est aux prises avec lui-même, il encaisse ses propres coups. Plus tard, lors d’une altercation orale avec son supérieur hiérarchique, le narrateur dira (en se martelant de coups, première fois qu’on le voit faire ça, Tyler Durden ayant momentanément disparu) que ça lui rappelle son premier combat, énorme piste proposée par le cinéaste. Dans The Social Network, l’altercation corporelle est soigneusement évitée au profit du dialogue, de la parole. Les dignes représentants du corps, les jumeaux Winklevoss et leurs muscles saillants, n’entrent jamais dans des contacts physiques. Ils sont menaçants mais uniquement dans la présence de leur corps, non dans leur utilisation. Tout le contraire dans Fight Club où la parole est souvent évitée au profit du contact physique. La parole prépondérante c’est celle du narrateur, off dans le film donc. Déjà, dans ces groupes de soutien, le narrateur éprouve de grandes émotions, un grand bonheur à se serrer contre le corps de ses collègues. Plus tard, lors des explications des règles de ce fameux club clandestin, succinctes au possible, les deux premières règles « Première règle du Fight Club, on ne parle pas du Fight Club ; Deuxième règle du Fight Club, on ne parle pas du Fight Club » volontairement répétitives, comme pour appuyer sur l’importance de la non divulgation du réseau, n’ont pas d’autres dessein que de mettre en avant les valeurs du corps plutôt que ceux de l’esprit. En ce sens The Social Network et Fight Club montrent des cheminements opposés, presque contradictoires. Ce sont des films miroirs (nombreuses scènes arrivent en écho évident) mais opposés. Comme on dirait des opposés qui s’attirent.

     Une scène me dérange un peu, mais je pinaille justement parce que je trouve le film vraiment très réussi à ce niveau de cohérence : celle où le narrateur se bat pour la seconde fois avec Tyler Durden (autant dire qu’il se bat seul) et qu’un nombre de personne rappliquent. Fincher fait en sorte de ne pas montrer leur surprise, encore une fois rien de choquant. Plus tard, de façon elliptique, il montrera ces personnes se mêlant au jeu, se battant avec le narrateur ou entre eux. Mais dans l’état, ils auraient dû se battre seuls à seuls eux aussi. Il y a même quelque chose de plus intense et fort que de se battre contre soi-même. Du coup ça ne tient pas vraiment debout, même si en définitive ça ne choque pas, ils peuvent avoir compris que cet homme cherchait un adversaire afin de s’exprimer.

     Cela tient essentiellement du scénario mais je tenais à en parler : la fabrication du savon dans Fight Club a quelque chose à voir avec la fabrication des mines de crayon dans Eraserhead. Le savon explosif est un concentré de graisse humaine tandis que les crayons chez Lynch sont des prélèvements sur des cerveaux humains. On reste systématiquement dans un domaine glauque et organique. Le bébé difforme chez Lynch et sa destruction font écho à ce défilé de corps nus qui s’entrechoquent et s’abîment chez Fincher. Fight Club aurait pu être un film en noir et blanc. Il se dégage un truc très primitif de tout ça. Dans les effets spéciaux finaux, approximatifs. Ou dans les apparitions subliminales de Brad Pitt à trois reprises dans le chant du vision du narrateur avant sa véritable apparition. L’image subliminale me semble un artifice désuet pourtant son utilisation ici pousse le film vers un côté arty new burlesque que j’aime bien. Tyler Durden, dans la présentation que nous offre le narrateur, travaille comme projectionniste dans un cinéma et s’amuse à passer des images pornos dans des pellicules tout public. La plupart des gens ont vu cette image, au sens où ils ont vu quelque chose de bizarre, mais ne préfèrent pas le relever dira t-il, ils choisissent de ne pas l’avoir vu, tentent de l’oublier aussitôt. Marrant car ces fameuses images subliminales créées par Fincher, en écho à celles utilisés par Durden, nous les vivons de cette façon là (Drôle de voir toutes les apparitions de Brad Pitt en images subliminales avant sa vraie apparition dans l’avion. Comme une image fantasmée, pas encore aboutie, qui s’apprête à prendre durablement place dans l’esprit du narrateur). On voit une image ou du moins une apparition mais on l’oublie aussitôt car on n’a rien vu de concret, de visible vraiment. La dernière image du film en est l’illustration parfaite. On a cru voir une bite mais doit-on dire qu’on a vu une bite ? Le choix de ce que l’on voit semble être une donnée importante dans le cinéma de Fincher mais bien plus encore dans Fight club. Le narrateur fait le choix de ne pas voir Tyler Durden, l’information n’est pas visuelle, elle reste à l’état psychologique. Lorsqu’il comprend qui est Durden sa perception du monde change. Et ce bouleversement agit sur le spectateur. Lorsque le film nous perd (avant que l’on découvre l’état schizophrénique) on refuse de voir ces images subliminales, pourtant on a vu quelque chose, mais on occulte tout ça car ça n’entre pas dans une ambiance de ce genre. Dès l’instant que le film offre son twist, tout devient clair, bien évidemment. Mais surtout, la dernière image subliminale l’est aussi. On a choisi de voir ce que l’on a vu, pas choisi de voir ce que l’on a choisi de voir. Il serait intéressant de développer davantage.

