Twins story.
7.5 Il y a mille choses que je n’aime pas dans ce film, mais reçu dans son ensemble, et sa spirale émotionnelle infernale, Incendies m’a bouleversé. Si le matériau de base est une pièce, Denis Villeneuve a su largement se débarrasser des dangers de l’adaptation, du changement de format. Hormis quelques défauts, de dialogues notamment, que l’on peine à croire, sans doute trop écrits ou les plans en intérieurs parfois maladroits, la mise en scène est à la fois très lumineuse, elle saisit l’espace, varie les distances autour de ses personnages. Un poil trop démonstrative par moment elle sait aussi se faire oublier, se laisser gagner par l’émotion pure. Il n’y a vraiment que les instants musicaux, accompagnés par Radiohead, que je trouve horripilants, carrément obscènes. C’est la première séquence, une horreur. Et une autre un peu plus loin. Heureusement, le tourbillon reprend aussitôt, j’arrive à m’en débarrasser, à oublier. Et même si j’aime beaucoup le film en l’état, je me suis aussi imaginé le recevoir sur une seule unité de temps, à savoir la simple recherche du passé de la mère, sans aucune image la concernant. Le film aurait gagné en fluidité, en mystère. Car, dans sa construction actuelle, réelle, il est par moments confus, un peu ‘trop fait pour impressionner’, ça a tendance à me gêner. Je pourrais tout aussi bien citer plein d’autres choses qui m’ont dérangé, principalement au niveau de l’histoire, dans ses coïncidences quelque peu invraisemblables, mais comme il y a une volonté démesurée d’envoyer la totale façon tragédie grecque ça ne me gêne plus du tout. C’était le cas l’an dernier pour Tétro de Coppola, auquel le film m’a fait penser, dans ce contexte familial si mélodramatique. Vraiment, j’ai pris cher. C’est le souffle du film qui m’impressionne en fin de compte. Ça commence avec rien, puis on a envie d’y croire, de jouer le jeu. Il s’agit quand même d’une mère qui vient de mourir, et dans son testament demande à ses deux enfants, frère et sœur jumeaux, à l’une de rechercher son père toujours en vie, à l’autre son frère dont il ignore l’existence, en échange d’une sépulture décente. On se sent dans un premier temps proche de la réaction de Simon, qui ne voit là qu’un énième caprice d’une mère devenue dingue. Alors que Jeanne se fascine d’emblée pour cette mission, qui est sans doute, pense t-elle, la seule issue qui lui permettrait d’éclaircir l’histoire de sa mère – et par la même occasion sa propre histoire – toujours restée mystérieuse quant aux origines familiales. C’est un récit douloureux, qui progresse sur deux niveaux. La recherche au présent des uns, le chemin de croix dans un Liban en guerre de l’autre. C’est éprouvant, chaque seconde. Certaines séquences sont hors norme, qu’il s’agisse d’angoisse pure en quasi-temps réel, comme c’est le cas dans une attaque de bus, ou d’une rencontre à l’ambiance si pesante de la fille dans l’ancien village de sa mère. Et je ne parle même pas des dernières minutes du film, qui, s’il a tendance à appuyer, vouloir trop en dire, ne gâche pourtant rien de sa puissance. J’en suis sorti épave. Il m’a vraiment, vraiment fait mal. Double réussite donc, puisque si le film semble avant tout chercher la claque scénaristique abracadabrante, c’est dans le tourbillon rythmique et son intense mouvement géographique qu’il se révèle mémorable.
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