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Archives pour 22 décembre, 2010

Outrage (Autoreiji) – Takeshi Kitano – 2010

Outrage (Autoreiji) - Takeshi Kitano - 2010 dans Takeshi Kitano 9968

     4.0   Il aura fallu passer par l’insupportable Achille et la tortue pour que Kitano revienne à ce qu’il fait de mieux. Non pas qu’il ait retrouvé la verve de ses plus belles réussites (Hana-bi, Dolls et dans une moindre mesure Sonatine, Zatoïchi) mais c’est un début, pourquoi pas un nouveau visage. Les premières minutes sont excellentes, elles contrastent avec le début de son précédent qui jouait la carte dessin animé basique pathétique. Outrage commence sur des gueules, une multitude de gueules, puis on aperçoit plus bas les costards, et dans le fond des voitures noires toutes identiques. On est dans un milieu Yakusa, aucun doute. La première discussion à laquelle nous assistons concerne un problème entre deux clans, et le film se reposera intégralement sur cette dissension, provoquant mensonges en tout genre, volonté d’ascension à la reconnaissance des supérieurs puis plus directement au pouvoir. Un grand patron tire les ficelles. Pour avoir passé un pacte fraternel avec le clan Murase, ce qui n’est pas du goût du big boss, le clan Ikemoto doit semer la pagaille, à l’aide du clan Otomo, de façon à ce que les liens se dissolvent pour ensuite acquérir le territoire Murase. Tout n’est très vite qu’enchaînement, les uns sont au service des autres, le but étant de s’entretuer sans vraiment s’entretuer. Le patron souhaite se faire son affaire solo, simplement épaulé par un bras droit qu’il humilie pendant tout le film, lequel s’en retournera finalement contre lui. Evidemment, niveau scénario, pas de quoi crier au génie. La première partie du film est un inlassable enchaînement de coup-bas, trahisons, façon on discute, on se coupe un doigt, on discute, on se prend une balle, on discute, on se retrouve très vite une pelle en main. En fait, on parle beaucoup dans Outrage, c’est exténuant. Du coup, après l’entrée en matière, le film s’essouffle et devient lassant, dans son schéma répétitif. Tout cela aurait presque mérité d’être muet, tout le bla bla est sans intérêt, surtout qu’il n’est là que pour nous faire tout comprendre. A la limite j’aurai préféré que rien ne soit dit, que l’absurde soit vraiment absurde, qu’il n’y ait pas de récit apparent. Lorsque le film s’envole un peu, quand il est moins bavard, qu’il se concentre davantage sur l’action, je me mettais à rêver d’un truc complètement envoûtant, un truc qui ressemblerait au dernier Jarmusch, The limits of control. J’aime la fatalité qui pèse sur les épaules de chacun de ses hommes. Ils acceptent de perdre leur doigt, de prendre leur retraite, de mourir dignement. En fait, ils acceptent tout au compte du type au-dessus de chacun d’eux. Ils humilient, puis sont humiliés, c’est la logique yakusa, leur logique. Il faut être plus malin que son prochain, et surtout avoir une avance systématique sur lui. Ils sont tous en sursis. J’aime l’idée de ce genre de films qui ne dit rien (ou presque rien – la place de Kitano lui-même dans ses films, l’intérêt est souvent ici) mais qui avance selon une logique implacable, le truc c’est qu’ici j’ai vraiment du mal à m’y plonger vraiment, ni même à prendre du plaisir, tout cela m’ennuie prodigieusement, à l’image de cet arriviste américain baladé dans tous les sens, même pas drôle. Il y a bien les vingt-cinq dernières minutes tout de même, où le film décolle, où il se veut plus direct, plus fatidique, mais dans l’ensemble je trouve ça moyen quand même.

Les petits mouchoirs – Guillaume Canet – 2010

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To be true.     

