Archives pour juin 2011

Nous, princesses de Clèves – Régis Sauder – 2011

48Passe ton bac d’abord. 

     5.0   Un regard intéressant est porté sur l’adolescence et le parallèle effectué entre une petite dizaine d’entre eux et le destin de la princesse de Clèves relève du rapprochement apologique des contraires, enfin en principe. Contraire par l’époque, creux de plus de quatre siècles, contraires par les mœurs – diversité du choix et des possibles face à une intransigeance de l’obligation conjugale. Ce petit film un peu documentaire, un peu essai pédagogique, un peu satire virulente d’une société qui enfoui la culture (pied de nez à l’allusion révoltante du président de la république face au patrimoine littéraire culturel) brosse à la fois le portrait d’une génération qui souffre, à l’école (le bac approche, les désillusions grandissent), à la maison (le fossé se creuse avec les parents) ou face à la société (trouver sa place) et met aussi en scène, comme un cours de théâtre, et régulièrement, la lecture du texte de Madame de Lafayette récité face caméra par ces mêmes ados. Evoquer le texte véritable, évoquer ses répercussions sur des sentiments, des idées et évoquer les ressemblances en miroirs entre les personnages centraux, qu’il s’agisse de ceux d’antan, la princesse autant que Madame de Chartres, sa mère, que ceux d’aujourd’hui, jeunes et parents du XXIe siècle. Belle ambition qui rappelle quelque peu L’esquive d’Abdelatif Kechiche, même si ce dernier abandonnait toute pression du réel, se concentrant sur son objectif fictionnel ultra naturaliste. La grande différence, c’est malheureusement la mise en scène. Bien que je ne sois pas un grand admirateur du premier film du réalisateur de Vénus noire, trop emprunt d’une recherche de la performance, du malaise qui lui ôte rapidement sa beauté, son intelligence – tout l’inverse d’un Pialat par exemple – il faut reconnaître qu’il y avait une incroyable force mise en scénique de plongée dans le quartier, une vitalité, la violence des discussions, la magnificence improbable des rencontres, l’effroi d’un contrôle de police. Régis Sauder s’est contenté de faire un film qui ne propose pas grand chose à ce niveau là, un film sans relief, comme si l’écriture pouvait suffire. Quelque chose de très écrit et du même coup très pâle, très plat dans sa représentation cinématographique. Ce serait une pièce de théâtre, déjà ce serait beaucoup mieux, les images seraient les mêmes. Il y a néanmoins deux trois envolées particulièrement fortes, entre un visage coincé dans les contours d’une fenêtre qui donne sur une grue de chantier (plan Costaïen) ou un corps désarticulé dans les hautes herbes d’un terrain vague qui dit vouloir voler de ses propres ailes ; mais très peu de fulgurances, d’émotions palpables (qu’elles soient lumineuses comme chez Pialat ou éprouvantes comme chez Kechiche) que l’on remplace ici par des constructions banales de plans pleins et maladroits.

Fast and Furious 5 (Fast Five) – Justin Lin – 2011

Fast and Furious 5 (Fast Five) - Justin Lin - 2011 dans Fast & Furious Fast-Five

Table rase.   

