6.5 Entre la version proposée par Le décalogue et celle proposée pour une version cinéma, essentiellement pour le festival de Cannes, où le film en tant que long métrage récolta le prix du jury, il y a une différence de vingt minutes. En un seul visionnage de l’un et de l’autre, il est assez difficile de détecter les modifications d’autant qu’elles n’apportent pour ainsi dire rien au film long. Ou presque rien, c’est là que je ne suis plus trop certain de ce que j’avance. Est-ce qu’il y avait cette fluidité entre les quotidiens des personnages ? Est-ce que nous passions tant de temps avant la scène du meurtre ? Je ne sais plus si Kieslowski a étiré certaines séquences où s’il en a intégré des nouvelles. Toujours est-il que si les vingt minutes n’aident en rien au niveau scénaristique, elles agrémentent la tension, préfigurent le drame, elles permettent d’obtenir un film, disons plus cinématographique, moins retranché derrière son écriture. Ça m’a beaucoup rappelé les 71 fragments d’une chronologie du hasard de Michael Haneke, le film bien entendu pas la partie du décalogue. Ce qui est d’autant plus surprenant. Durant une bonne moitié de film, le cinéaste s’intéresse à trois personnages. Un jeune garçon qui erre dans la ville, qui semble désespéré, inquiétant, peut-être veut-il faire du mal. Un chauffeur de taxi qui nettoie sa voiture, puis commence son service. Un jeune avocat, dont le stage prend fin, qui apprend qu’il va pouvoir exercer. Nous sommes à Varsovie. Ville fantomatique, accusant le coup de l’hiver passé, ville déserte ou ville peuplée sans vie, sans mouvement. Kieslowski y ajoute à sa photo une couleur un peu jaune, un filtre limite verdâtre. Sans intérêt. Les personnages vont être amenés à se croiser, à être dans les mêmes pièces, presque à se frôler, avant que leur destin ne soit irrémédiablement lié, comme si l’issue de cette collision était inéluctable. Le jeune garçon tuera le chauffeur de taxi, comme ça, sans ménagement, de façon préméditée, inexcusable, inexplicable. Un meurtre mis en scène de manière incroyable. En temps réel de l’entrée du jeune homme dans la voiture jusqu’aux coups de pierre sur le crâne de la victime. Puis plus tard, un an plus tard, une date sera donnée. L’avocat en question n’aura pas réussi à sinon innocenter le jeune garçon, au moins le préserver de la condamnation à mort. Il est pendu suivant un rituel que Kieslowski filme là aussi en temps réel, là aussi comme un acte prémédité, mais tout à fait conscient et contrôlé. Avant nous aurons appris un peu de la vie du jeune homme qui regrettait la mort de sa petite sœur il y a plusieurs années, car c’est cela qui l’avait fait venir à Varsovie, sans quoi, pense t-il, il ne sera sans doute pas là aujourd’hui. Kieslowski n’excuse pas le meurtre évidemment, mais il rend nettement plus atroce le processus du second. Pour terminer sur un champ paisible, au coucher du soleil, et les larmes d’un avocat, probablement pas prêt de remonter à la barre…
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Tu ne tueras point (Krótki film o zabijaniu) – Krzysztof Kieslowski – 1988
Publié 28 mars 2011 dans Krzysztof Kieslowski 0 CommentairesLaisser un commentaire
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