   3.5   Guillaume Canet a tout compris, c’est édifiant. Quand il n’est pas dans la performance, il cherche à séduire, par tous les moyens qui lui sont possibles. L’utilisation musicale abusive, et sous forme de clip, pas simplement en fond sonore. L’omniprésence des larmes, en gros plan généralement. La volonté de montrer la cruauté de ce voyage, mais d’en montrer aussi les remords. Quelques blagues potaches pour que ce ne soit pas trop plombant non plus. Et une tripotée de stars. Sur ce point, Les petits mouchoirs commence assez mal. Pourtant on dit partout que c’est un film sur la vraie vie, les vrais rapports, Canet dit lui-même qu’il est un peu tous ces personnages, que c’est un film très personnel, que c’est le film de sa vie. Mais pour parler de personnages, encore faudrait-il qu’ils aient le statut de personnages, non de stars. Moi je ne vois pas de groupe sur lequel je peux m’identifier, je vois un casting qui sort du tapis rouge, qui plus est lorsqu’on les découvre pour la première fois à l’hôpital, tous ensemble. Franchement ça impressionne. On a envie de dire : « Tout le monde est là, c’est bon, on peut commencer ? » donc niveau dramaturgie c’est le point mort mais surtout il est impossible de s’identifier. Et puis comment parler d’un film qui fait naître de véritables émotions (c’est ce qu’on entend aussi partout) quand toutes les situations les plus lourdingues sont accompagnées musicalement, et pas n’importe comment hein, c’est Antony & the johnsons, Nina Simone, Band of Horses etc… Enfin c’est bien, c’est agréable à l’écoute mais c’est chargé quoi. Evidemment comment ne pas pleurer. J’en étais vraiment pas loin par moment, et puis j’essayais de me convaincre de m’en éloigner, me persuadant qu’on me manipulait. C’était le cas. Chaque fois un gros plan, chaque fois une musique. Bien entendu à certains instants ça passe, on se laisse malheureusement happé. Bien heureusement parfois c’est tellement grotesque que ça en devient risible. Et comme s’il s’agissait d’un hasard, il y a dans chacun de ces moments la présence de Gilles Lellouche, soit l’acteur le plus détestable du monde. A commencer par une scène de rupture, en plein Paris, où le bon vieux Gilles se donne en spectacle devant les restaurants pour ne pas perdre sa bien aimée. Affligeant. Qui fait ça, sérieusement ? D’ailleurs la scène, à l’image du film, se terminera bien, comprenez de façon émouvante, juste dirait sans doute Canet. La nuit est tombée, Lellouche escalade jusqu’à l’étage pour rejoindre cette femme qui dort à poings fermés. Il l’observe, s’aperçoit qu’il l’aime, et donc que s’il veut respecter cet amour qu’il porte pour elle il doit la laisser filer. Gilles le beauf est devenu Gilles le juste. Un peu plus tard il y a une scène extraordinaire, le genre de scène de film (surtout celui-ci) que si tu as le malheur de laisser échapper un fou rire nerveux, ou ne serait-ce qu’un pauvre rictus, la salle, en larmes et petits mouchoirs au nez, t’égorge sans ménagement. Cotillard est enceinte. On le sait depuis un moment tellement la scène en question était subtile. Mais Cottilard fume toujours beaucoup. Et c’est d’ailleurs incroyable, il n’y a pour ainsi dire pas un plan où Cotillard ne fume pas de pétard, j’y reviendrai parce que c’est intéressant. Donc, Cotillard fume. Lellouche le juste entre dans la pièce, s’assied à ses côtes. Le Lellouche du début l’aurait violé. Le nouveau Lellouche lui ôte le joint qu’elle tient en main et l’écrase, puis pose la main sur son ventre, en faisant un léger non de la tête. Cotillard s’effondre. Je me suis contenu. Après ce n’est vraiment pas une question d’interprétation. Je trouve Cotillard excellente dans ce film, son meilleur rôle depuis Taxi. C’est vraiment une question de mise en scène. Canet est un vrai plouc.