     Tyler Durden se fait l’opposant aux mœurs des sociétés occidentales, de cette consommation de masse qui façonne l’individu selon un schéma commun et fabriqué. Selon lui, pour retrouver une conscience humaine il faut retrouver l’état primitif de l’homme, oublier ces notions de confort qui le pourrissent, ré apprivoiser les choses les plus basiques. Du coup, cette révolte se retourne un peu contre elle-même, elle devient sans queue ni tête puisqu’elle tente de faire renaître l’individu dans une microsociété nouvelle pourtant chaque personnalité est tout autant effacée au sein de ce groupe. Je crois donc en un Fight Club ironique, qui ne chercherait pas à être ce porte drapeau anarcho-révolutionnaire que Tyler Durden tend à être. Fight Club n’est que second degré sans non plus fustiger ses personnages. Ils ont une réelle existence, matière, parfois montrée maladroitement ou aux détours de l’humour, mais ils sont attachants, je parle des principaux. Le pénis en image subliminale finale ne fait qu’illustrer ce sentiment de second degré. De même que toute l’utilisation publicitaire. En fait il faut le percevoir comme on percevait Scarface ou Orange Mécanique. A aucun moment je n’ai en tête de suivre les choix de Tyler Durden comme à aucun moment je ne voudrais suivre ceux de Tony Montana ou d’Alexandre De Large. Ce sont au mieux des manipulateurs ou conards finis, au pire des êtres marginaux violents sans état d’âme. Ces films apparaissent non pas comme incompris mais comme mal compris. Beaucoup ont accusé le sérieux du film se voulant produit anarchiste et révolutionnaire qui condamnerait la société, d’autres ne voyant qu’expérience vaine se retournant contre elle-même qui ne serait que produit dangereux voire fascisant. Personnellement je vois là un film très drôle, inventif, speed qui n’a d’autres prétentions que la farce, et c’est d’autant plus flagrant la seconde fois.

     En fin de compte, Fight Club n’est pas plus (pas moins) un film sur les combats que The Social Network est un film sur Facebook. Si dans le premier le titre correspond au nom du projet initial, et on n’est pas sans savoir que ce projet devient plus abouti dans Projet chaos, dans le dernier le titre n’est pas en lien avec le projet qui a maintes fois changé d’appellation (Harvard connection, Facemash, The Facebook puis Facebook) comme pour montrer que concrètement on se fiche d’un nom, on se fiche de facebook. Ce sont des films sur le destin d’un seul homme en particulier, non sur des entités groupées.

     Tyler Durden n’est que la projection fantasmée du narrateur en un moi plus libre, beau, classe, malin et ambitieux. C’est quelqu’un a qui tout réussit. C’est l’homme qu’il souhaiterait être pour combattre son vrai moi, lâche et sans relief. Il est le substitut extrême et représente tout ce que ne représente pas le narrateur.

