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Archives pour 15 février, 2011

Nue propriété – Joachim Lafosse – 2007

174%2Fcinemovies%2Fdf8%2F9b9%2F8a1dcd902e99fd1ea2d76daa0a%2F-movies-110545-7Nous ne vieillirons pas ensemble.  

     8.0   Voilà un film entièrement pour moi. Qui parle un peu de moi quelque part, et surtout avec une mise en scène que j’affectionne : durée des plans, climat explosif, cadre clinique. C’était l’histoire d’une famille, c’est l’histoire d’une famille disloquée. Seuls les liens fraternels ont survécu à cet éclatement familial. Après le divorce, le père est parti habiter ailleurs, avec une autre femme, la mère occupe le foyer de leur enfance, entretenant une relation avec le voisin, se cachant, évitant comme elle peut les conflits, atténuant par la même sa propre liberté. Juridiquement, la nue propriété constitue ce qui nous appartient mais ce dont on ne peut jouir. Pascale voudrait vendre sa grande maison, ouvrir une ferme auberge ailleurs tout en suivant son ami Jan. En se heurtant pour la première fois à ses fils, capricieux, quelque chose se casse, le climat s’alourdit et s’apprête à imploser. L’ambiance bon-enfant qui régnait jusqu’ici se transforme en jeu méchant, provocation insupportable. L’état fusionnel entre les deux frères (faux jumeaux) devient oppressant, dans leurs désaccords vis à vis des volontés de leur mère, violent, les blagues ne font plus rire, les complicités disparaissent. La réussite est telle que l’on croit éminemment à ce changement invisible. Le climat n’est pas invivable non plus, tout fonctionne en saynètes. D’un repas où le ton monte furieusement, Lafosse y succède une partie de ping-pong. Comme à la bonne époque ! Cet état fraternel très fort, qui sait passer au-dessus des événements inéluctables actuels me rappelle celui que j’ai vécu, il y a quelques années. Mais nous avions vécu cela plus jeune, différemment, nous avions su rebondir très vite, ne pas se laisser emprisonner de nostalgie, d’habitudes tenaces nuisibles au climat familial, passer à autre chose intelligemment. Dans le film, ils sont beaucoup plus âgés, encore maternés, alors qu’ils sont en âge de travailler, d’avoir des enfants même. Trop attachés à cette maison d’enfance, dans laquelle ils ont leurs souvenirs, dans laquelle ils répètent incessamment tous leurs jeux – tour de moto-cross, ping-pong, console vidéo – et leurs habitudes d’enfants – le bain commun en est l’exemple parfait. Puis dans une accélération des choses, où la mère s’en va provisoirement après une altercation déstabilisante avec son fils, provoquant une sorte d’avant goût d’un futur désormais inéluctable et proche, une scène violente survient, partie de rien, un accident. Tous sont alors réunis à la fin du film, comme un dernier instant cruel. Les derniers mots du père envers son fils sont bouleversants « nous quatre ça n’a pas marché, c’est tout » et ce cadre si étouffant depuis le début du film, sans cesse occupé, sans cesse dans une angoisse progressive, s’en va de lui-même, à la manière de Maurice Pialat dans La gueule ouverte. Nous nous éloignions de cette maison, sillonnons les routes entre forêts et champs et le film s’achève. Tout est à reconstruire. Chacun de son côté.

Naissance des pieuvres – Céline Sciamma – 2007

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Water lilies.

