Les jeux de société.
4.5 Adaptation d’une pièce de théâtre, comme l’était avant lui Huit femmes, Potiche n’est rien d’autre que du théâtre filmé. Au pire c’est insupportable et suffocant. Au mieux c’est agréable, on passe un bon moment, et même si le film cherche à dire des choses intéressantes, il ne les véhicule pas par la mise en scène, souvent absente. Heureusement, Potiche appartient à cette deuxième catégorie. Très peu au tout début du film tout de même, les premières minutes sont hideuses. Disons que d’entrée (avec cette femme qui fait son jogging, parle aux animaux, affronte un mari despote et naïvement fait tout ce qu’il lui dit de faire) la mécanique tant attendue est en marche, mode Ozon, gros sabots, pantouflard, cliché à la manière de « je ne peux pas voir tes clients, je ne dois pas faire la cuisine, mais où est ma place ? ». Pourtant c’est d’abord dans la reconstitution que le film interpelle bien avant de séduire. Tout est kitch, criard, gentiment rétro, hyper appuyé (dans le bon sens : anti-naturaliste) et le film semblerait aussi vieillot s’il avait été fait dans les années 70.
Puis peu à peu quelque chose de savoureux, dans les rapports, la réplique commence à se créer. Lorsque le mari tente d’apaiser une grève qui le mène à être séquestré, dérailler puis faire un infarctus, c’est la femme potiche (qui fait ça si bien depuis plus de trente ans) qui est amenée à reprendre les rennes. Schéma basique et attendu encore une fois. Mais c’est grâce à sa palette de personnages que le film rebondit. Car Luchini est excellent mais ça ne suffirait pas. Il y a d’abord les interventions (comme au théâtre) de la fille, qui ramène ses problèmes de cœur dont on apprend aussi à connaître les penchants politiques, très proche de son père. Il y a l’arrivée du fiston, fils à papa d’apparence, rebelle dans les faits, qui ne veut ni parler de l’usine de son père, ni de politique (ou alors seulement la politique de l’art) mais de son aventure amoureuse (qui pourrait très bien être de l’inceste contre son gré, ça il faudra attendre pour le découvrir) et de ses choix professionnels incertains. Mais c’est en la présence de Depardieu, en député-maire communiste que le film s’envole un peu encore. Evidemment tout ça n’est que du théâtre. Mais les acteurs en l’occurrence sont excellents. On se prend au jeu même si ça fait un peu politique d’entreprise pour les nuls. On se prend au jeu même si c’est un film d’étiquettes. De toute façon ça l’était déjà sur l’affiche du film, chaque personnage portait une étiquette sur son front qui ne lui correspondait plus, comme si tout avait été bouleversé, redistribué. Et Ozon joue beaucoup de ça.
Le problème de ce cinéaste c’est la question de la distanciation qu’il offre avec ses films. Quand il fait Huit femmes, Potiche et même Sitcom je ne vois là aucune prétention, juste la volonté d’éveiller des sujets de sociétés, un peu barrés, théâtraux mais volontairement dérisoires. Ses films plus sérieux ne fonctionnent jamais. A l’exception de 5×2 qui restera encore aujourd’hui un grand mystère pour moi. Potiche ne révolutinne pas, il ne cherche pas à le faire. On pouvait s’attendre à un film féministe un peu bateau mais même là Ozon s’intéresse à l’évolution de ce personnage dans sa prise de pouvoir et sa volonté de reprendre les rennes matriarcaux qu’elle a définitivement perdu dans son foyer (il y a une très belle scène où la femme se voit refuser l’éducation de ses petits enfants par sa fille parce qu’elle est trop laxiste). Madame Pujol, désormais élue député (sans étiquette – l’expression est marrante) s’en va chanter une hymne à la vie (on reste dans le kitch, Ozon assume) après avoir remercier ses votants et les avoir réduit à être ses propres enfants, qu’elle veut chérir et cajoler. C’est donc moins une prise de pouvoir féministe que la volonté de revivre (par la jeunesse – une femme au marché dira que la Pujol rajeunit) une situation de famille à l’échelle du monde (enfin d’abord d’une région) et c’est à mon sens ce que réussit de mieux le film.
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