Angèle et Tony – Alix Delaporte – 2011

finMusique normande.    

   5.0   Alix Delaporte réalise un premier long métrage sensible. Sa réalisation manque de personnalité, d’impudeur aussi peut-être, mais il en ressort une justesse remarquable qui permet à ce petit film d’atteindre une émotion inattendue et forte. Inattendue parce que tout est plus ou moins prévisible. Cette façon d’abattre ses cartes au plus vite, toutes ses cartes. Dès l’instant qu’il y a l’enfant, on pense à cette fin. Pourtant le film m’a touché. Parce que l’acteur qui incarne Tony est magnifique de retenue, d’élégance. Parce que Clothide Hesme surprend par cette espèce de jeu sauvage, grimaçant, inquiétant. Mais aussi parce que le petit garçon est excellent, je préfère le souligner parce que c’est rare. Et puis il y a cette façon de filmer la mer, le relief, le milieu de la pêche qui me plait beaucoup. Alix Delaporte a tiré quelque chose de beau de la Normandie, qui n’est pas forcément la région la plus simple à filmer. Il y a aussi un temps accordé à l’avancé des sentiments, qui est très beau. Il n’y a qu’à la fin où la cinéaste semble être pressé d’en finir. Personnellement j’aimais bien cet état transitoire, avec cette double attirance muette, presque mystérieuse, et cette inquiétude permanente de cette femme pour l’avenir de son enfant, ce climat familial normand tenace mais tout près de l’implosion. Il y a des moments magnifiques. Mais qui auraient pu l’être davantage. C’est un message au cinéma français dit sensible, ou cinéma de la chronique, cinéma réaliste : Arrêtez de mettre de la musique d’accompagnement partout, c’est plus possible. Dans Les petits mouchoirs c’était la machine à tubes pendant plus de deux heures, c’était nul. Ici, c’est la musique qui ronfle, des petites notes de piano discrètes, mais qui couvre les autres sons. Et bien c’est aussi nul. J’avais laissé le bénéfice du doute à la cinéaste concernant l’extrême pudeur de son film, cette difficulté à se dévoiler, justement parce que j’aimais ce qu’elle faisait de la gestion de ces sensations, son travail sur les silences. Mais c’est en fait un manque d’abnégation, la volonté de ne pas faire d’erreur, de rester sage. Les musiques sont là pour m’en convaincre : Alix Delaporte n’a pas confiance en son sujet. Elle le brode, l’accompagne. La fin est belle, très émouvante, mais qui nous dit que ce n’est pas l’accompagnement musical qui en accentue l’émotion ? C’est dommage parce que je suis certain qu’elle pourrait très facilement s’en débarrasser. Ce qu’elle filme sur le bateau de pêche c’est sublime. Les regards, les sourires, seulement, et c’est dommage, les voix sont recouvertes par la musique. De quoi a t-elle peur ? Franchement, rien de plus énervant. On retient donc un beau sujet, de beaux personnages. Il faudrait juste que ce soit plus stimulant maintenant, plus radical aussi.

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