Goodfellas.
5.0 Eloigné de cette référence évidente qu’est The Yards, et d’une manière générale du cinéma de James Gray, Animal Kingdom du réalisateur Australien David Michôd est un film tout à fait correct. Toute une dramaturgie est déployée autour de cette famille qui se décime, fils et mère tous criminels, en ne choisissant pas le plus simple des traitements de personnages puisque tous ou presque sont antipathiques. Qu’il s’agisse de cette mère poison, aux yeux de chien battu qui semble tirer les ficelles avec aisance, trouver les mots, les remèdes qui pourrait très bien être l’un des plus grands méchants de l’année – un méchant distancé, protecteur, pacifiste d’apparence – s’il n’y avait cet autre fils, Andrew surnommé Pope, probablement le visage et le regard le plus flippant rencontrés depuis très longtemps. Ce sont ces deux personnages qui organisent tout, les autres suivent. Mais le film choisit de vivre cela majoritairement du point de vue du neveu, orphelin (encore mineur) qui a rejoint la famille récemment parce que sa mère est décédée d’une overdose (très belle première séquence). Investir le chemin du vice, l’observer, y participer c’est ce dans quoi le jeune homme est convié malgré lui. C’est vrai que ce cinéma rappelle sans demi-mesure celui de Gray (le poids familial, les cruels choix, l’amour et sa perte, la vengeance, la peur en permanence, l’hécatombe progressive – comme si la famille se trouvait dans une époque charnière, en l’occurrence la venue de Josh (même prénom que dans Little Odessa) – et le retournement contre ses certitudes, ses croyances) pourtant il y a dans ce suspense un sentiment qui rappelle la trilogie de Coppola ou les fresques monumentales de Scorsese. Ce n’est plus vraiment de l’ordre de l’émotion (c’est aussi sa limite) mais de l’ordre du rythme sans fin, de la dynamique de l’autodestruction. Comme chez les grands maîtres américains ils est régulièrement question de savoir lequel est le prochain sur la liste, mais cet enfer semble inéluctable (« Il y a les forts et les faibles, explique un flic un moment donné en s’adressant à Josh pour l’aider à trouver sa place, ta famille était forte donc pouvait te protéger mais elle ne l’est plus… » mécanisme qui rappelle évidemment les aléas criminels victimes autant que bourreaux de la famille Corleone). Animal Kingdom est donc un film impressionnant, quoique assez prévisible dans ses rebondissements, probablement dû au fait que le genre semble éculé. C’est un portrait de famille âpre, sec, sans compromis sentimental, c’est sa force. Maintenant comme je le disais, c’est comme si ça avait déjà été fait. Pas à Melbourne mais ailleurs. J’ai l’impression de l’avoir déjà vu ce film, alors oui c’est pas mal mais franchement c’est pas James Gray, David Michôd croyant beaucoup moins à ce qu’il raconte, forçant le trait formellement par moments (ralentis, musiques) alors que le film n’en a pas besoin. Quand Gray l’utilise ainsi ce n’est pas gênant, ça se fond dans un ensemble, comme une grande tragédie Shakespearienne. Là c’est tellement rude que la mise en scène ne se met jamais au service de cette dureté. Il y a comme un décalage qui rend le film beaucoup moins fort qu’il aurait pu l’être.