6.0 Araki fait un cinéma que je n’aime qu’à moitié. D’une part je n’y vois aucune atmosphère singulière, aucune séquence réellement portée par une autre, dans un élan homogène. Il y a des récurrences, une façon de faire, mais tout intervient selon un principe de cassure à chaque idée intéressante, comme si le cinéma d’Araki n’était en fin de compte que bande dessinée. Le problème, donc, ce n’est pas tant ce montage épileptique, en un sens légitime, puisqu’il s’agit encore de lier la drogue et le sexe, une espèce de réalité à des hallucinations, un trip délirant et imparfait qui trouverait son climax principalement dans la toute fin du film. C’est un peu ce qu’on peut dire de The doom generation, c’est aussi ce qu’on peut dire de Kaboom. Quoique ce dernier soit tout de même plus agréable pour les yeux, ce qui ne l’empêche pas non plus d’être foutraque. Ces deux films se ressemblent tellement, dans l’histoire, l’évolution, mais aussi jusque dans les répliques que l’écart temporel qui les sépare (quinze ans) me laisse sceptique quant aux véritables enjeux proposés par le cinéaste. J’avance un sentiment uniquement basé sur le visionnage de ces seuls deux films, tout pourrait donc changer lorsque je verrai Nowhere ou encore Mysterious Skin, mais ça m’inquiète un peu. Cela dit ce sont des films futiles, sur la jouissance, une certaine crudité de la jeunesse, le plaisir de l’extrême. Et je préfère nettement quand cette futilité est entièrement assumée, ou lorsqu’elle vise uniquement à parler de sexe, sans apporter de vision du monde autre que celle du plaisir sexuel, bi, assumé, inconscient, inconséquent. Voilà pourquoi je préfère Kaboom. La fin de The doom generation est intéressante parce que provocante, couillue, mais elle s’appuie essentiellement sur une vision de l’Amérique, la triturant de façon cynique. Kaboom aussi finalement, mais en arrière fond, le plaisir est ailleurs. Kaboom est un film ultra sexy, quand The doom generation répugne, ou du moins n’attire pas. Les deux fins suffiraient à illustrer cette idée. De toute façon cela se voit aussi dans les rapports. Dans l’un, tout le monde peut potentiellement coucher avec tout le monde, on y voit des gens à poil, qui parlent de cul et baisent à tout va, c’est rose, c’est bi, c’est aussi surprenant qu’excitant. Dans l’autre, aussi porté sur le cul, les rapports sont moins aimables, on y lèche son propre sperme, on dit et on se met des doigts dans le cul, il y a ce fantasme récurrent de la double pénétration, le bi est façon de parler refoulé (cyniquement montré dans le générique initial : The doom generation, un film hétérosexuel de Gregg Araki) et puis ne serait-ce que dans la violence (plutôt absente dans Kaboom, en tout cas déréalisée, grotesque) plutôt extrême, même si volontairement kitch, où un type se fait percer la bite par une épée, un autre perd son bras, l’autre sa tête, avant que le film n’accouche sur une scène de viol puis de découpage de sexe immonde mais assez émouvante, si on la transfère métaphoriquement en castration voulue par la jeune femme pour se débarrasser de ce petit ami et partir avec un autre. C’est intéressant. Le film est moins subtil mais il réserve des choses tout de même. Et à aucun moment il ne dit où il se situe vraiment. Dans le rêve, la réalité. Les personnages en viennent même à en parler, à se poser la question. On saura juste qu’ils sont poursuivis, comme s’ils étaient en plein bad trip post speed (ils en prennent en tout début de film) par des types qui disent les connaître, par le chiffre diabolique puisque à chaque achat ils doivent payer 6$66, par des chambres aux couleurs vives, par le sexe comme unique vrai moteur de ce moment d’existence éphémère.
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