     Tyler Durden incarne une certaine coolitude, un je-m’en-foutisme permanent (serveur, il pisse dans les plats ; projectionniste, il insère des images pornos dans les films tout public), une seconde jeunesse (il pourrait avoir la vingtaine mais il en a dix de plus) et un appétit de la révolte qu’on a plus ou moins tous rêvés, refoulés ou fantasmés sans réfléchir, à un moment de notre vie. Le film tend donc à une certaine inconscience, puérilité justement parce qu’il ne cherche pas à se faire l’avocat de ce que Tyler Durden dénonce. Mais jamais il n’encense non plus. Comme dans The Social Network Fincher n’est pas intéressé par l’effet de ces évènements groupés sur le spectateur, mais par son personnage principal, que l’on a rencontré à un moment étrange de son existence comme le dira le narrateur à la fin de Fight Club. Zuckerberg pourrait très bien dire les mêmes mots à la toute fin de The Social Network.

     Car Norton c’est un peu le Eisenberg d’il y a 10 ans. Cet homme sans nom, masqué par celui de Tyler Durden, c’est un peu Mark Zuckerberg, dans leur opposition naissent de grandes similitudes. L’un crée un réseau de combat avec son ami imaginaire, une partie de lui cachée, plus forte, organisatrice et autoritaire. L’autre crée un réseau social virtuel à l’aide d’un tchatcheur qui lui dégote des fonds. Dans l’un, un homme surmonte ses difficultés d’expression hors environnement virtuel en se débusquant 500 millions d’amis qu’il ne verra jamais. Dans l’autre un homme surmonte sa solitude en se trouvant des amis partout aux Etats-Unis sans qu’il ne s’en rende compte car réalisé par son autre moi. Ce sont des personnages éternellement seuls.

     On est simplement dans la tête d’un homme qui pour contrer cette vie qui le ronge, matérielle et sans saveur s’invente un ami imaginaire dans lequel il projette exactement son contraire. Auparavant il aura tenté de venir à bout de ses insomnies en incrustant des groupes d’entraides (les victimes du cancer des testicules par exemple) dans lesquels il écoute ses confrères, pleurent à leurs côtés, ce qui lui permet de retrouver le sommeil. Ça va durer un an jusqu’à ce que Marla, une fille qu’il aperçoit dans chacun des groupes et semble faire tout comme lui, perturbe le bon fonctionnement de son escroquerie.

     Tout devient très masculin dans Fight Club. Marla, seule femme qui a du relief ici, est un danger, elle est intelligente et succombe aux plus beaux charmes, ceux de Tyler Durden, figure du beau gosse cinglé, anachronique mais assumé. Tout n’est alors qu’admiration et jalousie. L’exemple devient poignant avec l’apparition du personnage joué par Jared Leto, recrue efficace pour le Projet chaos (dérivé extrême du Fight club) qui remplit in the pocket le ‘devoir des trois jours sans broncher’ et apparaît telle une figure importante du club. Le narrateur ira jusqu’à le battre quasiment à mort lors d’un fight club pour simplement détruire du beau, dira t-il. Dans The Social Network la femme semble intouchable, sûr d’elle. Présente dans la première séquence et initiatrice du lynchage fait à Zuckerberg, elle est alors réduit au hors champ dans la dernière séquence, vision fantasmée de la fille aimée, présentée comme seule messie à cette débâcle du créateur de Facebook, qui semble s’engluer dans sa solitude. Tout le reste n’est qu’admiration et jalousie. Les jumeaux dans un premier temps, remontés contre la réussite individuelle de celui qui les a utilisé. Sean Parker dans un second, figure imprenable, admiré par Zuckerberg, jalousé par Eduardo Saverin. Il y a comme une vision moderne dans ces deux films (voire trois, voire quatre, si l’on considère et Zodiac et Seven) des névroses masculines, de ces volontés de pouvoir comme remède à leur solitude éternelle, qui deviennent alors destins tragiques dont il est carrément impossible de se sortir. Si la fin de Fight Club n’est qu’impasse ou simple farce, celle de The Social Network est l’illustration magnifique et parfaite de ces névroses éternelles.