     Pourtant j’aime pas mal de choses dans ce film, vraiment pas mal de choses. A commencer par cette relation particulière entre Cluzet et Magimel. Tuée dans l’œuf lors d’une explication assez hideuse mais j’essaie d’oublier cette issue. Magimel et Cluzet sont potes depuis longtemps, et même que Cluzet fait des séances de kiné chez son ami. Magimel est marié, il a un enfant, mais il éprouve quelque chose qu’il peut difficilement affronter, il est amoureux de son ami. Il ne sait pas comment, puisqu’il n’a pas envie de faire l’amour avec lui, ni de l’embrasser mais il est amoureux. Mais attention, Magimel répète maintes fois qu’il n’est pas pédé, on l’aura compris. De toute façon ça se saurait, aurait-il pris du plaisir lors de la pipe d’Huppert dans La pianiste ? Je m’égards. Donc, cette relation amicale devient très vite une relation qui perturbe un peu tout le monde, puisque c’est une non-relation. Magimel est très gêné, Cluzet est énervé, pire il a peur. Ils ne se parlent plus, s’évitent au maximum. Magimel joue donc un personnage très touchant, et vraiment je l’ai trouvé touchant. Quant à Cluzet, le personnage clown du film, il devient complètement taré. A leur arrivée au Cap Ferret, il fait un scandale parce que la pelouse n’est pas tondue depuis trois jours, puis il se met à chercher des fouines qui hantent son toit et ses nuits. Il perd la boule, à ne plus parler à personne, à ne plus dormir. Et Cluzet est drôle c’est incroyable. J’ai toujours eu un problème avec cet acteur (aussi infime soit-il, par exemple ça me gênait déjà dans le très beau film de Giannoli : A l’origine) qui me donne l’impression d’exagérer en permanence, d’être continuellement dans une emphase théâtrale. Ici, le rôle lui sied à merveille, il peut s’en donner à cœur joie, il est en roue libre et ça passe pour notre plus grand plaisir. Les situations les plus rocambolesques ce sont celles initiées par ce personnage. La surprenante engueulade du gosse de son pote qui trichait à un deux trois soleils. L’annonce publique de la véritable identité sexuelle de son ami. La destruction d’un mur à la masse pour se farcir une bonne fois pour toute ces satanées fouines. Et d’autres situations encore. Car il y en a certaines aussi qui permettent de découvrir Valérie Bonneton, une actrice épatante, qui interprète sa propre femme. Elle est excellente, autant dans son abandon que dans sa prise de pouvoir. Heureusement car les autres femmes sont effacées. Même Cotillard. Elle rumine la pauvre, elle ne trouve pas chaussure à son pied, l’amour semble être un point d’interrogation pour elle, et puis le seul qu’elle ait jamais aimé, sans pour autant que cela se concrétise et bien il est aujourd’hui sur un lit d’hôpital, entre la vie et la mort, sans vraiment qu’elle sache qu’il est plus proche de la mort.

     Oui car il s’agit quand même d’un film sur la mort. Enfin dans un premier temps sur l’absence. Mais plus tard sur la mort. Leur ami à tous a eu un accident de scooter (scène d’entrée impressionnante au passage, même si prévisible, même si trop illustrative) mais ils décident d’un commun accord de tous partir en vacances en pensant à lui. Ils devaient partir un mois, ils tablent sur quinze jours. Ils ont un grand cœur. Quand ils reviendront pensent-ils, l’accidenté ira mieux. Pas de bol bien entendu. La mort de Dujardin (il fallait quand même avoir des cojones de malade pour foutre dans un film Dujardin sur un lit d’hôpital, Dujardin l’acteur français que tout le monde adore. Bon finalement c’est comme tout le reste, on se dit que si Lellouche avait été à sa place, l’effet aurait sans doute été moindre) apparaît au moment où l’on s’y attend presque le moins, et elle est dite assez méchamment, intensément par un de leurs amis autochtone, ostréiculteur – le meilleur acteur du film qui d’ailleurs n’en est pas un – qui leur annonce ça en même temps qu’il les mets tous face à leurs futilités quotidiennes qui ont nourrit l’ensemble des vacances. L’ambiance devient cruelle. Mais cette scène est réussie. Le film aurait dû s’arrêter là, et nous aurait épargné toute cette sensiblerie larmoyante autour du cercueil de Dujardin. Chacun y dit quelques mots, puis on est au cimetière, ça dure trois plombes. Tout ça accompagné musicalement, on se croirait dans Grey’s Anatomy. Bref c’est assez atroce. C’est quand même dommage pour un film entre potes, sur l’absence, de ne pas lui offrir la puissance d’un film de Sautet, lequel Canet dit s’être inspiré, avec Cassavetes, on croit rêver. Chez Sautet  il y avait de vrais liens, puis une véritable tension, comme dans la scène du gigot, dans Vincent, François, Paul et les autres. Il y avait aussi, ce qui ici est totalement absent, de très longues scènes de groupe, comme la partie de football ou le match de boxe. Là il y a des séquences de mal aise essentiellement, comme le coup de gueule de Cluzet, mais on est plus généralement du côté de la farce, en partie grâce à la présence de Laurent Laffitte, étonnant sosie de Michel Lebb, qui n’est autre que le gros boulet de la bande. Il y a aussi cette belle scène où Cotillard, traînée par ses amis masculins sur une sorte de bouée tirée par un bateau, perd totalement son calme, on voudrait que ça dure mais ça ne dure pas. Rien ne dure, jamais. Dans Les petits mouchoirs je ne crois à aucun des liens, aucune des pseudos tensions, il y a bien quelques scènes ci et là qui fonctionnent mais c’est maigre. Les personnages sont tous à mettre dans des cases, aucun n’évolue, donc aucun n’existe véritablement, c’est un peu dommage.

