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Archives pour 10 février, 2011

Poupoupidou – Gérald Hustache-Mathieu – 2011

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Ice walk with me.    

   6.0   C’est avec une sympathie toute particulière que ce film s’est imposé comme une bonne surprise relative. A hauteur de ses moyens, soit pas grand chose, Gérald Hustache-Mathieu, dont ce n’est que le deuxième film, nous fait son Twin Peaks, retient quelques bons éléments, en enterre d’autres, mais il a surtout la riche idée, sur le papier, de s’en aller tourner en Franche-Comté, dans la ville réputée comme la plus froide de France, Mouthe. Et construire, autour de ce lieu, tout un scénario en béton tournant autour de la mort d’une jeune présentatrice télé, vedette provinciale, égérie d’une marque de fromage du Jura, retrouvée dans une sorte de no man’s land enneigé, raquettes aux pieds, médicaments en mains. Ce n’est plus Laura Palmer dans un sac en plastique mais Candice Lecœur dans un linceul de neige.

     En parallèle, après avoir débarqué dans la région pour y voir s’envoler intégralement (excepté un chien empaillé) un héritage bidon, David Rousseau, écrivain de roman à succès en panne d’inspiration, va se servir de cet événement, très rapidement classé, pour d’une part agrémenter son nouveau récit, qu’il nomme pompeusement No man’s land, puis pour s’intéresser de plus près, presque intimement à la disparition de cette femme, qui laisse derrière elle de nombreux carnets relatant son quotidien depuis ses 13 ans, et une multitude d’indices étranges laissant penser à l’écrivain arriviste que ce suicide si évident pourrait très bien être un meurtre. En tentant d’emprunter une gestuelle et une volonté à la Dale Cooper, Jean Paul Rouve est à la fois très drôle (on n’atteint cependant pas la personnalité de son référent américain, plus inventif, plus mystérieux) et n’en fait pas des caisses, et les petites références au film de Lynch (l’Iphone a remplacé le dictaphone de Cooper, l’ouïe hyper sensible a remplacé les intuitions hasardeuses, les bons bains succèdent aux repas sucrés, et l’humour à toute épreuve est toujours de mise) sont très savoureuses, même si les tics de la comédie populaire viennent enrayer la machine, c’est à dire que l’on tourne plus du côté de Mystère de la chambre jaune que vers de vrais polars américains, que le cinéaste aimerait tant apprivoiser. Ce n’est pas un péché d’orgueil, Gérald Hustache-Mathieu a conscience qu’il ne peut rivaliser avec ses références, mais plus que par manque de moyens, ça semble essentiellement être une question de choix. Choisir le polar au risque de s’ennuyer, de paraître ridicule. Ou choisir la farce et assumer son statut de film du dimanche. A flirter entre les deux, le cinéaste donne l’impression d’hésiter, et le film en souffre ce qui n’était plus le cas de celui de Bruno Podalydès, parfait dans son genre.

     C’est que chez Lynch il y a un équilibre incroyable qu’il n’y a jamais ici. C’est à la fois la charge de l’enjeu dramatique, l’ampleur de la mise en scène, l’étrangeté de certaines séquences et surtout cette sensation fabuleuse d’avancer en se perdant. Poupoupidou, bien que brillamment écrit, ne prend jamais à la gorge (trop du côté de la farce) et cette histoire de solitaires accablés peine à émouvoir. Et même si le cinéaste propose un beau discernement quant à la dynamique des lieux et son climat, ces flash-back récurrents, et ce penchant pour faire à tout prix les choses vite, finissent par lasser. De la même manière ce délire un peu arty concernant la vie de la jeune femme, kitch et coloré ne prend pas vraiment, ni même dans ce genre de séquence (à la sauce Coen cette fois-ci, toujours de l’esquisse) pourtant bien sentie avec la guichetière de l’hôtel pulpeuse ou ces étranges scènes trop indépendantes qui voit le fils du commissaire se foutre à poil en haut d’un arbre, ou encore cette troupe de pompiers sourire aux lèvres et kiki à l’air. C’est rigolo mais ça ne dépasse pas ce stade là. Comme dans Twin Peaks, les habitants révèlent par moment des visages, des personnalités étonnantes, mais le cinéaste n’a pas le temps de vraiment s’y intéresser comme le faisait magnifiquement Lynch. Le truc le plus réussi c’est le scénario, le matériau de l’enquête. Les nombreux indices, les présomptions autour de certains personnages, les intuitions payantes, les objets, les figures, comme cette lettre sur le poignet ou la redondance du chiffre 5. Le cinéaste s’est beaucoup amusé à faire de ce film un écho aux puzzles Lynchéens, jusque dans la recherche d’une ambiance musicale similaire, en empruntant, sous une autre version, le titre Song to the siren, qui accompagnait une sublime séquence de Lost Highway.

     Problème est que tout mystère est au bout du compte envolé, il faut que l’on ait réponse à tout, et les derniers moments de la vie de Candice Lecoeur, qui ne sont pas écrits dans ses carnets (on visite le passé de Candice au gré de sa plume) nous ne devrions, selon la logique du film, pas les voir. Disons que c’est explicatif en plus d’être expéditif. Gérald Hustache-Mathieu n’assume donc pas ce matériau si intéressant, qui aurait pu en faire un Twin Peaks post-moderne (c’est drôle comme il cherche à donner à tout prix cette impression, il y a même un jeune qui joue à Heavy Rain) à la française dépaysant et passionnant, ne dépasse jamais le stade de simple (télé)film pour la famille. Avec un peu d’indulgence, on entre dans le jeu. Avec beaucoup, on commence à prendre du plaisir, à accompagner Jean-Paul Rouve dans ses découvertes, bien épaulé par ce Guillaume Gouix, seul flic à penser que toute cette affaire a été trop facilement oubliée, tandis qu’il aspire à intégrer la police canadienne, plus à l’affût selon lui des nouvelles techniques mode Les experts. Et quand la machine Poupoupidou est lancée, on ne l’arrête plus, ce sont les meilleurs moments du film : entre virée au King, une boite de nuit dans laquelle Candice avait été le soir de son décès puisqu’elle portait sur sa main le symbole de la boite (qui remplace la maison close de Twin Peaks, le Jack n’a qu’un œil, plus simple en fait), l’assimilation onirique à l’histoire de Marylin (le fameux Poupoupidou) et retour des frères Kennedy, plutôt Burdeau, préfet et président de la région. La fin est abrupte mais efficace. On a passé un bon moment puis on oublie. Il manque donc une personnalité au film de Gérald Hustache-Mathieu, je ne sais pas s’il la trouvera dans ses prochains films mais il a tout de même pour lui la dynamique de l’enquête, et pour un ancien lecteur chair de poule que j’étais, ah tendre enfance, c’est un moment aussi plaisant et ludique (autant qu’il est anecdotique) que le Crime d’amour de Corneau sorti l’an dernier par exemple.


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silencio


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