     La femme chez Fincher tient une place étrange, impalpable. La petite amie de Zuckerberg bien entendu, qu’il est impossible de modeler. Mais dans Seven déjà, avec Gwyneth Paltrow déifiée, mais détruite comme si ce n’était que le seul remède. Et Marla, le danger et la clairvoyance, c’est d’elle que l’on pourrait tirer plus tôt la double identité du narrateur.

     Après, Fincher c’est toujours parfois un peu trop speed pour moi, il cherche trop à en mettre plein la vue. Au contraire de ces deux derniers films plus légitime quant à leur utilisation du langage indomptable, Fight Club aurait gagné à avancer crescendo, au rythme des modifications comportementales de son personnage. Quand les deux derniers sont des films sur la parole, celui-ci est un film du corps. C’est le versant corps de The Social Network, film esprit. Le corps dans ce dernier est très inquiétant, terrifiant même en apparaissant sous la forme des jumeaux sportifs. Dans Fight Club le corps reste au stade du fantasme, n’oublions pas qu’il faut être torse nu pour combattre.

The doom generation – Gregg Araki – 1995

The doom generation - Gregg Araki - 1995 dans Gregg Araki 18847407

     6.0   Araki fait un cinéma que je n’aime qu’à moitié. D’une part je n’y vois aucune atmosphère singulière, aucune séquence réellement portée par une autre, dans un élan homogène. Il y a des récurrences, une façon de faire, mais tout intervient selon un principe de cassure à chaque idée intéressante, comme si le cinéma d’Araki n’était en fin de compte que bande dessinée. Le problème, donc, ce n’est pas tant ce montage épileptique, en un sens légitime, puisqu’il s’agit encore de lier la drogue et le sexe, une espèce de réalité à des hallucinations, un trip délirant et imparfait qui trouverait son climax principalement dans la toute fin du film. C’est un peu ce qu’on peut dire de The doom generation, c’est aussi ce qu’on peut dire de Kaboom. Quoique ce dernier soit tout de même plus agréable pour les yeux, ce qui ne l’empêche pas non plus d’être foutraque. Ces deux films se ressemblent tellement, dans l’histoire, l’évolution, mais aussi jusque dans les répliques que l’écart temporel qui les sépare (quinze ans) me laisse sceptique quant aux véritables enjeux proposés par le cinéaste. J’avance un sentiment uniquement basé sur le visionnage de ces seuls deux films, tout pourrait donc changer lorsque je verrai Nowhere ou encore Mysterious Skin, mais ça m’inquiète un peu. Cela dit ce sont des films futiles, sur la jouissance, une certaine crudité de la jeunesse, le plaisir de l’extrême. Et je préfère nettement quand cette futilité est entièrement assumée, ou lorsqu’elle vise uniquement à parler de sexe, sans apporter de vision du monde autre que celle du plaisir sexuel, bi, assumé, inconscient, inconséquent. Voilà pourquoi je préfère Kaboom. La fin de The doom generation est intéressante parce que provocante, couillue, mais elle s’appuie essentiellement sur une vision de l’Amérique, la triturant de façon cynique. Kaboom aussi finalement, mais en arrière fond, le plaisir est ailleurs. Kaboom est un film ultra sexy, quand The doom generation répugne, ou du moins n’attire pas. Les deux fins suffiraient à illustrer cette idée. De toute façon cela se voit aussi dans les rapports. Dans l’un, tout le monde peut potentiellement coucher avec tout le monde, on y voit des gens à poil, qui parlent de cul et baisent à tout va, c’est rose, c’est bi, c’est aussi surprenant qu’excitant. Dans l’autre, aussi porté sur le cul, les rapports sont moins aimables, on y lèche son propre sperme, on dit et on se met des doigts dans le cul, il y a ce fantasme récurrent de la double pénétration, le bi est façon de parler refoulé (cyniquement montré dans le générique initial : The doom generation, un film hétérosexuel de Gregg Araki) et puis ne serait-ce que dans la violence (plutôt absente dans Kaboom, en tout cas déréalisée, grotesque) plutôt extrême, même si volontairement kitch, où un type se fait percer la bite par une épée, un autre perd son bras, l’autre sa tête, avant que le film n’accouche sur une scène de viol puis de découpage de sexe immonde mais assez émouvante, si on la transfère métaphoriquement en castration voulue par la jeune femme pour se débarrasser de ce petit ami et partir avec un autre. C’est intéressant. Le film est moins subtil mais il réserve des choses tout de même. Et à aucun moment il ne dit où il se situe vraiment. Dans le rêve, la réalité. Les personnages en viennent même à en parler, à se poser la question. On saura juste qu’ils sont poursuivis, comme s’ils étaient en plein bad trip post speed (ils en prennent en tout début de film) par des types qui disent les connaître, par le chiffre diabolique puisque à chaque achat ils doivent payer 6$66, par des chambres aux couleurs vives, par le sexe comme unique vrai moteur de ce moment d’existence éphémère.

