La loi du désir.
9.0 C’est très difficile d’écrire sur le cinéma de Garrel, tout est affaire de corps, de paroles intimes, discussions intellectualisées sur les douleurs de l’amour. La caméra prend le temps de tisser les liens entre les personnages, naviguant de l’un à l’autre, jamais de champ/contrechamp, très peu de cut, tout se joue sur le plan séquence et une caméra qui fixe un visage, une parole, s’en va saisir saisir celui qui le reçoit, soit d’un regard à un autre, soit par les parties du corps, n’hésitant pas à placer la parole hors champ très souvent. C’est l’un des films de Garrel qui me touche le plus. Sans doute parce que j’ai l’impression d’entrer dans ses pensées, de découvrir son point de vue. Sans doute aussi parce qu’il parle du relais entre générations, ils jouent ici aux côtés de son père Maurice Garrel et de son fils Louis, à peine sept ans. On y voit un amour qui se détruit, tout simplement parce que Philippe Garrel, cinéaste dans le film, refuse de prendre sa femme pour jouer le rôle qu’il lui a écrit, préférant la remplacer par une célébrité. Ce sont les interrogations même du cinéaste qui tentera de ne jamais tomber dans le piège commercial. Il le réussira. Dans le film on ne sait pas trop. On sait qu’après une période de solitude, où il tente de reconquérir sa femme au moment de l’échange de l’enfant, mais où elle préfère perdre l’amour, dit-elle, plutôt que sa dignité, ils finiront par se retrouver, grâce au vecteur Lo, le petit garçon. Pas de morale chez Garrel, jamais. Quand la jeune femme est découverte au lit avec un autre, on en discute et on considère cela comme un appel au secours. Les baisers de secours ce sont ceux que reçoit le fils, ce sont ces baisers qu’il reçoit de sa mère comme de son père. J’adore les films de Garrel, jamais poseurs, toujours à l’écoute. C’est intelligent, toujours bien écrit et passionnant. C’est aussi d’une grande noirceur concernant les rapports générationnels. Même si l’on voit des instants magnifiques entre un père (Maurice) et son fils (Philippe) on apprend aussi plus tard qu’une mère ne peut plus parler avec son mari, ni avec son fils, qu’elle est obligée de se confier à son petit-fils (Lo). Comme en amour. L’amour est-il la complémentarité ou le miroir ? C’est ce que semble chercher à dire cette première séquence du film où la jeune femme tente de comprendre les choix de son mari. Quand les amants se sont retrouvés, il y a trois séquences indiscernables. Une première dans les hautes plaines montagneuses, où chacun se suit, ne marche pas ensemble. Plus tard une scène dans un restaurant qui accouche sur une mésentente à propos des valeurs de l’homme et de la femme. Et une dernière séquence dans un souterrain de métro où la femme voit sur le quai d’en face cette actrice rivale qui s’en va sans la voir, et elle de rester seule, silencieuse sur ce banc, abandonnée de tous dans le silence. Le cinéma de Garrel est probablement celui qui me touche le plus et donc celui dont j’ai le plus de mal à parler. Je pourrais voir que du Garrel, mais je ne veux pas vraiment en parler, c’est trop fort. Godard je n’y arrive pas. Garrel je ne veux pas.
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