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Archives pour 12 mars, 2011

Le discours d’un roi (The king’s speech) – Tom Hooper – 2011

le-discours-d-un-roi-de-tom-hooper-10370320momswSur la voie.    

   5.0   Le titre ne ment pas sur la marchandise, c’est bien d’un discours qu’il est question, de la parole d’un monarque, juste de cela, d’un combat contre une voix. Ce n’est pas une reconstitution historique et bien qu’il y ait un soin apporté aux évènements (la mort d’un roi, l’échec d’un autre, la prise de pouvoir d’Hitler, la déclaration de guerre) les lieux sont très peu filmés, les personnages sont très théâtraux (la moue sympathique de Churchill, la marginalité de l’orthophoniste de génie fou de Shakespeare, la nonchalance d’Elizabeth…) on est propulsé, et on le sait assez vite, dans une machine à décrocher des oscars : Classicisme de la mise en scène, de la progression du récit, interprétation proche de la performance, musique d’accompagnement en permanence et un zeste de fantaisie bon enfant avec ces séances de diction singulière, entre insultes compulsives, gesticulations rigolotes et un retour difficile sur les traumatismes et souffrances d’une enfance que l’on cherche à oublier. Tout le gratin du film oscarisable oscarisé est là, ce pourrait être joliment atroce, et pourtant.

     La première partie du film, qui voit le futur roi affronter ce bégaiement (devant le stade de Wembley, face à son frère, en racontant une histoire à ses enfants, aux côtés des différents médecins) vécu comme un cauchemar, qui l’empêche de croire en son statut majestueux, alors qu’il cherche à tout prix une personne qui l’aidera à s’en sortir, n’a pas grand intérêt, enfin disons que c’est lourd de mièvrerie, c’est hyper musical et on s’en fiche pas mal d’ailleurs. C’est ensuite que le film prend un nouveau départ, dans cette rencontre avec cet orthophoniste aux méthodes particulières, n’hésitant pas à emmener son client vers des retranchements inconnus. Petit à petit le roi surmonte ce problème, mais au prix d’une bataille féroce qui l’oblige à libérer son esprit de souvenirs malencontreux lié à l’enfance, alors qu’il a d’abord refusé de parler de vie privée avec cet homme, qu’il juge en dessous de lui. Le portrait qu’en fait Hooper est plutôt intéressant parce qu’il est dans l’Histoire censé être l’un des rois les plus aimés d’Angleterre, mais pendant une bonne partie du film je l’ai trouvé carrément insupportable. C’est dans le processus de guérison que l’on commence à avoir de l’empathie pour cet homme, en guerre contre sa diction. Ce n’est que ça. Il n’est pas vraiment sympathique mais il est touchant. Et puis je trouve qu’Hooper ne s’est pas trop attardé sur le possible traumatisme de l’enfance, c’est évoqué mais jamais surligné, reste à l’imaginer.

     Le film restera ce qu’il est, rien de plus qu’un joli biopic tire-larmes classique, mais il met rarement les deux pieds dans le plat, il reste bizarrement sobre (certains diront chiant), il progresse timidement, sans que l’on perçoive l’évolution réelle de cette voix. Avoir choisi de laisser la durée du discours final dans son intégralité, même s’il est accompagné par Beethoven, et surtout qu’il s’amuse à rencontrer les visages de (pour ainsi dire) toute l’Angleterre, suspendue à sa radio, avec cette peur de basculer dans le ridicule à cause de ce roi bègue qui prononce un discours d’une importance phénoménale puisqu’il évoque l’entrée du pays en guerre contre l’Allemagne, est un parti pris très osé, surtout jusqu’à ce ouf final symbolisant la réussite du roi, lessivé mais comblé, et ces applaudissements qui supplantent cette tristesse solennelle, et achèvent de faire de ce film et de cet homme le tableau ironique (car minuscule) de l’Histoire en marche, justement parce qu’il ne parle pas vraiment de l’Histoire, mais d’un combat intérieur, du courage d’un homme, de la naissance d’une amitié. J’étais à la fois très gêné et très impressionné. Et en définitive j’ai trouvé ça plutôt émouvant.

La petite chambre – Stéphanie Chuat & Véronique Reymond – 2011

La petite chambre - Stéphanie Chuat & Véronique Reymond - 2011 dans Stephanie Chuat & Veronique Reymond 19488681

     5.0   Encore un joli film bien écrit, bien interprété. Encore un joli film avec un beau sujet. Encore un de ces films sans grande prétention qui affiche sa simplicité et sa sensibilité dans chaque plan. Discret comme les montagnes sur son affiche. C’est un film que j’aime bien, qui me touche beaucoup, essentiellement l’histoire de la jeune femme d’ailleurs, dont on apprend plus tard le traumatisme récent. S’il ne manque pas d’élégance, La petite chambre manque de personnalité, de subtilité dans sa mise en scène. De mise en scène tout court. Rien ne ressort vraiment de ce beau sujet. C’était aussi le cas cette année dans Angèle et Tony. La douleur du passé, la rencontre des âmes tuméfiées, oui mais comment en parler pour que ça marque ? La petite chambre est selon moi un peu meilleur. Et surtout il contient une des scènes les plus fortes de ce début d’année, dans les aveux de Rose à Edmond, sur ce passé qu’elle ne peut oublier, qui l’empêche d’avancer. C’est que Rose est l’infirmière à domicile d’Edmond. Ce dernier, aigri, peu bavard, ne souhaite qu’une chose, qu’on le laisse tranquille au milieu de ses fleurs et de sa musique. Avec cette femme quelques minutes au quotidien et un père qui voudrait le déplacer en maison de retraite il n’est pas gâté le pauvre Edmond. Et il y a cette photo qu’il observe sans cesse, de cette femme qui l’a quitté il y a quarante ans dans ces montagnes alpines. Rose l’assiste mais Rose n’est pas pour autant heureuse – séquence classique d’une fausse discussion sur le bonheur entre l’infirmière et son patient, premier signe d’un manque évident d’inventivité, d’une construction bien trop écrite – dans sa vie de tous les jours. On a accompagné Edmond, on accompagne maintenant Rose. Que l’on découvre en couple avec un homme. Il y a comme quelque chose de pesant, pourtant on sent comme une jolie alchimie entre les deux, mais il y a un drame, le genre de drame vécu à deux, qui disloque autant qu’il resserre. La peur de faire l’amour. Une chambre cachée. Les cinéastes multiplient les séquences autour de ce mystère, cette attente, c’est parfois très beau, parfois gluant (l’ampoule cassée, le fait divers dans le journal). Un enfant est mort. Mort-né. Un garçon qui voudrait rebondir, une femme qui se cloître dans son malheur. Cette rencontre entre ce vieil homme au seuil de la mort et cette infirmière qui a vu un peu d’elle mourir n’a rien d’étonnant, c’est attendu mais encore une fois c’est juste, c’est touchant. Et le film sera ça tout le temps. La fin est sublime d’ailleurs. Mais tout ça manque de folie, de lumière. Tout est très scolaire. Il manque ce truc qui me chamboulera, m’emportera, encore une fois ce n’est pas une question de sujet, ce n’est que de la mise en scène. Sage et fade pour un récit si puissant. Autrement, Florence Loiret-Caille est, comme chaque fois, épatante.


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