   5.5   Le Furious a disparu du titre original comme si la série voulait montrer avant tout le reste qu’elle était Fast. Fast Five comme si elle passait la cinquième, l’asphalte va encore trembler, la poussière tournoyer, les pneus crisser, les pots d’échappement s’enflammer. A peine en fin de compte. Si l’on veut retrouver les Run à n’en plus finir du premier volet c’est la déception. Si l’on veut retrouver ce montage hyper stylisé mode cinématique Gran Turismo c’est aussi peine perdue. Non pas que Fast five se sépare de l’action pure, et plus particulièrement de l’action au volant, mais simplement qu’il devient film de casse avant tout. On pense finalement davantage à Ocean’s eleven qu’au premier Fast and Furious. Film de casse qui débute par un petit braquage de train où il s’agit ni plus ni moins de voler des bagnoles (une GT40 très convoitée entre autres) avant que toute la troupe au grand complet (Toretto, O’Connor, Roman et consorts) n’envisage de s’attaquer au plus grand baron de la pègre de Rio (il faut savoir que nos génies du volant sont fichés à mort aux Etats-Unis), un certain Reyes qui contient des planques de frics à millions de dollars. Une simple puce dans l’autoradio d’une petite quatre-roues bleus avec deux bandes blanches est le relais d’une attaque assez spectaculaire qui prendra toute la dernière moitié du film. En fait, pas si spectaculaire que ça. Disons, moins petit malin en tout cas que le film de Soderbergh. A l’image du casse lui-même, puisque sa préparation bien que réfléchie, calculée, méthodique ne se déroulera à aucun moment comme prévu, Toretto alias Vin Diesel préférant, parce qu’il est désormais un peu tard, d’oublier la finesse – je le cite. Le petit plus de ce cinquième volet c’est ce à quoi nous avons le droit en face. Il y a toujours eu des grands méchants dans cette saga et c’est probablement dans celui-ci qu’il aurait dû être plus impressionnant que les autres, proportionnellement à ce qu’il détient. Mais en fait, bien qu’il ne soit pas très aimable tout de même, ce n’est jamais de Reyes que nous avons peur, à l’image de la fin où il se fait tuer froidement de deux balles en pleine tête comme si nous n’en avions plus rien à secouer. Non, le vrai type flippant de ce volet est un flic. Dwayne Johnson, alias The Rock, campe un policier d’intervention sans scrupules, le plus réputé de tous, qui ne laisse jamais ses proies s’en sortir. Quelques séquences verbales délicieuses, interventions musclées et combat improbable avec l’autre dinosaure du film Vin Diesel viennent parfaire l’aura Goliathesque du personnage. Mais le plus important de Fast Five : Comment le film s’en sort-il en tant que divertissement pop-corn ? Ma foi plutôt bien, plutôt même très bien. Les 2h10 – courageuses pour ce type de film – passent comme une lettre à la poste. L’invraisemblance des scènes d’action (plus c’est improbable mieux c’est) n’a d’égal que la cool attitude façon vannes sur vannes qui se dégage de l’ensemble. Avec en prime une petite surprise pour les fans en guise de twist final déjà pas délaissé puisque la bande au complet faisait déjà son effet – La drôlerie systématique de « Roman » et Ludacris en tête. On regrettera que le film ne prenne pas davantage de risques – probablement qu’il est réalisé en pensant à l’opus suivant – faisant mourir un personnage clé de Fast and Furious mais devenu obsolète pour ne pas dire inutile, dommage aussi qu’il se complaise à de trop nombreux instants dans un sentimentalo-romantisme laborieux (« Moi j’ai pas de souvenir de mon papa », « faites attention à ma sister enceinte », « moi j’suis flic parce que mon mari était flic et s’est fait liquider devant sa porte ») comme psychologie de comptoir justement parce qu’elle est surlignée, jamais suggérée alors que ça aurait largement suffit. C’est certain que cinématographiquement c’est un peu le point mort, et si l’on éprouve aucune sympathie pour le premier volet c’est cuit, mais le film se révèle doué – plus que les épisodes précédents – en tant que spectacle musclé, décomplexé, jouissif et hypnotique. Et ce n’est déjà pas si mal.

