6.0 Le nouveau film du réalisateur d’Eternal sunshine of the spotless mind est une forme de mariage entre le blockbuster de super héros et la comédie entre potes tendance Apatow. J’y allais à reculons n’ayant pas du tout aimé deux autres de ses films (La science des rêves, véritable cauchemar en carton, chiant, à peine sympathique, à peine mélancolique ; Soyez sympas rembobinez, intéressant à première vue avant de plonger dans un délire naïf insupportable) et c’est une bonne surprise. La naïveté n’est plus au service d’une démonstration que l’on peut fabriquer des films avec pas grand chose – les rêves en carton, les films suédés – en somme que tout un chacun peut déployer ses tendances créatives avec nada, mais elle accompagne ce plaisir de gosse d’en mettre plein la vue tout en déstructurant le cahier des charges habituel de ces films à gros budgets, estampillés généralement Marvel, qui se prennent beaucoup trop au sérieux et se contentent de reproduire l’esprit des bandes dessinées. Le jeu Gondry m’épuise assez vite en temps normal parce qu’il est au service d’une performance, en tout cas c’est comme cela que je le ressens.
C’est probablement la première fois que Gondry s’appuie sur une si grosse production, pourtant rien ne semble être au service des moyens dans ce film, c’est plutôt le contraire. Ce sont les situations qui sont jubilatoires, l’écriture, le duo d’acteurs, les péripéties qui agrémentent le récit. Les séquences à effets spéciaux sont présentes mais ne sont qu’une toile de fond, c’est d’ailleurs ce qu’il y a de moins réussi dans le film, parfois peu lisible dès qu’il s’accélère, mécanique et peu inventif dès qu’il enchaîne les séquences d’action, c’est le cas à la toute fin du film. On s’éclate au contraire dans la profusion de gimmicks, dans le plaisir qu’offrent toutes ces petites inventions ci et là, objets, mécanismes, machines. Un gaz gun, une bagnole à missile, une clé USB en sushi, un capuccino new age. Finalement, tout objet est un dérivé d’objet déjà existant. On reconnaît bien là Gondry, le bidouilleur, et ses inventions artisanales. On pense à Retour vers le futur, à la différence qu’ici on ne nous explique pas grand chose, ou plutôt on en cherche pas à comprendre. Ou à Maman j’ai raté l’avion – toujours dans l’idée de faire des gros trucs avec rien, d’affronter plus fort mais d’être à la hauteur – il ne s’agit plus de protéger sa propre maison des méchants mais carrément toute la ville. Exit l’esprit Superman, la particularité de nos héros ne tient pas dans un héroïsme sans faille, il y a des morts dans The green hornet, des combats sanglants, des scènes de gunfights, des innocents qui crèvent bêtement – Hilarante séquence de télévision où l’on conseille à la population de ne pas s’habiller en vert.
A la mort de son père, directeur d’un grand journal, Britt Reid (Seth Rogen), looser invétéré, se voit hériter de l’entreprise mais est sur le point de donner un autre sens à sa vie, quand il découvre un jour, accompagné (bien plus que ça, même s’il refuse de l’admettre) par son nouveau bras droit Kato, ancien mécano de son père, véritable couteau-suisse ambulant (pour reprendre ses propres mots) qu’ils peuvent sauver des vies. Il va alors se servir du journal de son père pour faire parler de lui, sans que l’on sache que c’est lui, s’inventant comme nom de scène The green hornet (parce que l’abeille verte n’a pas eu de succès), la nouvelle menace de la ville, afin de pouvoir infiltrer les gros benêts de la pègre et libérer sa ville du trépas. Cette partie du film est la meilleure. Tout l’élan créatif de Gondry se situe là. Mais il y a un travail tout aussi énorme sur les divers rebondissements de l’histoire, qu’il s’agisse par exemple du rôle du père, qui apparaît comme quelqu’un d’exécrable aux yeux de son fils, donc du spectateur, alors qu’il cache en réalité un combat perdu d’avance contre la corruption, ou qu’il s’agisse du rôle du grand méchant Budnowsky, incarné magistralement par Christopher Waltz, qui gère tout le banditisme de la ville mais se retrouve en plein dilemme de mode, sur le point de s’accentuer avec l’arrivée sur le marché de cet étrange frelon vert. Budnowsky voudrait alors s’appeler Bloodowsky, parce qu’il aurait l’air plus cool pense t-il. Et il se vêtirait d’un long veston rouge, débiterait toujours la même phrase sanction à ses victimes au seuil de leur mort. Et surtout il porterait un masque lui aussi, comme ce green hornet encombrant. Un masque à gaz rouge et noir. Bref, ce père, ce méchant, leurs évolutions, qu’ils soient vivants ou morts, sont à l’image du reste du film. On ne se contente pas de produire du déjà vu, on change de cap constamment. Même le méchant se remet en questions. L’histoire est tout autant politique, enfin gentiment bien sûr. Il y a ce maire d’apparence sympathique, qui viendra proposer ses condoléances à Britt, qui se révèle rapidement être un maire véreux, en lui proposant ses services contre la une du journal concernant sa réélection. Véreux puis bientôt tueur. The green hornet rebondit sans cesse, c’est sa grande qualité, ce qui en fait l’un des films les plus jubilatoires vus depuis un moment. Et puis il y a Cameron Diaz en secrétaire à tout faire, plus sexy que jamais, à quoi bon bouder son plaisir ? Et toute une kyrielle de moments désopilants, en partie grâce au silence permanent de Kato et aux bavardages incessants de Seth Rogen. Comme chez Apatow finalement. Il est très fort, mais je le trouve peut-être un poil too much ici, disons que le fossé entre les comportements des deux héros est sans doute trop grand – duo qui ne fonctionne jamais vraiment en duo collaborateurs d’ailleurs puisqu’il y a sans cesse cette barrière maître/domestique, que Gondry ne creuse malheureusement pas vraiment – il finit par faire plus office de débile qu’autre chose et en devient lourd. Au-delà de ces défauts assez minimes, C’est de loin le film le plus cool de ce début d’année, sans problème.
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