   8.5   Les pieuvres dans le titre ont un double sens. Pieuvres comme la naissance de ces reines du bassin, de ces jeunes sirènes de la natation synchronisée. Un faux sens ici. Ce n’est pas ce qui intéresse Céline Sciamma, ce n’est que le décor. Pieuvres comme ce qui tiraille à l’intérieur, des sensations nouvelles comme des tentacules qui agitent les sens. Cueillir un état de l’adolescence, l’effervescence des premiers émois, les amours indicibles, les petits riens si étranges qui font la richesse de cet âge de la découverte, première guerre avec soi qu’on a le sentiment de vivre comme des adultes. Voilà le véritable sens de ce titre si beau, si poétique, si grave. Pas d’adultes justement ici, même pas au second plan, tout est vécu de l’intérieur, une simple génération qui agonise de ses amours imaginaires, qui refoule ce corps offert, qui n’accepte plus son propre statut. Trois filles. Trois jeunes femmes de quinze ans. Deux amis de longue date, puis un glissement. L’appel de l’amour qui supplante l’amitié. Un amour si fort, si bancal aussi, mais une force indicible, indomptable. La cinéaste filme des instants suspendus, soutenus par la musique de Para One, qui donne une dimension cosmique au film, comme les scènes de boites, filtre rouge, complètement détachées, presque rêvées. Et puis des gestes, des manières auxquelles on ne s’attend pas. Une fille qui observe un plafond et l’assimile à la dernière impression de l’œil avant la mort. Le culte de l’autre par l’objet, l’attirance à s’oublier, à manger une pomme pourrie. Un moment on y enterre un soutien-gorge dans un jardin. On saute dans une piscine en y sortant peu avant la noyade. C’est tous ces gestes inexplicables, sans jugement, qui nourrissent l’intelligent récit de Naissance des pieuvres. Je ne regrette qu’une chose, que la jeune cinéaste n’ait pas mieux filmer les lieux, dans lesquels je vis depuis plus de vingt ans. Eric Rohmer avait donné toute une singularité étouffante et joyeuse à Cergy et ses alentours dans L’ami de mon amie. Céline Sciamma s’installe dans certains recoins, la piscine tout particulièrement, mais elle a du mal en extérieur à se détacher de ses plans serrés sur les visages. Il lui manque une variation, un détachement. Son récit lui permettait largement. Et une durée de plan plus intéressante aussi, pour installer l’angoisse, pérenniser le doute, le mal aise du corps dans cet espace. Tout le monde ne s’appelle pas Claire Denis. Mais avec le temps j’oublie ces points, aujourd’hui ils ne me gênent plus, j’ai appris à adorer le film comme on me l’a offert. Pour en revenir au récit et plus particulièrement à cette fin, comme bouquet final de sensations à différents étages, j’ai trouvé ça prodigieux. La cinéaste s’est aisément affranchi des stéréotypes de l’adolescence, son film ne cesse d’être surprenant et offre trois rôles de personnages absolument incroyables. Il y a des instants – la fin en fait donc partie – carrément déchirants. Et puis cette dernière phrase « Tu vois, c’était pas si difficile » si dure, puisqu’elle traduit parfaitement ces désirs croisés adolescents, entre celle qui rend service et l’autre qui voudrait qu’elle l’aime. Adolescence, monde cruel. Qu’importe alors les points faibles, le plus réussi dans ce film c’est cette impression de dépasser la fiction, d’assister à une mise à nu, une confidence douloureuse. Le regard final est bouleversant.

Angèle et Tony – Alix Delaporte – 2011

finMusique normande.    

   5.0   Alix Delaporte réalise un premier long métrage sensible. Sa réalisation manque de personnalité, d’impudeur aussi peut-être, mais il en ressort une justesse remarquable qui permet à ce petit film d’atteindre une émotion inattendue et forte. Inattendue parce que tout est plus ou moins prévisible. Cette façon d’abattre ses cartes au plus vite, toutes ses cartes. Dès l’instant qu’il y a l’enfant, on pense à cette fin. Pourtant le film m’a touché. Parce que l’acteur qui incarne Tony est magnifique de retenue, d’élégance. Parce que Clothide Hesme surprend par cette espèce de jeu sauvage, grimaçant, inquiétant. Mais aussi parce que le petit garçon est excellent, je préfère le souligner parce que c’est rare. Et puis il y a cette façon de filmer la mer, le relief, le milieu de la pêche qui me plait beaucoup. Alix Delaporte a tiré quelque chose de beau de la Normandie, qui n’est pas forcément la région la plus simple à filmer. Il y a aussi un temps accordé à l’avancé des sentiments, qui est très beau. Il n’y a qu’à la fin où la cinéaste semble être pressé d’en finir. Personnellement j’aimais bien cet état transitoire, avec cette double attirance muette, presque mystérieuse, et cette inquiétude permanente de cette femme pour l’avenir de son enfant, ce climat familial normand tenace mais tout près de l’implosion. Il y a des moments magnifiques. Mais qui auraient pu l’être davantage. C’est un message au cinéma français dit sensible, ou cinéma de la chronique, cinéma réaliste : Arrêtez de mettre de la musique d’accompagnement partout, c’est plus possible. Dans Les petits mouchoirs c’était la machine à tubes pendant plus de deux heures, c’était nul. Ici, c’est la musique qui ronfle, des petites notes de piano discrètes, mais qui couvre les autres sons. Et bien c’est aussi nul. J’avais laissé le bénéfice du doute à la cinéaste concernant l’extrême pudeur de son film, cette difficulté à se dévoiler, justement parce que j’aimais ce qu’elle faisait de la gestion de ces sensations, son travail sur les silences. Mais c’est en fait un manque d’abnégation, la volonté de ne pas faire d’erreur, de rester sage. Les musiques sont là pour m’en convaincre : Alix Delaporte n’a pas confiance en son sujet. Elle le brode, l’accompagne. La fin est belle, très émouvante, mais qui nous dit que ce n’est pas l’accompagnement musical qui en accentue l’émotion ? C’est dommage parce que je suis certain qu’elle pourrait très facilement s’en débarrasser. Ce qu’elle filme sur le bateau de pêche c’est sublime. Les regards, les sourires, seulement, et c’est dommage, les voix sont recouvertes par la musique. De quoi a t-elle peur ? Franchement, rien de plus énervant. On retient donc un beau sujet, de beaux personnages. Il faudrait juste que ce soit plus stimulant maintenant, plus radical aussi.


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