A la croisée des solitudes.
8.0 Comme pour Tu ne tueras point, la différence entre le morceau du décalogue et la version long métrage n’est pas facilement visible. Elle se situe essentiellement en début de film, dans l’attention portée à la durée d’un rituel, en l’occurrence le regard de cet homme à travers une longue-vue avec laquelle il observe chaque soir une jeune femme habitant l’immeuble d’en face. A l’aide de petits subterfuges dont il ne semble pas vraiment fier, le jeune homme approche cette voisine. Sans se montrer dans un premier temps, influençant sa vie avec des petites choses digne d’un pervers (coup de téléphone muet, envoi de faux avis de mandat, envoi des hommes du gaz) qui le font parfois rire, mais c’est aussi et surtout pour la voir et l’empêcher de s’en aller dans les bras de cet homme qu’il ne semble pas apprécier. La cassure intervient dès l’instant que ces petits rituels à distance ne satisfont plus le jeune homme. Il veut la rencontrer. A son insu dans un premier temps, lorsqu’il l’accueille (il est postier) au guichet pour cet avis sans mandat évidemment. Puis il lui parlera, avouant tout son secret d’un seul coup. D’abord prise au dépourvue, avec cette impression d’avoir été harcelée, la jeune femme se prend bientôt au jeu d’une espèce de séduction constamment en décalage. C’est un très beau film sur la solitude. C’est plus cela d’ailleurs qu’une brève histoire d’amour. Kieslowski épure totalement son récit et sa mise en scène. Rarement en dehors de ces murs et de cette distance qui sépare les deux fenêtres, comme chez Hitchcock. Complètement axé sur ces deux personnages (on ne verra que de brèves apparitions d’autres personnages secondaires), sur leur solitude, leur désespoir infini. C’est une rencontre improbable c’est ce qui la rend si belle, si magique. C’est aussi un film sur l’incompréhension. Comme si deux courbes se croisaient mais ne trouvaient jamais de point d’inertie. Très beau film. Bergmanien en fin de compte.
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