Le gamin au vélo – Jean-Pierre & Luc Dardenne – 2011

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     7.0   Film à la fois dans la continuité de ce que proposent les frères Dardenne depuis leurs débuts, depuis La Promesse, auquel on pense beaucoup ici, autant qu’il suggère une certaine cassure par l’utilisation musicale que par l’idée même de prendre Cécile de France au casting. Jusqu’ici, les acteurs aujourd’hui connus qui ont joués chez les Dardenne (Jérémie Rénier, Emilie Dequenne, Olivier Gourmet, Deborah François) l’ont été grâce aux Dardenne. Ce sont des « stars » nés via le cinéma Dardennien. C’est donc la première fois que les frangins filment une actrice déjà star. Inquiétude à son paroxysme lorsque l’on apprend qu’il s’agit de Cécile de France donc, actrice moyenne, généralement trop dans l’emphase enfantine pour convaincre. Cet air qu’elle se donne habituellement (mention spéciale chez Klapisch, une horreur) n’a pas complètement disparu dans Le gamin au vélo, mais il se fait plus discret, il se fond dans le comportement de son personnage. Pour une fois ça sonne vrai, et sans doute que ça la rapproche miraculeusement à nos yeux de ce petit bonhomme, campé par un Thomas Doret fabuleux. C’est toute la frénésie du cinéma Dardennien qui s’empare de son corps, le fait courir, se battre, monter aux arbres, pédaler, crier, mordre, sauter par-dessus les murs. Il est sur le qui-vive sans cesse. Un père absent qu’il recherche, une déception, un déplacement paternel vers un adolescent du quartier. C’est au détour d’une séquence anodine qu’un rapprochement improbable avec une jeune femme va permettent la construction d’une relation maternelle, protectrice, au-delà de toute explication banale. On ne saura rien du passé de la jeune femme, comme nous ne saurons pas non plus clairement pourquoi cet homme doit abandonner son fils. Il n’y aucun éclairage apporté au passé chez Les Dardenne, tout est là, brut de pomme, au présent, accentuant cette idée géniale de course, aussi intense que mystérieuse. C’est sans doute bien la première fois que la caméra des cinéastes bouge si peu, ce qu’ils avaient déjà amorcés avec Le silence de Lorna. C’est comme si l’on ressentait une certaine maturité finalement à les voir faire ce cinéma habituel, que l’on reconnaît entre mille, et pourtant se renouvèle sans cesse. Ces bouleversements auraient pu témoigner d’un penchant dommageable vers le film social mainstream, où l’on se serait mit à regretter les miracles incandescents, bouleversants et simples qu’étaient Le fils et L’enfant. Et bien non, Le gamin au vélo reste dans cette veine là, moins radical dans ses intentions cinématographiques c’est vrai, mais toujours aussi puissant sur ce qu’il raconte de l’absence, de la filiation, de la quête d’un modèle, de cet optimisme permanent qui naît de ces personnalités au premier abord indiscernables et invulnérables. Les trois moments musicaux utilisés, durant chacun à peine quelques secondes, construisent une symphonie en trois actes, qui se déplace imperceptiblement du père vers l’ado vers la jeune femme comme autant d’étape d’une construction personnelle bien trop rapide et fulgurante pour qu’elle ne se réalise sans encombre. Le gamin pourrait très bien ne plus être à la toute fin du film, les frères Dardenne préférant lui offrir le mystère d’une résurrection s’en allant au travers des feuillages, devenus berceau fantastique et mystique, puis quittant le cadre au guidon de son vélo.

La solitude des nombres premiers (La solitudine dei numeri primi) – Saverio Costanzo – 2011

10_-la-solitude-des-nombres-premiers-la-solitudine-dei-numeri-primi-saverio-costanzo-2011 Trauma.  

   8.5   La réussite tient dans le mélange des genres. La première séquence oppressante voit un spectacle d’enfants, maquillés, déguisés, en musique. La manière de filmer, ici la variation entre gros plans, panoramiques, plans miroirs, l’ambiance sonore utilisée et les gros intertitres colorés du générique rappellent d’emblée le cinéma d’horreur, plus exactement le cinéma italien, plus exactement Dario Argento. Après cette longue introduction impressionnante dont on se demande où elle veut bien nous mener – il s’agit d’enfants tout de même – un cri vient interrompre la représentation. Le cri c’est aussi le prolongement de toute ambiance funèbre dans chaque film d’horreur, le résultat d’une souffrance muette avant qu’elle ne devienne stridente. Ce cri là c’est celui d’un enfant, faisant partie de la troupe, tétanisé, que l’on accompagne en coulisse presque sans inquiétudes indiquant la nature habituelle de cette crise. Le film a glissé. On ne s’en rend pas encore bien compte, mais il est passé du film d’épouvante au mélo. Et il va bientôt brillamment montrer, de façon aussi originale qu’excitante, que l’on peut lier les deux genres. Pour tout fan de giallo, c’est un doux rêve qui se réalise.

     1984, 1991, 1998, 2007. Autant d’années durant lesquelles nous allons suivre Alice et Mattia. Les cartons vont se succéder en début de film, s’éloignant des schémas habituels où l’on consacre une année à une partie. Le film ne cessera d’aller et venir entre les différentes périodes, créant un climat étrange de perte de repère. Le fait de prendre des interprètes chaque fois différents et ne se ressemblant pas vraiment entre les parties est une riche idée qui accentue l’aspect du corps qui ne peut s’intégrer, obligé chaque fois d’être autre pour surmonter les étapes. Nous verrons trois visages différents pour chaque personnage suivant l’année dans laquelle il se situe. Et par un savant montage d’imbrication c’est comme s’il n’existait plus ni flash-back, ni présent. Le but étant de se familiariser avec les personnages à l’aveugle, suivant les étapes qu’il va franchir, et non directement en le liant à un événement traumatisant de son enfance. Il y a un traumatisme mais il apparaîtra bien plus tard. Du coup il y a une empathie démesurée c’est évident mais moins liée au traumatisme qu’à leur solitude. Cet état qui naît dès l’enfance avec des parents soient exécrables soient incompréhensifs, et se prolonge dans l’adolescence, âge ingrat sous toutes ses formes jusqu’à l’âge adulte où il est finalement déjà trop tard.