     De toute façon, le titre, d’emblée, suffisait à faire peur : Les petits mouchoirs. Un film sur un groupe d’amis qu’on appelle Les petits mouchoirs. Kasdan, sur le même pitch, avait fait Les copains d’abord. Poiré, sur l’idée des retrouvailles de groupe avait fait Mes meilleurs copains, Sautet sur un pitch là-aussi similaire, avait fait Vincent, François Paul et les autres. Il y a cette notion de groupe dans ces titres, avant tout. L’absence, la perte, le temps ne sont qu’un prétexte. Dans Les petits mouchoirs, le prétexte c’est malheureusement le groupe.

     Et puis il y a quelque chose d’assez désagréable, et en continu dans ce film, c’est l’obsession de Canet pour le paraître cool, l’obsession pour le bon goût. Je parlais tout à l’heure de Marion Cotillard qui ne cesse de fumer. C’est l’exemple parfait. C’est comme si Canet faisait son film en fonction de certains détails, qu’il écrivait ses scénarios autour de détails. Cotillard fume des joints non-stop, ça fait bien ça, ça fait libre. Cluzet en père de famille d’apparence modèle dit d’un coup plein de gros mots, en perd son latin, c’est rigolo. Et puis Magimel est peut-être gay, ça fait bien d’avoir un ami qui a une attirance homosexuelle dans un film. Tellement bien que l’on apprend plus tard que Cotillard aussi a des expériences avec des femmes, ça lui a plu ça à Canet, il était tout chose. Au début, Cotillard couche avec Mathieu Chédid, et lui demande de ramasser sa capote, elle est pleine de sperme. Ça aussi ça fait cool, a dû se dire Canet, ça fait pas conformiste c’est bien. Et puis Cottillard va pour se mater un film, pas La septième compagnie, c’eut été la faute de goût, mais Coup de tête, la classe ! Même délire cool pour toutes ces séquences sportives. Ou par exemple le côté nostalgique des vidéos des années passées, ça aussi c’est bien, ça fait cool. Les personnages de Canet, à trop vouloir plaire, en deviennent pas intéressants. Et puis à aucun moment il s’immisce dans leur intimité, il faut sans cesse qu’ils soient plusieurs dans le plan. Ça en devient assez lourd. Reste quelques moments gags. Alors on cherche Cluzet partout et c’est plutôt marrant comme jeu. Reste aussi que le tout devient attachant, sans que je ne sache trop pourquoi. Ce n’est pas un film sympathique, pourtant il me fait l’effet d’un film sympathique. Il ne m’énerve pas comme le dernier Doillon par exemple. Il ne m’ennuie pas comme le dernier Kitano. Il ne m’est pas antipathique comme le dernier Coen. Sa naïveté me le rend sympathique, comme le dernier Blier. Mauvais mais sympathique. De toute façon, sympathique n’a jamais été un compliment, cinématographiquement tout du moins.


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