5.5 On connaissait Tran Anh Hung grâce à l’odeur de la papaye verte, presque vingt ans au compteur ce film qui remportait la caméra d’or à Cannes en 1993. C’est un prix que l’on décerne à une première œuvre, mais le terme caméra d’or renvoie inévitablement à la technique voire à l’esthétique d’un film. Et cette papaye, bien que jolie comme tout, était creuse et bien trop lisse. Cinéma publicitaire où les visages étaient filmés comme les feuilles des arbres et cinéma qui ne s’incarne pas, qui préfère filmer des choses, des regards, des postures (mais le fait mal) plutôt que de filmer une histoire. Le nouveau film de Tran Anh Hung est bien meilleur. Pourtant, le début du film ne rassure pas. Tout est traité trop rapidement, expédié (la révolution estudiantine jamais filmée correctement) et en musique avec ça. On ne croit absolument à rien. On mélange tout, les époques, les personnages. On est touché par rien – ne serait-ce que la mort de Kizuki, aucun intérêt, c’est un fait de base, rien n’arrive à prendre avant. Et puis le film s’embourbe dans ces jolis cadres, ces jolis visages qu’il se plait à filmer généralement en longue focale. Je ne vais pas voir un film pour son sujet mais quand une mise en scène est faible j’aime être emporté (ou être rattrapé) par un sujet qui vient me saisir, m’embarquer, me faire oublier cette impression de film impersonnel supplémentaire. Sans compter que l’histoire est celle d’un livre (que je ne connais pas) très connu des années 60, donc à mon sens il faut créer une dimension nouvelle, s’affranchir du livre ou le renforcer par l’image. Je ne pourrais pas faire de comparatif évidemment mais lorsque j’entends partout que dans le livre de Murakami la mélancolie et l’errance se disputent à une certaine crudité, entre sensualité de la chair et intensité sexuelle des mots, je ne peux qu’être déçu car je ne retrouve ici que la mélancolie. Et une mélancolie du rien. Une mélancolie que je ne comprends pas. Puis le film prend un détour soudain, par le biais d’une séquence incroyable, un travelling latéral (bien qu’un peu maladroit à la réflexion) sur l’aveu de Naoko où elle confie son incapacité à ressentir le plaisir physique. C’est une scène terrible, qui rappelle la force d’une scène similaire dans Persona. Cette crudité tant attendue naît alors d’une manière surprenante, puis elle est relayée par un deuxième personnage, Midori, cette fille qui semble tirer Watanabe vers un monde plus contrôlé, plus réel, loin de cette rêverie, entre évasion aérienne et folie dégénérescente, qu’il entretient aux côtés de Naoko, qui ne se remettra jamais de la perte de Kizuki. Le film devient alors exclusivement sexuel, tout y es rapporté, alors que dans la première partie du film tout était froid, sans vie. J’ai un peu de mal à y croire, même si le souffle épique du film (c’est extrêmement violent cette histoire je trouve) a fini par m’emporter tout de même un peu, à partir de cette séquence d’aveu assez bouleversante.
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