     Alice boite depuis qu’elle est toute petite. Au collège, on l’appelle la boiteuse. Elle se renferme totalement sur elle, même si l’espoir naît de cette jeune bimbo, Viola, qui s’intéresse soudainement à elle, tente de la faire exister. Mattia ne parle presque pas, il s’auto mutile, il est en somme le cinglé de l’école. Même un garçon de son âge, timide et lui aussi renfermé de parviendra pas à faire de Mattia un ami, en tentant de venir à bout de cette carapace. C’est un miroir aussi intéressant que surprenant. Il semble que si l’une essaie de combattre ce traumatisme qui ne lui a apporté des autres que pitié et indifférence, l’autre semble se complaire dans l’auto flagellation, refusant de parvenir à une certaine forme de respect de soi. Les traumatismes révèleront évidemment les réponses à ces questionnements, dans une séquence au montage presque épileptique et cinétique, point d’orgue de ce qu’il était jusqu’à maintenant. Et le jeu du film, morbide, voire mortifère se poursuit même dans ce genre de scènes qui font aussi flippé que froid dans le dos. L’émotion n’arrive pas vraiment de cette double révélation, c’est tellement sombre qu’on est dans un premier temps mal à l’aise. Une sale tempête de neige contre une nuit pluvieuse. L’éminence d’un accident contre celle d’une malveillance enfantine. Le giallo apparaît encore plus dément lorsque l’horrible voyage d’Alice – onirique ou pas – l’embarque vers l’enfance de son ami, où elle passe dans un appartement devenu forêt – La forêt au cinéma est toujours transitoire, on l’a vu récemment dans Tomboy – le tout dans une ambiance cauchemardesque rappelant inévitablement Suspiria, Carrie, peut-être même Répulsion. C’est aussi flippant que bouleversant. Saverio Costanzo a presque créé un genre. Sa réalisation est en adéquation avec ses personnages. Elle traduit parfaitement cet état d’oppression, cette gêne perpétuelle face à l’autre, cette manière de passer d’un état à un autre. De vivre cela de l’intérieur, puisque nous sommes systématiquement aux côtés de l’un ou de l’autre, accentue le cloisonnement et le regard apeuré qu’ils portent tous deux sur le monde. La gêne et la honte aux confins de la folie. Cet effet giallo correspond assez bien à l’idée baroque que l’on peut se faire d’une telle solitude traumatique. Le film pourrait tomber dans l’excès mais curieusement il reste au stade de l’imagination. Quand Alice brandit un bout de miroir cassé elle finit par se raviser. Quand elle embarque Mattia vers le mariage de Viola on se prépare inutilement à un possible carnage. Chaque fois qu’une scène de l’enfance est jouée, on craint systématiquement le drame. Le film est plein de fausses pistes

     Mais plus qu’un miroir le film se veut un croisement entre deux âmes traumatisées. C’est donc aussi une magnifique histoire d’amour. Ou plutôt de sentiments, refoulés, que l’on s’interdit, que l’on bataille pour laisser surgir. Un symbiose difficile à éclore. Une fusion qui prendra des années. Entre acceptation de l’autre puis surtout de soi. Adolescents ils auront dansé ensemble. Ils n’étaient pas loin de s’embrasser parce qu’Alice en avait envie – poussée par le phénomène Viola – mais c’était contre l’envie du garçon. Tu ne diras rien à personne, lui demandait Alice. Phrase si douloureuse, si représentative de tout ce mal-être qui les animait. Ils seront toujours en contact quelques années plus tard mais leurs occupations – la photo pour elle, les mathématiques pour lui – auront pris trop de place. Il faudra un ultime carton « Sept ans plus tard » pour que le récit ne se disperse plus. C’est l’heure. C’est un simple message qui va provoquer l’union. Et c’est sous Bette Davis eyes de Kim Carnes que la plus belle scène du film se met en marche. Lui qui patiente derrière la porte. Elle qui s’habille au plus vite et du mieux qu’elle peut. Les visages ont l’air de ne jamais avoir autant souffert. Fausse fin, puisque la vraie se terminera sur un banc. Ce banc maudit, ineffaçable. Un dernier voyage comme expiation du passé. Cette main qui passe dans ces cheveux, ces visages qui se rapprochent et en hors-champ, comme un symbole, le baiser de la fin, qui annonce un début. Magnifique.


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silencio


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