Nénette et Boni – Claire Denis – 1997

Nénette et Boni - Claire Denis - 1997 dans Claire Denis nenette_webUn poison violent.    

   7.0   Boniface vit seul dans un appartement de Marseille (lequel est parfois squatté par certains de ses amis dont on n’apprendra pas grand-chose), il a quitté le foyer familial à la mort de sa mère, il est pizzaïolo, il fantasme sur la boulangère. Antoinette vit chez son père mais quitte son collège et part rejoindre son frère lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte.

     Nenette et Boni pourrait être une suite directe à US go home. Le temps aurait passé. Frères et sœurs seraient donc séparés. Et le jour où elle apprendrait sa grossesse elle quitterait le cocon familial – en l’occurrence le père a remplacé la mère – pour trouver une aide auprès de son frère qui lui manquait sans doute. Mais comme dans US go home, leur relation, à fleur de peau, est très violente, parce qu’ils se ressemblent. Du coup il est très vite question d’avortement en ce qui la concerne tandis que lui ne le souhaite pas. Elle souhaite d’abord mettre fin à cette souffrance puis accouche sous X. Lui la sauve in extremis de ses tentations suicidaires et s’en va prendre le bébé à l’hôpital, arme à la main.

     C’est un film très noir, plus encore que dans tous les autres films de Claire Denis. Pourtant c’est ci et là qu’elle insère des moments de grâce, suspendus, musicaux. Ainsi, la figure tant fantasmée est incarnée par ce couple de boulangers, récemment parents qui vivent des moments magiques. Lorsque l’on découvre Tedeshi et Gallo s’enlacer en dansant sur un morceau des Beach Boys on sait qu’on est chez Claire Denis, et ces mouvements corporels, cet amour vrai car muet.

     Ce n’est pas celui de ses films qui me touche le plus, la faute à une narration plus décousue, un montage plus abrupt. Néanmoins ça reste beau, passionnant, aérien – accompagné par le musique des Tindersticks – et comme toujours incroyablement bien joué.

Breaking news (Dai si gein) – Johnnie To – 2005

Breaking news (Dai si gein) - Johnnie To - 2005 dans Johnnie To 18383255

     5.0   Le film souffre de son ouverture monstrueuse. Un plan séquence de sept minutes, où l’on distingue la préparation d’un assaut au bas d’un immeuble où est effectué un échange entre gangster. S’ensuit une longue fusillade, que Johnnie To a l’intelligence de filmer au cœur de l’action tout autant qu’il sait s’en éloigner. Plan séquence quasi impossible qui permettait à Breaking news de démarrer sous de bonne augure. Malheureusement tout devient alors cousu de fil blanc. To ne sait plus s’il doit donner dans les gunfights ou le second degré. Il n’y a pas de psychologie de personnages, tout est visé sur l’action ou sur les quelques répliques qui donne l’apparence d’un cinéma décomplexé. Mais en filigrane, et c’est ce qui devient le plus important ensuite, la puissance des médias, comme vérité inattendue (la faiblesse de la police et cet homme qui demande grâce les mains levées) poussant le blason policier à être décrédibilisé aux yeux de la population, mais médias aussi comme mensonge organisé. Une femme capitaine arriviste (qui pourrait tout aussi bien faire carrière en présentatrice télé réalité) s’apprête à se servir des images à leur avantage pour contrer ce fiasco. Un nouvel assaut dans un immeuble est préparé et il sera intégralement filmé (on met des caméras sur les casques des flics, dans les immeubles d’en face, le but c’est de filmer) de façon à ce que tout soit minutieusement rapporté, dans l’espoir que l’opération soit une réussite. C’est en somme le seul intérêt de ce film, sans doute du même coup trop schématique et peu passionnant pour véritablement convaincre, comme To savait le faire, en créateur d’ambiance dans Exilé ou Vengeance.

Deux jours à tuer – Jean Becker – 2008

deux-jours-a-tuer   3.5   J’étais surpris de voir à quel point fonctionnait plutôt bien la première partie du film. Tout est relatif évidemment, on est chez Jean Becker, très souvent les dialogues sonnent faux, la mise en scène est sans extravagance, généralement en champ/contrechamp et les mots des uns arrivent en réponse à ceux des autres du tac au tac, sans donner de vie, sans passer au-delà de l’écriture. Deux jours à tuer ne déroge pas à cette règle, pourtant pour la première fois j’ai l’impression que Becker a voulu un peu faire son Blier, qu’il en a eu marre de ses gentils personnages habituels, toujours bien dans leurs pompes, toujours irréprochables même quand ils ne sont pas aimables. Non cette fois-ci il s’agit d’un homme qui décide du jour au lendemain de tout envoyer balader. Sans doute qu’il s’est réveillé un matin, et qu’un excès de clairvoyance lui a permit de se rendre compte de la vacuité de son existence. Un bon boulot fait de mensonges qui lui rapportent gros, une jolie petite femme au foyer, deux enfants, des amis qui ne parlent que de leurs réussites, tout ça il en a soudainement tellement marre qu’il envoi tout bouler de façon assez jubilatoire à défaut d’être comique. Oui, car c’est fait méchamment, à la manière de Dewaere dans Coup de tête, mais c’est différent car les gens autour de lui ne lui ont pas fait grand chose si ce n’est d’avoir été comme lui, de l’avoir suivi, de l’avoir aimé. Le film marche donc un temps parce qu’il surprend, il est limite malsain, comme durant ce repas de famille où il critique un à un les dessins que ses enfants lui ont offerts pour son anniversaire, ou encore lorsque dans une fête lui étant concerné, il déballe ses quatre vérités à ses amis convives les humiliant tour à tour, jusqu’à sa propre femme. Je n’aime pas ce que cherche à dire le cinéaste avec ce personnage pour lequel il espère que l’on va s’attacher, mais je me dis que quelque chose peut émerger de tout ça. Non, le gros problème c’est la deuxième partie du film, c’est le revers de la médaille, celui qui montre la véritable identité de Becker. On découvre un Dupontel qui a tout lâché pour retourner voir son père en Irlande, qu’il n’avait pas vu depuis trente ans, ce père qui avait fui tout comme lui le domicile familial à l’époque et ne fait dorénavant que pêcher à la mouche. Deux trucs fondamentaux me répugnent alors au plus haut point. On apprend d’une part, dans les cinq dernières minutes, que cet homme (Dupontel) est malade, comme un twist, qu’il a fait tout ça parce qu’il n’avait plus que quelques jours à vivre. Manipulation affective et donc narrative depuis le début, et le film tombe dans un atroce pathos, c’est une chose. Mais le pire c’est ce que cherche à dire Becker : Cet homme a envoyé balader tout son entourage c’était dans son droit, mais c’est cette façon de le faire qui est finalement plus que disgracieuse, carrément répugnante. Sauf que la fin permet une inversion des choses, avec la présence du père qui ne répondait jamais aux lettres de ses petits enfants : Tout cela n’était que mascarade mais comme cet homme était malade il ne faut pas trop lui en vouloir, il a agit dans le bien de tous. D’autant plus sale lorsque le film se termine sur les retrouvailles du grand-père venu annoncer la mort de son fils auprès d’une famille qu’il ne connaît pas, et sur ce dernier plan d’une femme qui pleure, parce qu’en fin de compte c’est elle la coupable. Becker n’avait en fait rien à dire de nouveau, il s’est fait passer pour le méchant loup pendant les trois quarts de son film pour ne déboucher que sur son habituel cinéma de misère et réac, déballant son couplet pantouflard sur la vieillesse et la mort.

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